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dans le christianisme une verité qui ne se trouve chez tous les peuples; mais le christianisme seul représente fidèlement les premières vérités révélées par Dieu au premier homme. Or le principe sur lequel M. de la Mennais fait reposer la philosophie est le même sur lequel est fondée la religion, et ceux qui l'attaquent ne font pas attention qu'ils répondent tous les jours aux incrédules comme M. de la Mennais leur répond à euxmêmes. Vous détruisez la raison, disent les philosophes, en établissant l'autorité. Vous dites, croyez sans examen, croyez ce que vous ne pouvez comprendre. On répond qu'on ne détruit pas la raison, mais qu'on ne lui permet

d'examiner si les titres de l'autorité qu'on lui propose sont valides. Après cela on l'oblige à croire tout ce qu'enseigne l'autorité. M. de la Mennais ne dit pas autre chose. En un mot, l'autorité est la règle, dit M. de la Mennais. Deux hommes disputent sur l'existence de Dieu : la raison de l'un lui dit que Dieu n'est pas; la raison de l'autre lui affirme qu'il est. Où est l'évidence certaine ? L'autorité est invoquée; le genre humain dépose que Dieu est; dès lors l'existence de Dieu est un fait qu'il n'est plus possible de nier sans se déclarer fou. Ainsi donc, parce que les philosophes n'avoient pas découvert cette règle innée en nous, et ne l'avoient pas encore exposée, leur orgueil se révolte, et pourquoi ? Le genre humain vit sur ce principe, sans s'inquiéter si les philosophes l'ont reconnu ou nié ; et il est bien plus important que le genre humain ne se soit pas trompé, que quelques rêveurs qui ont élevé systèmes sur systèmes pour en venir enfin à un désolant scepticisme.

montoient à Dieu même. Ils n'en appelèrent, ni au témoignage des sens, ni au sens intime, ni au raisonnement, de ce qu'ils devoient croire. Nos pères nous ont dit, parce que nos pères ont reçu la vérité de Dieu même; voilà sur quel fondement reposa d'abord la vérité. Les traditions furent ensuite altérées par l'orgueil et par les passions. Alors parurent les systèmes des philosophes. Quand le christianisme eut converti le monde, et même les philosophes, ceux-ci voulurent retenir leurs vains systèmes, et les concilier avec la religion. Bientôt mille sectes déchirèrent l'Église. L'invasion des Barbares arrêta ce mouvement inquiet des esprits. Durant plusieurs siècles les peuples se reposèrent dans la foi: on croyait alors à l'existence de Dieu, à la création de la matière, à l'union de l'ame et du corps dans l'homme, à la distinction du juste et de l'injuste, aux peines et aux récompenses de l'autre vie, non parce que la philosophie démontroit ces vérités, mais parce qu'elles faisoient partie de la religion. On ne cherchoit pas alors si c'étoit sur le sens intime ou sur le raisonnement qu'on doit appuyer ces vérités; on se contentoit de la religion comme de la règle infaillible de vérité, car la religion est la raison de Dieu même, transmise à chaque homme par la tradition. A la renaissance des lettres, l'orgueil, sous le nom de science, enivra quelques esprits foibles; on se prosterna devant Aristote, et on sépara la philosophie de la religion; on crut à certaines vérités, qu'on appela philosophiques, parce qu'on les jugeoit évidentes, et on crut les autres parce qu'elles étoient enseignées par l'Église. L'esprit humain ne s'arrête jamais dans l'erreur, et bientôt une grande scission eut lieu dans

l'Église chrétienne. Des hommes parurent qui affirmèrent que, même dans la religion, il ne falloit rien croire d'après l'autorité, mais qu'on ne devoit se soumettre qu'à ce qui paroissoit évident dans l'Écriture et la tradition. On se défend difficilement d'une erreur fort répandue et qui flatte notre orgueil. Descartes, qui attaqua la philosophie d'Aristote, établit le doute universel. Toutes les traditions furent rejetées par ce nouveau philosophe, qui disoit que, pour bien connoître, il ne falloit pas chercher ce qu'on avoit écrit ou pensé avant nous, mais savoir s'en tenir à ce qu'on reconnoissoit soi-même pour évident. Il fit donc reposer toute la philosophie sur le sens intime, sur l'évidence, et commença ainsi la science de l'idéologie. « C'est Descartes, dit Thomas dans son éloge, qui créa « cette logique intérieure de l'ame par laquelle l'entende<<< ment se rend compte à lui-même de toutes ses idées ». Descartes isola donc l'homme des traditions, et détruisit ainsi l'homme social dans le fond de son être, dans son intelligence: et quand il sort de son doute universel pour nous dire, Puisque je doute, je pense; puisque je pense, j'existe; il franchit un abîme immense, et pose au milieu des airs (suivant les expressions de l'auteur de l'Essai) la première pierre de l'édifice qu'il entreprend d'élever. Le principe de sa philosophie, de ne regarder comme vrai que ce qui est évident, n'en conserve pas moins tout son danger. Ce que dit Thomas pour prévenir l'accusation de témérité dans la philosophie de Descartes est fort remarquable, et fait voir qu'il sentoit très bien la contradiction que Descartes établissoit entre la philosophie et la religion. « Il n'est pas nécessaire d'avertir que le doute philo

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sophique de Descartes ne s'étendit jamais aux vérités « révélées ; il les regardoit comme d'un ordre trop supé« rieur à la raison pour vouloir les y assujettir. On voit «< partout dans ses ouvrages qu'il distinguoit le philosophe « du chrétien, et que, s'il parloit avec audace sur tous les objets de la raison, il ne parloit qu'avec soumission sur « tous les objets de la foi ».

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Certes, l'existence des corps, l'union de l'esprit et de la matière, l'existence de Dieu même, objets de la philosophie, sont aussi des vérités d'un ordre supérieur à la raison, et on vit bientôt les effets funestes d'un système qui les abandonnoit au doute. Le scepticisme remplaça la foi. Descartes va jusqu'à dire que l'homme a inventé sa pensée et la pensée de l'infini, à peu près comme ceux qui prétendent que l'homme a inventé sa parole et le verbe, moyen universel du langage. La pensée et la parole sont intimement liées, elles se développent l'une à l'aide de l'autre, et ces biens sont, comme la vie, une tradition, un héritage. Locke, venu après Descartes, voulut trouver dans lessens les principes de nos idées, que Descartes avoit fait naître d'elles-mêmes et du doute. Rousseau prétendit qu'elles étoient gravées dans les cœurs, et que la conscience étoit la règle de la vérité. Kant nia la raison même, et affirma que nous ne pouvons être sûrs de rien, pas même de l'existence des corps; car qui nous dit que l'espace et la durée ne sont pas des formes de notre entendement, et que nous ne voyons les objets hors de nous étendus et successifs, à cause de la forme de notre intelligence, comme nous voyons avec des verres rouges les objets rouges, quoiqu'ils ne le soient pas réellement. Les sens, le rai

sonnement, le sentiment, sont donc des bases de philosophie tour à tour ruinées par des philosophes. Qu'on nous montre en philosophie un établissement, pour parler le langage de Leibnitz, ou une vérité reconnue. Toutes les philosophies jusqu'ici n'ont donc abouti qu'au scepticisme.

M. de la Mennais, en attaquant l'indifférence en matière de religion, a dû rechercher d'où venoit ce mal, et en indiquer le remède; et nous croyons que sa philosophie, qui n'est rien moins que nouvelle, est la philosophie, du bon sens. La première question qu'il a dû sc faire, pour montrer aux hommes qu'ils devoient rechercher la vérité, est celle-ci : Y a-t-il un moyen de s'assurer des vérités nécessaires? La réponse n'est pas douteuse, puisque le genre humain vit de foi à ces vérités, malgré les variations perpétuelles de la philosophie et l'incertitude de ses systèmes. Pendant que les philosophes arrivent au scepticisme et doivent douter de tout, tous les hommes « croient invincible« ment mille et mille vérités, qui sont le lien de la société << et le fondement de la vie humaine ». Pourquoi ce résultat si différent? Parce que les uns demandent à leur raison de leur démontrer toutes les vérités, pendant que les autres admettent comme vrai ce que l'universalité des hommes a reconnu pour tel. M. de la Mennais constate des faits dont l'ensemble constitue le seul système qui conduise à la vérité. Après avoir montré admirablement que ce n'est pas dans les sens que nous pouvons trouver le fondement de la certitude, puisqu'il n'existe aucun rapport nécessaire entre nos sensations et la réalité des choses; ni dans le sentiment, qui se laisse emporter par l'erreur

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