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LETTRE DE M. GENOUDE

A MONSIEUR LE DIRECTEUR DU DÉFENSEUR.

MONSIEUR,

J'apprends que M. T. se prépare à répondre à l'article que vous avez inséré dans la trentième livraison du Défenseur. Je crois donc essentiel, avant cette nouvelle attaque, de bien de bien poser l'état de la question, et d'expliquer dans quel sens l'homme isolé est pris par M. de la Mennais, en montrant la liaison qui existe entre le premier et le second volume de l'Essai sur l'Indifférence. Ceux qui ont lu le premier chapitre du second volume, sans réfléchir qu'ils lisoient le treizième chapitre d'un ouvrage, et non pas le premier, ont accusé M. de la Mennais de ruiner toute espèce de certitude, et l'ont transformé en sceptique. Si l'on n'étoit pas accoutumé à cette précipitation des jugemens humains, il y auroit vraiment là de quoi s'étonner. Mais on commence aujourd'hui à se dire : Il faut bien que nous n'ayons pas entendu M. de la Mennais ni M. de Bonald qui l'a défendu, puisque ce que nous leur faisons dire est absurde.

Voici le plan de l'Essai :

M. de la Mennais, après avoir montré dans son premier

volume, en combattant les trois sytèmes généraux d'incrédulité, que le principe fondamental de l'hérésie, du déisme et de l'athéisme est la souveraineté de la raison individuelle, c'est-à-dire, que l'hérétique, le déiste et l'athée soutiennent que la raison particulière de chacun est la règle de ses croyances, en sorte qu'ils n'admettent comme vrai que ce qui est démontré à cette même raison, ce qui les conduit inévitablement au scepticisme universel, considère dans le second volume l'homme dans l'état où l'hérétique, le déiste et l'athée se placent volontaire

ment.

L'homme dès lors, cet être contingent, rejetant Dieu, être nécessaire, est forcé de se nier lui-même, puisqu'il n'aperçoit plus de raison de son existence.

Il ne peut donc avoir la certitude rationnelle de rien, et doit par conséquent demeurer dans le doute. Cependant cet état est impossible. Il y a en lui quelque chose qui le force invinciblement à croire mille et mille choses dont il n'a aucune preuve certaine ; d'où il résulte que le doute, et par conséquent l'isolement de la raison qui produit ce doute, sont opposés à sa nature. Cet homme croira donc nécessairement. En cet état, que doit-il raisonnablement regarder comme certain? Ce que tout le genre humain croit. Il croira donc ce qui sera appuyé sur l'autorité des autres hommes, et voilà le fondement de sa certitude, en voilà la raison dernière. Il lui est impossible d'en assigner une autre, avant d'avoir trouvé Dieu. Il ne peut dire, comme le philosophe religieux, Mes sens s'accordant à croire à l'existence des corps, Dieu me jetteroit lui-même dans l'illusion, si les corps n'existoient pas réel

reconnu,

lement; puisque celui à qui s'adresse M. de la Mennais nie Dieu de droit ou de fait. M. de la Mennais montre ensuite au sceptique le genre humain tout entier attestant l'existence de Dieu, l'immortalité de l'ame, les peines et les récompenses d'une autre vie, etc. Dieu une fois en lui se trouve la certitude absolue, parce qu'il est seul la dernière raison des choses, et l'autorité de l'Église n'est encore que l'autorité de Dieu même. Ainsi donc M. de la Mennais force l'homme qui raisonne rigoureusement à admettre l'autorité de l'Église, ou à rejeter l'existence de Dieu, et par là toute certitude. Voilà ce que dit M. de la Mennais. Que deviennent les difficultés qu'on a faites contre son livre? On voit comment il nie la certitude rationnelle des axiomes de géométrie, les vérités physiques, et à quoi se réduit cette dernière objection, que l'homme, incapable par luimême d'acquérir aucune vérité, ne pourroit même acquérir celle-ci, que l'autorité est le seul et unique fondement de certitude.

Mais à quoi sert, dit-on, de remuer toutes ces questions? Parce qu'il faut accommoder les remèdes aux maladies, et que, la plaie de ce siècle étant le scepticisme, M. de la Mennais a dû présenter aux sceptiques un moyen de revenir à la vérité.

QUELQUES

OBSERVATIONS RESPECTUEUSES

AUX

ADVERSAIRES DE M. DE LA MENNAIS;

Par M. R......

L'opposition momentanée qu'éprouve le deuxième volume de l'Essai, de la part de quelques personnes, provient, à ce qu'il paroît, de la persuasion où elles sont que l'auteur va trop loin, qu'il renverse toutes les thèses de logique sur la relation des sens, le sens intime, le raisonnement; qu'il détruit la preuve des miracles et de l'inspiration des prophètes, etc. Il me semble, au contraire, que, si on veut bien s'attacher moins aux mots qu'à la chose, on se convaincra que M. de la Mennais ne va qu'au but, qu'il ne renverse que l'erreur et l'orgueil, qu'il établit la certitude sur le seul fondement inébranlable, et qu'au fond l'école est d'accord avec lui.

Pour commencer par ce dernier point, je m'adresserai aux adversaires de M. de la Mennais, dont les principaux, à ce qu'on dit, sont défenseurs nés des thèses de l'école ;

et je leur dirai: Autant que je puis vous comprendre, vous m'assurez que la relation de mes sens, mon sens intime, ma raison individuelle, sont pour moi autant de moyens infaillibles de connoître la vérité, je dirois presque autant de machines à certitude que je n'ai qu'à mettre en mouvement pour leur faire produire leur effet immanquable. Mais d'après cela il me semble que, pour avoir la certitude toutes les fois que je voudrai et sur quoi je voudrai, je n'ai pas besoin de vous, ni de vos savans auteurs, ni de vos traités de logique et de morale; que je n'ai pas besoin d'aller me casser la tête sur les bancs pour graver dans ma mémoire les règles du syllogisme et du dilemme, méditer les oracles de Bossuet, de Leibnitz, de Malebranche, de Descartes, en un mot me fatiguer l'esprit pour apprendre à raisonner juste, comme on se fatigue le corps pour apprendre à faire des armes. Si cela est, messieurs, je puis vous assurer que vous rendez un très grand service et que vous faites un très grand plaisir à plus d'un élève en philosophie.

,

Il paroît que vous êtes jeune encore me direz-vous; car vous oubliez que pour être juste la raison des jeunes gens a besoin d'être formée auparavant sur l'expérience et la raison supérieure de personnes plus âgées.

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par

Que dites-vous là? Quoi! ma raison particulière, qui, selon Vous m'est elle-même une règle infaillible de vérité, soit qu'elle juge sur la relation de mes sens ou sur mon sens intime, soit qu'elle tire des conséquences d'une vérité déjà connue, ma raison particulière a cependant besoin, pour devenir juste et infaillible, d'être formée sur l'expérience et la raison de gens plus habiles que moi?

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