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se convertit dès lors à la religion catholique, c'est-à-dire, à la plus grande autorité.

A la bonne heure, dira-t-on, qu'on termine les controverses de religion par voie d'autorité; mais en vouloir user de même pour toute discussion quelconque, c'est aller trop loin.

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M. de la Mennais a répondu d'avance à cette difficulté, ou plutôt à cette équivoque, en disant dans sa préface, page 84: « Qu'est-ce que l'autorité à laquelle tous les esprits doivent obéir? Est-ce la force? Ce serait absurde. «Est-ce l'autorité d'un ou de quelques hommes? Non, <«< mais la raison générale manifestée par le témoignage ou << par la parole ». Il nous semble donc que l'auteur de l'Essai entend en général par l'autorité un motif quelconque de croire, de tenir pour certain quelque chose. Ainsi, sur l'autorité de nos sens, nous tenons pour certaines l'existence et les qualités des objets extérieurs; sur l'autorité de notre sens intime, nous tenons pour réelle l'évidence de certaines vérités premières; sur l'autorité de notre raison, nous tenons pour justes les conséquences que nous tirons par le raisonnement de certains principes généralement admis. Ensuite le jugement que porte un homme, d'après la relation de ses sens, son sens intime, sa raison particulière, devient à son tour pour un autre homme une autorité, un motif de croire, de tenir pour certain ce qu'il dit; autorité plus ou moins grave, selon le plus ou moins de moyens et de vertu du sujet qui la présente : ainsi, de plusieurs hommes, et de degré en degré jusqu'à l'universalité du genre humain, dont la commune relation des sens, le sentiment universel, la raison générale, présentent la plus

grande autorité, les plus grands motifs possibles qu'il y ait sur la terre de croire, de tenir pour certain quelque chose. Mais dans cette hiérarchie d'autorités qui comprend tous les motifs de croire, tous les moyens de certitude humaine, tous les principes de science, il y a des autorités, des moyens de certitude, qui nous trompent quelquefois, ou, si vous aimez mieux, avec lesquels nous nous trompons. Cela est évident; autrement l'erreur serait impossible. Maintenant, où l'erreur et l'incertitude peuventelles se trouver? où la vérité et la certitude? M. de la Mennais prétend que le doute et l'erreur ne peuvent se trouver que là où les moyens de certitude sont moins nombreux et moins sûrs, c'est-à-dire, dans la moindre autorité; la certitude et la vérité, au contraire, que là où ces mêmes moyens sont plus sûrs et en plus grand nombre, c'est-à-dire, dans la plus grande autorité. Cette prétention vous paroîtroit-elle déraisonnable?

Tout cela ne détruit nullement la preuve des miracles ou de l'inspiration des prophètes. D'abord un miracle, comme tout autre fait, se prouve, non par le simple dire d'un seul témoin, qui ne formeroit qu'une probabilité, mais par une réunion de témoignages et de circonstances telle les témoins ne le sens commun en conclut que sont ni trompés ni trompeurs.

que

De même, d'après cette parole de l'Évangile, si ego testimonium perhibeo de me ipso, testimonium meum non est verum, ce n'est point par la simple assertion de celui qui se dit inspiré que se prouve l'inspiration prophétique 1. Car, depuis les prêtres de Baal jusqu'au proVoyez Job. 5, 31.

:

testant Juricu, il y a eu de faux prophètes qui prophétisoient des mensonges, en disant, Le Seigneur a dit; tandis que le Seigneur ne leur avoit point parlé1. Elle se prouve, 1o par la vie sainte du prophète ; 2o par les miracles qu'il opère ainsi Moïse, avant de croire lui-même à sa mission surnaturelle, demanda à voir des prodiges; et, pour prouver aux Israëlistes qu'il ne vient point en son propre nom, mais qu'il est envoyé du Seigneur, il renouvelle ces prodiges en leur présence; 3o par des prophéties particulières dont l'accomplissement contemporain étoit une preuve du futur accomplissement des autres. C'est ainsi que les prédictions des prophètes qui regardoient certaines personnes, ou bien le sort temporel des Juifs et de quelques autres peuples, s'accomplissant à la lettre, étoient un sûr garant que les prophéties qui regardoient des siècles plus éloignés s'accompliroient de même.

Si au contraire la relation des sens et le sens intime de l'individu lui sont par eux-mêmes des règles infaillibles du vrai, il faudra ajouter une foi entière aux vieilles femmes, toutes les fois qu'elles assurent avoir vu, entendu et même touché des esprits nocturnes; il faudra croire à l'inspiration de tous les enthousiastes, de tous les visionnaires, et y croire avec d'autant plus de confiance qu'ils seront plus en délire; car alors leur sentiment intime sera d'autant plus vif, et conséquemment d'autant plus certain.

Mais enfin, dira-t-on, lorsqu'on a lu le premier cha

Ezech. 13.

pitre de M. de la Mennais, on ne sait plus où l'on est, ni si on sait encore quelque chose.

cru que

Il paroît en effet qu'en voyant l'impétuosité avec laquelle M. de la Mennais attaque, renverse et désarme tous ses adversaires dans le même champ clos, certaines personnes, saisies d'une terreur panique, malgré les assurances de paix qu'il leur donne avant d'entrer en lice, ont c'étoient elles-mêmes qu'il attaquoit, renversoit, désarmoit et dépouilloit jusqu'à leur enlever leur raison même '. Qu'elles se rassurent; les seuls ennemis que combatte M. de la Mennais sont ces esprits follement orgueilleux qui rejettent la raison générale manifestée par le témoignage ou par la parole, et lui préfèrent présomptueusement leur raison individuelle. C'est à ces extravagans que l'auteur démontre, non pas que leur raison n'est rien, mais qu'étant aussi foible et aussi incertaine qu'elle l'est, abandonnée à elle seule, elle ne peut parvenir par ses propres forces tout au plus qu'à une opinion probable, et jamais à la certitude, à ce repos de l'intelligence qui se trouve uniquement dans le consentement commun, dans la plus grande autorité. C'est ce que Salomon enseignoit déjà il y a trois mille ans, lorsqu'il disoit: Les pensées des mortels sont timides, et nos prévoyances incertaines. Le corps qui se corrompt appesantit l'ame, et cette demeure terrestre accable l'esprit dans la multitude de ses pensées. Nous ne conjecturons que difficilement ce qui se passe sur la terre, et nous ne discernons qu'avec peine ce qui est devant nos

1 Voyez la préface, pag. 82 et 83.

yeux'. Malheur donc à celui qui est seul; car s'il tombe, qui le relèvera? s'il s'égare, qui le redressera? Ne vous appuyez donc pas sur votre prudence. Ne soyez pas sage tout seul. La voie du fou lui paroît droite, mais le sage écoute les conseils des autres; il craint avec ses propres yeux, il se défie de lui-même ; tandis que l'insensé passe outre avec une confiance téméraire 3. Ne méprisez donc pas, ajoute le fils de Sirach, les discours des anciens sages, ni les entretiens des vieillards qui ont appris de leurs pères; méditez au contraire leurs sentimens; car c'est d'eux que vous apprendrez la sagesse et la doctrine de l'intelligence.

Ainsi, les personnes sensées, qui, selon les préceptes de la sagesse divine, ne s'en rapportent pas à elles seules, mais qui consultent autant qu'elles peuvent l'expérience des hommes et des siècles les plus sages, n'ont aucunement à se plaindre de M. de la Mennais, puisque c'est leur conduite même qu'il propose et qu'il défend, comme le vrai modèle, comme le moyen le plus sûr, et même comme l'unique moyen pour parvenir à la certitude. Elles doivent au contraire reconnoître en lui le vengeur éloquent de leur sage modestie et du sens commun de tous les temps, contre l'orgueil et la folle présomption de notre siècle.

1 Sap. 9.

⚫ Eccl. 4.

3 Proverb. 3, 12, 13, 20.

▲ Eccl. 8.

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