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NOUVELLES

OBSERVATIONS RESPECTUEUSES

AUX

ADVERSAIRES DE M. DE LA MENNAIS;

Par M. R.....

MESSIEURS,

Comme vous ne répondez point aux premières observations respectueuses que je me suis permis de vous adresser, j'en conclus que vous ne les trouvez pas mauvaises, et qu'enfin vous pensez comme M. de la Mennais. Je m'en réjouis de tout mon cœur ; car je souhaite ardemment de voir des hommes, que je suis très porté à estimer, être enfin d'accord avec un auteur que j'aime et que j'admire.

Mais tandis que je m'applaudis de votre silence, vous souriez peut-être de compassion à ma joie puérile, et je commence à craindre que vous n'ayez raison d'en rire; car il me semble vous voir retranchés derrière les Pascal, les Descartes, les Malebranche, les Leibnitz, les Euler, les

d'Aguesseau, comme dans un bataillon carré, prêts à lancer quelque réponse foudroyante qui, tout à coup, écrasera le pauvre M. de la Mennais avec tous les siens.

Mais ne voilà-t-il pas qu'un de mes amis m'annonce (chose bien incroyable) que ces grands hommes, que vous croyez si fort vos amis et vos patrons, sont pour vous des ennemis redoutables, qui, après avoir paru un instant vous protéger de quelques paroles mal interprétées, vont faire volte-face un de ces jours, et vous livrer, pieds et poings liés, à votre adversaire.

Comme je n'ai pas l'honneur de connoître ces messieurs aussi familièrement que vous, et que d'ailleurs vous y êtes plus intéressés que moi, je vous prie d'y regarder de plus près, et de bien examiner si, sous le casque troyen, ce ne sont pas des Grecs prêts à vous transpercer de vos pro

pres armes.

D'abord, pour commencer par celui de tous qui m'est le moins inconnu, comment se peut-il que vous opposiez Pascal à M. de la Mennais? Pascal, qui, dans le troisième chapitre de ses Pensées, s'écrie: « C'est en vain, « ô homme, que vous cherchez dans vous-même le re«<mède à vos misères. Toutes vos lumières ne peuvent ar<< river qu'à connoître que ce n'est point en vous que vous « trouverez ni la vérité ni le bien. Malheureux que nous << sommes, nous sentons une image de la vérité et ne pos« sédons que le mensonge, incapables d'ignorer absolu<< ment et de savoir certainement »; Pascal, qui, généralement dans tout son livre, mais surtout dans le chapitre huitième, tient continuellement l'homme suspendu entre un doute universel et la foi chrétienne? tandis que M. de

la Mennais présente du moins un moyen terme, la foi humaine, la certitude résultant de l'accord des hommes, et surtout de l'universalité du genre humain : foi humaine qui, prenant l'homme isolé dans les régions désolantes du doute, le conduit de degré en degré jusqu'à la certitude divine. Comment pouvez-vous, pour montrer à M. de la Mennais qu'il va trop loin, lui opposer un homme qui va plus loin encore? Comment, ne faisant sur ce point aucun reproche à Pascal, qui va réellement trop loin, à ce qu'il me semble, vous êtes-vous récriés contre l'auteur de l'Essai, qui modifie ce qu'il y a d'excessif dans l'auteur des Pensées ?

Ensuite on assure que Descartes, examinant dans sa première méditation les fondemens de toutes nos connoissances, y compris l'arithmétique et la géométrie, est conduit au doute absolu par des raisons qui lui paroissent sans réplique, et qu'il finit par dire : « Non, je ne trouve « rien à répondre à ces argumens ; mais je suis forcé enfin << d'avouer que, de toutes les choses que je regardois autre<< fois comme vraies, il n'y en a aucune dont il ne soit << permis de douter; et cela, non par défaut de réflexion « ou par légèreté, mais pour des raisons bien fortes et « bien méditées »>.

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Voilà donc Descartes, par la justesse et la force même de sa raison, parvenu à cet abîme d'incertitude où vous prétendez que M. de la Mennais vous précipite tous sans distinction et sans remède; tandis qu'il n'y pousse que la raison individuelle, la raison de l'homme seul, de l'homme qui se sépare de la société des autres êtres intelligens, et ne veut croire que lui; et qu'il ne l'y pousse que pour lui

faire avouer son insuffisance et lui faire accepter l'unique moyen de certitude, la For, que déjà il ajoute nécessairement au témoignage général en mille et mille choses.

Cependant, voyons par quelle voie ou par quelle échelle Descartes sortira de cet abîme du doute. La première vérité qu'il cherche à ressaisir, le premier échelon qu'il cherche à se faire, est de dire, dans sa troisième Méditation: « Je pense, je suis un être pensant, ego sum res «< cogitans ». Puis il ajoute sur-le-champ : « Je suis cer<< tain que je pense, que je suis un être pensant, sum certus << me esse rem cogitantem ». Mais aussitôt, cherchant à affermir ces deux échelons, il se demande à lui-même :

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Sais-je bien aussi ce qu'il faut pour que je sois certain « de quelque chose? Tout ce que je sais, c'est que je ne « vois dans cette première connoissance qu'une percep«<tion claire et distincte de ce que j'affirme ; ce qui, sans

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doute, ne suffiroit pas pour me rendre certain de la vé«< rité d'une chose, s'il pouvoit arriver jamais que quelque « chose que je concevrois aussi clairement et aussi dis<«< tinctement fût faux. Je crois donc pouvoir dès lors « établir pour règle générale que ce que je conçois d'une « manière claire et distincte est vrai ».

Mais, pouvoit-on lui dire, si votre principe même n'est pas certain, s'il n'est pas à l'abri de tout doute, s'il n'est pas démontré impossible que vous conceviez jamais clairement et distinctement une chose fausse, vous n' n'êtes certain de rien, pas même de votre existence. Descartes en convient le premier. Aussi cherche-t-il à s'assurer de la vérité de son principe fondamental. Mais, trouvant aussitôt de nouveaux motifs de douter, il ajoute : « Pour avoir quel

la Mennais présente du moins un moyen terme, la foi humaine, la certitude résultant de l'accord des hommes, et surtout de l'universalité du genre humain : foi humaine qui, prenant l'homme isolé dans les régions désolantes du doute, le conduit de degré en degré jusqu'à la certitude divine. Comment pouvez-vous, pour montrer à M. de la Mennais qu'il va trop loin, lui opposer un homme qui va plus loin encore? Comment, ne faisant sur ce point aucun reproche à Pascal, qui va réellement trop loin, à ce qu'il me semble, vous êtes-vous récriés contre l'auteur de l'Essai, qui modifie ce qu'il y a d'excessif dans l'auteur des Pensées ?

Ensuite on assure que Descartes, examinant dans sa première méditation les fondemens de toutes nos connoissances, y compris l'arithmétique et la géométrie, est conduit au doute absolu par des raisons qui lui paroissent sans réplique, et qu'il finit par dire : « Non, je ne trouve << rien à répondre à ces argumens ; mais je suis forcé enfin << d'avouer que, de toutes les choses que je regardois autre<< fois comme vraies, il n'y en a aucune dont il ne soit permis de douter; et cela, non par défaut de réflexion « ou par légèreté, mais pour des raisons bien fortes et « bien méditées ».

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Voilà donc Descartes, par la justesse et la force même de sa raison, parvenu à cet abîme d'incertitude où vous prétendez que M. de la Mennais vous précipite tous sans distinction et sans remède; tandis qu'il n'y pousse que la raison individuelle, la raison de l'homme seul, de l'homme qui se sépare de la société des autres êtres intelligens, et ne veut croire que lui ; et qu'il ne l'y pousse que pour lui

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