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vrai sentiment intérieur, une véritable affection de l'ame, et qu'il n'y a point de liaison entre une affection de notre ame et une vérité extérieure, comme on en convient; 2o parce qu'on ne peut rien prouver à quelqu'un par cette raison qu'on voit clairement, puisque ce seroit imposer sa raison comme règle de croyance aux autres; 3o parce qu'en disant je crois fermement, puisque je vois clairement, on suppose doublement la question : car on suppose, 1o qu'on voit, et même qu'on voit clairement; 2o qu'une vue claire est infaillible, que nos perceptions sont essentiellement vraies; ce qui est précisément la question. A la vérité, il faut qu'une chose soit, avant que d'être ni vue ni sentie; mais, 1o nous n'avons aucune vue immédiate du vrai; nous ne voyons la vérité que dans son idée ou son image; c'est même ce que nous indique le mot évidence (videre ex); 2o la difficulté reste toujours de savoir s'il est bien vrai que nous voyons. Queis moyens d'ailleurs de distinguer l'évidence réelle de l'évidence apparente? L'impression, dit-on, qu'elles font sur nous : mais n'est-ce pas cette impression que l'on confond et qui cause l'erreur.

30 L'évidence objective, qui consiste en ce qu'une vérité est manifestée, sensible, mise en évidence, dans les paroles et les actions humaines, exprimée dans tout ce qui nous environne, est un motif de juger; mais c'est le sens commun. Aussi, si l'on veut bien y faire attention, quand on dit, à la fin d'une preuve, cela est évident, le sens est celui-ci : Cette vérité est crue et avouée de tout le monde. Si c'est un autre sens, on dit une sottise, et l'adversaire a autant de droit de nier que vous d'affirmer.

4° Quant aux sensations, on convient, 1o que nous n'avons pas une certitude raisonnée de l'existence actuelle d'aucun corps en particulier, quoique nous y croyions sur le rapport de nos sens; 2o que nous n'avons certitude que lorsque les sensations sont uniformes, constantes et universelles: donc la certitude ne résulte pas de la sensa tion (qui d'ailleurs est un sentiment, et ne peut faire juger de rebus ad extra), mais des conditions de la sensation, et surtout de l'universalité; on est donc encore ici d'accord avec nous.

Je ne dis rien du raisonnement, qui est fondé sur les mêmes motifs que le simple jugement.

II. Différence entre la certitude de fait et la certitude de

droit.

1o La certitude de fait, c'est la croyance ferme et inébranlable d'une chose : cette certitude existe; toutes les actions humaines en font foi; les pyrrhoniens seuls pourroient le nier.

2o La certitude de droit, c'est l'assurance démontrée les choses sont en elles-mêmes comme elles nous paque roissent et comme nous les voyons.

Cette certitude ne peut se démontrer, parce que la vérité elle-même est indémontrable, puisqu'il seroit impossible de la prouver, que par elle-même, ou par autre chose qu'elle-même, c'est-à-dire, sans supposer la question; d'ailleurs, pour démontrer, il faut des principes ou des faits convenus ou admis avant toute preuve.

Cela posé, voici le raisonnement de M. de la Mennais, dans son premier chapitre Il est de fait que tous les

or,

hommes croient invinciblement comme vraies une multitude de choses, et qu'il y en a beaucoup d'autres qu'ils ne croient qu'imparfaitement; or, on ne croit pas sans motif, et les motifs sont toujours proportionnés à la force de la croyance; donc il y a des motifs certains et d'autres qui ne le sont pas. Mais la croyance est un fait intérieur et privé, dont le sens intime est seul témoin; le sens intime seul peut constater, 1o si l'on croit avec assurance; 2o quel est le motif qui donne cette assurance, quand on l'a; en me consultant, je sens que c'est la vue du sentiment commun qui me la donne, et que je crois plus ou moins certainement, suivant que j'aperçois un consentement plus ou moins unanime; en consultant les autres, il me semble, je crois (le sens intime m'en assure), que les autres sont déterminés par le même motif; et toute la prudence, dans les choses de la vie, consiste à discerner la plus ou moins grande autorité; donc le sens commun est le vrai, le dernier fondement de la certitude de fait... Que chacun se consulte avec bonne foi, dans le silence du préjugé et des passions, et si le sens intime ne lui répond pas la même chose qu'à moi, je consens à passer pour un rêveur insensé... M. de la Mennais ne nie donc pas le sens intime ni l'évidence; il reconnoît l'existence indémontrable de l'un, et la nécessité de l'autre, puisqu'il ne peut y avoir croyance, sans connoissance ou sans perception; mais autre chose est la perception, autre chose est le motif de croire à l'objet qu'on croit aperçu. Il ne nie pas non plus ni les sens ni les sensations, par la même raison.

Mais, dit-on, on ne connoît le témoignage universel

que

par les sens; donc la certitude repose en dernier lieu sur les sens. D'autre part, les sens sont faillibles; donc il n'y a point de certitude... Cet argument prouve très bien qu'on ne peut pas démontrer la certitude, et qu'il faut croire avant de raisonner; ce n'est pas une objection, mais une confirmation... De plus M. de la Mennais peut l'omettre; il a constaté un fait; mais il n'a pas entrepris de chercher ni l'origine ni la nature de ce fait.

que

L'argument fût-il insoluble, il ne prouveroit rien, puisla connoissance de l'existence peut être certaine, avec l'ignorance de la nature et du mode. Mais comment saisje que le sens commun est infaillible? Je sais, par le sens intime, qu'il me force à croire et qu'il me donne la certitude de fait ou le fait de la certitude; mais je ne peux pas démontrer à priori qu'il soit infaillible. Seulement je crois que, l'erreur n'étant pas croyable de sa nature, elle ne peut subjuguer tous les esprits à perpétuité, et que d'ailleurs l'auteur de notre nature, si nous en reconnoissons un, ne doit pas être présumé nous avoir condamnés

à errer universellement.

En dernière analyse, 1o a-t-on raison avec le sens commun? 2o a-t-on raison contre le sens commun? 3o at-on raison sans le sens commun?

1° Qu'on ait toute la certitude qu'on peut raisonnablement demander, quand on est d'accord avec le sens commun, qu'il soit prudent de s'y confier, qu'on s'y confie réellement et dans le fait, c'est ce que personne ne nie; on n'ose pas d'ailleurs assurer que l'évidence d'un soit préférable et plus probable que l'évidence de tous.

2o Que s'il arrivoit qu'un homme fût invinciblement

porté à croire contre le sens commun, on le regarderoit, il se regarderoit lui-même, s'il étoit raisonnable, comme une intelligence viciée et un cerveau malade; la plus grande présomption possible seroit évidemment contre lui; tout le monde croiroit qu'il a tort; il ne pourroit croire lui-même qu'il a raison; il seroit dans d'étranges perplexités. On n'a donc jamais raison contre le sens

commun.

3o Enfin, sans le témoignage universel oral et pratique, 1o il n'y a point de certitude réelle des vérités morales, qui ne sont connues que par la parole et par l'analogie et plus les conséquences sont particulières, moins elles sont certaines; 2o il n'y a de certitude physique qu'à l'appui du sens commun, comme nous l'avons vu. Quant aux choses particulières, qui ne peuvent avoir cet appui, elles peuvent être crues, mais sans certitude réelle, sans le sens commun. En général, les vérités sont plus ou moins importantes, suivant qu'elles sont plus ou moins générales, soit dans l'ordre physique, soit dans l'ordre moral; plus elles sont importantes, plus elles ont besoin d'être crues fermement, mais aussi plus elles sont universellement admises, pratiquées, parlées. La croyance de chaque chose est proportionnée à son importance, à sa généralité et à l'universalité plus ou moins grande de ceux qui l'admettent. J'abandonne ces dernières considérations à la sagacité des lecteurs.

Je suis avec une parfaite considération, monsieur, votre très humble serviteur.

DONEY, prêtre.

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