Obrázky na stránke
PDF
ePub

par les suites de la même puissance, celle de l'habitude (imprimée d'abord elle-mème par la ruse ou la force, la douceur ou la crainte), Confucius, Zoroastre, Numa, Moïse, Mahomet, Jésus, le Pape, etc., et tous les fabricateurs de religions et de dieux se sont tour-à-tour emparés de l'imagination des hommes pour les conduire à leur gré, et ont su conserver si longtems leur empire sur eux.

>

Au milieu de ce monstrueux amas d'absurdités rendues sacrées par l'habitude et le tems; parmi cette foule d'autels et de temples élevés à l'erreur à peine trouvera-t-il de loin en loin " , quelques prêtres de la raison, quelques sages occupés à étudier la nature, à poser les fondemens des sciences à établir les règles de l'art d'observer et de penser, cherchant à se soumettre et à soumettre les autres à la rare et précieuse habitude de la vérité et de la justice, et assez heureux pourle faire impunément. Il les verra persécutés par le fanatisme et l'ignorance, exposés à la fureur d'une populace aveugle, livrés à la vengeance des moines, des prêtres, des inquisiteurs et des despotes; tantôt poursuivis par les Anitus et buyant la cigue comme Socrate, et tantôt réduits à s'empoisonner pour se soustraire à l'échafaud teint du sang des Bailli et des Lavoisier; il gémira sur la triste destinée de l'homme à qui l'on ouvre par-tout les routes sans nombre de la sottise et de l'erreur, tandis qu'on est si attentif à lui fermer le chemin unique de la vérité.

Il ne s'étonnera plus de voir le génie, les sciences et les arts parcourir successivement les diverses ré

tems, douceur et persuasion, font toujours plus que précipitation, brusquerie et violence,

Le tems le plus favorable pour une révolution est celui où, par une suite de changemens introduits peu-à-peu dans les lumières, l'opinion, les habitudes et le caractère d'un peuple, tout le monde sent plus ou moins l'avantage de la faire, vu le défaut, l'insuffisance des anciennes lois, le besoin de lois nouvelles et la nécessité de remédier aux abus. Alors elle peut avoir lieu sans danger, sans secousse ; mais lorsque dans un pays soumis depuis longtems à un régime oppresseur, il se trouve au sein d'une grande population presque toujours iguorante et insouciante sur la forme de son gouverne

[ocr errors]
[ocr errors]

manche au décadi; pourquoi toutes les innovations en matière de religion sont-elles si difficiles, si dangereuses, souvent si sanglantes! C'est une suite évidente de la tenacité avec laquelle les individus et les nations sont attachés à leurs idées habituelles, à leurs usages, à leurs superstitions, même à leurs erreurs ( quoique sour vent les plus contraires à leurs vrais intérêts), ← Quand une fois les têtes ont été formées de certains élémens (bons ou mauvais), enracinés par le tems, on y tient opiniâtrement: l'amour-propre des uns et l'intérêt des autres vient à l'appui, et leur persuade aisément qu'ils sont les meilleurs possibles; on s'aveugle, on s'échauffe, on s'entéte, on défend sa chimère au e au péril de sa vie, A un certain âge, la paresse s'oppose à l'acquisition de toute idée neuve; si l'on s'examinoit à fond, souvent l'on auroit trop å rougir du peu que l'on vaut, l'on auroit honte de valoir moins que des jeunes gens, ou même des enfans; l'on aime mieux travailler à se tromper soi-même, et l'on n'y réussit que trop. C'est ainsi que le pouvoir des passions et de l'habitude l'emporte toujours sur celui de la vérité et de la raison qui ont tant de peine à prendre racine sur notre petit globe.

[ocr errors]

ment, un grand nombre d'hommes éclairés, voyant les abus et intéressés à les détruire, tandis qu'une classe d'hommes injustes et puissans est intéressée à les faire durer, parce qu'elle en profite: alors il se forme une coalition des lumières et de la raison contre l'injustice; elle se renforce et s'étend en silence, en gagnant chaque jour du terrein, et il ne faut que l'étincelle d'une occasion favorable pour produire une explosion, une lutte terrible qui ne finit plus que par la destruction totale d'un parti, quelquefois par le triomphe du plus juste, et trop souvent par celui du plus fort. MES

9

J.

Les individus sont sans mœurs et sans caractère, tant qu'ils sont sans habitudes suivies ; de là les contradictions, l'irrésolution, la foiblesse, l'ignorance, les écarts et les malheurs auxquels sont exposés les hommes sans éducation sans expérience, livrés à eux-mêmes dans la carrière de la vie, ou placés dans un poste pour lequel ils n'ont pas été faits. Il en est de même des peuples ; voilà pourquoi la naissance des états et leurs révolutions sont d'ordinaire accompagnées de la dissolution des meurs de toutes sortes d'excès, de débauches et de vices: le passage de la barbarie à la civilisation, ét de l'anarchie à l'ordre, est une espèce de calos; tant qu'il dure on est sans lois, sans instruction sans éducation et sans bonnes habitudes; non-seulement on n'en a point de bonnes, mais chaque jour voit développer le germe d'une foule de mauvaises; le peuple sans guide, ou qui a perdu ses

[ocr errors]

,

des factieux, etc.; harangué de toutes parts, balotté et entraîné tour-à-tour dans toutes sortes de directions, il ne sait plus ce qu'il doit croire ni ce qu'il doit faire, et il fait indistinctement toute sorte de bien et de mal. Fier d'être débarrassé de toute espèce de frein, sa règle est sa force, et sa liberté la licence. Dans ce déplorable état des choses les citoyens s'entrédévorent par la guerre civile et par l'immoralité, mais ce moment d'orage ne peut toujours durer peu-à-peu l'effervescence, des passions se rallentit, la lumière croissante dissipe les ténèbres, l'ordre renaît du sein de, ce cahos, le parti vainqueur rétablit les lois; l'instruction, l'éducation et les lois rétablissent peu-à-peu les habitudes particulières et publiques, par conséquent aussi les mœurs; et les bonnes mœurs, résultat des bonnes habitudes, rappellent le bonheur, compagnon, de la paix.

Conclusion.

Je crois avoir démontré à priori que les individus et les peuples ne sont, en grande partie, que le produit nécessaire de leurs habitudes; mais si quelqu'un en doutoit encore, il n'a qu'à joindre les preuves historiques à celle du raisonnement direct; qu'il jette un coup-d'œil sur la mappemonde politique du globe et sur les peuples qui l'habitent il verra clairement qu'elles sont beaucoup plus encore que l'organisation et le climat, la cause puissante qui différencie le Portugais, l'Espagnol, le Français, l'Italien, l'Anglais, le Suédois, le Russe,

[ocr errors]

l'Allemand, le Turc, le Persan, le Chinois, etc., enfin l'habitant civilisé des deux continens, et les insulaires encore sauvages semés çà et là sur les mers. Celui qui saura rapprocher et combiner comme il faut ces trois forces, l'organisation, le climat (1), les habitudes, trouvera peu de problèmes insolubles en politique et en morale; il expliquera aisément la stupidité et l'apathie de certains peuples, la sagesse et les lumières des autres, la vivacité et la légèreté de ceux-ci, la gravité et le phlegme de ceux-là ; il verra pourquoi l'un est foible, paresseux et lâche, l'autre fort, courageux et laborieux; l'un superstitieux et fanatique, l'autre raisonnable et philosophe; l'un industrieux et commerçant, l'autre guer rier et conquérant; l'un avare ou parcimonieux, l'autre prodigue et magnifique, etc.: il verra comment les forces réunies de l'habitude, de la crédu lité et de l'ignorance, entretenues par la politique, ont su donner à chaque peuple un haut degré d'admiration pour ses coutumes, sa religion et ses lois, et sont venues à bout de lui persuader qu'il est le premier peuple du monde lorsqu'il n'est souvent que le plus chétif ou le plus misérable : il verra pourquoi l'intérêt diversement modifié et appliqué fait trouver dans un endroit, inutile, ridicule

(1) Le régime est aussi une cause très-puissante dont l'action n'est pas à négliger, mais elle n'est que secondaire; elle est presqu'entièrement le produit du climat, du gouvernement, de la profession qu'on exerce, enfin du systême des habitudes so

« PredošláPokračovať »