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tandis que l'homme civilisé et vivant dans les villes, n'a souvent que des jouissances empoisonnées par la

assurée du malheur. Une femme et des enfans sont de bien doux trésors pour l'homme des champs, ils lui sont nécessaires pour embellir sa solitude et partager ses travaux; mais c'est souvent un lourd fardeau pour l'habitant des grandes villes, où les besoins multipliés d'une existence toute artificielle, la folie changeante des modes, l'extrême galanterie des femmes, et la dépravation des mœurs, peuvent rapidement absorber une fortune qui feroit en province, et sur-tout à la campagne, le bonheur de plusieurs familles. Pourquoi s'étonner alors qu'on n'épouse plus que les écus? Quiconque connoît son siècle et agit autrement, est tout au moins un imprudent; sans doute il est encore d'heureuses exceptions, mais c'est un lot brillant à la loterie sur lequel il ne faut pas trop compter. La Fontaine disoit :

Que le bon soit toujours camarade du beau,

Dès demain je chercherai femme ;

Mais comme le divorce entre eux n'est pas nouveau ?

Et que peu de beaux corps hôtes d'une belle ame

Assemblent l'un et l'autre point,

Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point.

J'ai vu beaucoup d'hymens, aucun d'eux ne me tente ;
Cependant des humains presque les quatre parts
S'exposent hardiment au plus grand des basards
Les quatre parts aussi des humains se repentent.

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Or l'homme qui raisonne se repent le moins qu'il peut ; de là le grand nombre de célibataires dans une certaine classe de gens. D'ailleurs quel homme honnête et conséquent auroit le courage d'être père sans avoir la certitude de donner le bonheur avec la vie; et qui ne sait combien (même sous le gouvernement le mieux consolidé et le moins imparfait ) un peu de bonheur est rare et difficile à acquérir et à conserver? Que faire donc pour diminuer le nombre des partisans du célibat Fera-t-on des édits pour ordonner de propager l'espèce, ou des lois somp

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que

très

crainte, l'inquiétude et les remords; et en voulant donner le change à la nature ou suppléer à ses plaisirs par des plaisirs tristes et faux, énerve cliez lui le physique et le moral, détruit sa santé et ses idées, et souvent s'abrutit totalement. L'intrigue, l'ambition, l'envie, la haine, et toutes les passions violentes, brûlantes et douloureuses lui sont ou du moins n'ont chez lui peu connues peu de suite et d'énergie, tandis qu'elles font le supplice de l'habitant des villes, et sur - tout de l'homme en place; il goûte au contraire le bienfait de toutes les affections et passions douces ; il est réellement bon fils, bon époux, bon père; en général son cœur est tendre, compatissant et même généreux, sur-tout quand le voisinage et l'exemple des grandes villes n'ont pas corrompu en lui ces mœurs heureuses qui résultent, ou peuvent toujours résulter de la pratique d'une morale saine et appropriée à sa position.

L'exercice et le travail continuel auxquels se livre le campagnard, par nécessité ou par goût, déve

tuaires contre les gens non mariés; tout cela pourroit être bon s'il n'y avoit pas déja dans toute l'Europe beaucoup trop d'impôts sur toutes les têtes; mais il vaut beaucoup mieux, pour encourager la population, perfectionner les lois et l'éducation des femmes, alors on aura moins d'aversion pour un lien dont la nature n'a voulu faire qu'ane douce chaine, et qui seroit trop contraire au vrai caractère de l'homine, s'il étoit indissoluble; et les mœurs, ainsi que la chose publique, y gagneront, car il n'y a pas, toutes choses égales d'ailleurs, de meilleur citoyen qu'un bon père de famille.

loppe en lui (quand il n'est pas outré) toute la force du corps; et en lui donnant des organes sains et vigoureux, lui réserve un fond précieux de vraies jouissances. Ce travail, en l'occupant continuellement, devient pour lui un heureux besoin; il entretient sa force et sa gaîté, et le sauve de l'ennui, maladie redoutable, enfant d'un corps usé et de jouissances excessives, qui souvent conduit au désespoir et à la mort l'habitant des villes, mais que celui des campagnes ne connoît point, parce qu'il sait s'occuper et jouir avec modération des bons plaisirs de la nature : o fortunatos, sua si bona norint, agricolas! O campagnes, séjour fortuné, première patrie de l'homme et dernier asyle de l'amitié, de l'amour et de la bonne foi, douce retraite d'un sage qui a connu le monde et qui sait l'apprécier, j'ai pris naissance dans votre sein, et j'y retournerai mourir (1).

(1) Beatus ille qui procul negotiis
Ut prisca gens mortalium,

Paterna rura bobus exercet suis

Solutus omni fœnore;

Non excitatur classico miles truci,

Nec horret iratum mare;

Forumque vitat, et superba

Potentiorum limina.

Ergo aut adultâ vitium propagine

Altas maritat populos;

Aut in reducta valle mugientium

Prospectat errantes greges;

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L'homme vraiment instruit n'a que le bonheur de la vie actuelle: pour lui l'existence est un fleuve

Feliciores inserit :

Aut pressa puris mella condit amphoris,
Aut tondet infirmas oves

Vel cum decorum mitibus pomis caput
Autumnus arvis extulit,

Ut gaudet insitiva decerpens pira
Certantem et uvam purpuræ.

Libet jacere modo sub antiqua ilice,
Modo in tenaci gramine.

Labuntur altis interim ripis aquæ
Queruntur in sylvis aves

Fontesque limphis obstrepunt manantibus
Somnos quod invitet leves.

At cum tonantis annus hibernus Jovis

Imbres nivesque comparat;

Aut trudit acres hinc et hinc multa cane

Apros in obstantes plagas :

Aut amite levi rara tendit retia

Turdis edacibus dolos,

Pavidumque leporem et advenam laqueo gruem

Jucunda captat præmia.

Quis non malarum, quas amor curas habet,
Hæc inter obliviscitur?

etc.

Quel touchant et gracieux tableau de la vie champêtre dans cette épode d'Horace! Malheur à qui ne trouve pas cela délicieux. Je ne connois rien dans notre langue que l'on puisse lui comparer, si ce n'est peut-être les vers suivans de notre bon La Fontaine, où se peint si bien l'ame paisible d'un sage heureux, et qu'on ne peut lire sans la plus douce émotion.

Si j'osois ajouter au mot de l'interprète,
J'inspirerois ioi l'amour de la retraite ;

qui s'écoule entre deux limites qu'il ne connoît pas (la naissance et la mort), et au-delà desquelles il n'apperçoit rien; il ne connoît que l'intervalle qui les sépare à mesure qu'il le parcourt, ou qu'il l'a parcouru : l'homme simple et religieux, outré ce même bonheur, peut encore avoir celui qui résulte de l'espérance d'une autre vie, doux Elysée où søn imagination heureusement séduite lui fait entrevoir une félicité pure et sans bornes. Le cœur et les yeux attachés sur cette perspective imaginaire, ik

Elle offre à ses amans des biens sans embarras :

Biens purs, présens du ciel, qui naissent sous les pas;
Solitude où je trouve une douceur secrette,
Lieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je jamais
Loin du monde et du bruit goûter l'ombre et le frais?
O qui m'arrêtera sous vos sombres asyles!

Quand pourront les neuf sœurs, loin des cours et des villes,
M'occuper tout entier et m'apprendre des cieux

Les divers mouvemens inconnus à nos yeux.

Les noms et les vertus de ces clartés errantes
Par qui sont nos destins et nos mœurs différentes :
Que si je ne suis né pour d'aussi grands projets,
Du moins que les ruisseaux m'offrent de doux objets,
Que je peigne en mes vers quelque rive fleurie.
La parque à filets d'or n'ourdira point ma vie :
Je ne dormirai point sous de riches lambris,
Mais voit-on que le somme en perde de son prix ?
En est-il moins profond et moins plein de délices?
Je lui voue au désert de nouveaux sacrifices;
Quand le moment viendra d'aller trouver les morts,
J'aurai vécu sans soins, et mourrai sans remords.

(Extrait de la fable intitulée : Le songe d'un habitant

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