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la

(l'humanité, la bienfaisance, la piété filiale tendresse paternelle et maternelle, les tendres sympathies, l'amitié, etc.): enfin il comprend tous les sentimens agréables dont le nom et la qualité varient suivant le nom et la qualité des objets qui les éprouvent ou les font naître. La haine, La haine, au contraire, comprend tous nos dégoûts, nos aversions, nos antipathies, toutes les passions douloureuses et violentes (l'envie, la jalousie, la défiance, le ressentiment, la colère, la vengeance, etc.), et tous les sentimens pénibles qu'il est aussi avantageux de déraciner de son ame qu'il l'est d'y faire germer et

croître les autres.

et le

L'amour de soi ou l'intérêt personnel, cette loi suprême et primitive à laquelle obéissent tous les êtres sensibles, est composé comme l'on voit de l'amour du bien-être et de la haine du mal-étre : c'est le double mobile des actions des hommes double fondement sur lequel doit reposer tout bon systême de morale et de législation: car c'est en prenant les hommes par leurs vrais intérêts (bien sentis) qu'on est à-peu-près maître de les conduire où l'on veut, et le talent du législateur consiste à faire des lois à l'exécution desquelles chaque membre de la société trouve évidemment son profit.

L'amour de soi, centre de tous les desirs et résultat nécessaire de l'organisation, est une force attractive et durable, qui fait graviter sans cesse tous les êtres animés vers le plaisir et le bonheur; elle est dans le monde moral ce que la pesanteur est dans le monde physique : son énergie radicale, quoique

différente dans son principe et ses lois fort variables, est la puissance créatrice et conservatrice de l'univers moral, comme l'autre l'est de l'univers matériel.

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C'est cette force qui contraint tous les animaux de pourvoir à leur nourriture, à leur conservation à la reproduction de leur espèce ; c'est elle qui fait trouver à l'homme sauvage les moyens de se nourrir, de se vêtir, de se loger, qui l'oblige d'inventer des armes pour se défendre contre les bêtes féroces, attaquer les animaux, se nourrir de leur chair et se couvrir de leur peau, etc.; c'est elle qui, dans la saison des plaisirs, et dans toutes les classes d'animaux, porte le mâle vers la femelle, et leur fait créer un être semblable à eux, qu'elle les oblige de soigner, de nourrir et d'élever jusqu'à ce qu'il soit assez fort de leur pour se passer secours; c'est elle qui, agissant constamment (et dans toutes les conditions) sur les individus d'une même société, préside aux travaux de l'agriculteur, de l'artisan, de l'artiste, du savant, du guerrier, du ministre et du législateur, et fait naître ainsi le bien public de l'ensemble des prospérités particulières.

Semblable à la pesanteur universelle qui (quoique tendant à réunir tous les corps en une seule masse ) contribue par son universalité même et sa combinaison avec une autre force tangentielle, à leur faire décrire des orbites formées autour d'une masse principale et centrale, et crée par là, dans l'immensité de l'espace, une foule de tourbillons planétaires ou systêmes de mondes; la volonté générale du bon

heur, combinée avec l'intelligence humaine, a formé sur le globe (et sans doute aussi sur toutes ou presque toutes les planettes jouissant d'une température propre au développement des corps sensibles) ces réunions d'êtres intelligens semblablement organisés et retenus en une même masse sociale par le lien de leurs besoins réciproques, quoique souvent repoussés par le choc des intérêts particuliers, et qui, soumis à la double impulsion de l'amour du bien public et de leur bien-être personnel, sont forcés de décrire le cercle de la vie autour d'un point trop souvent imaginaire (le maximum du bonheur), vers lequel se dirigent constamment les desirs, les projets et les actions de l'homme. C'est cette force constamment active qui, tandis qu'elle est subordonnée à la raison, fait le bonheur des sociétés humaines en travaillant avec elle à les former, à les coordonner de la manière qui leur est la plus avantageuse; c'est elle qui, quand elle marche seule et en aveugle, les décompose et les détruit en causant la perte ou le malheur de chaque individu. La force du génie et de la raison doit donc présider à la création des lois destinées à régir les hommes, et les forces réunies de toutes les volontés particulières se charger ensuite de leur exécution.

L'homme, dans toutes ses démarches, cherchant toujours à résoudre le problême du plus grand bonheur, et chaque membre d'une même société ayant les mêmes prétentions, on sent qu'il doit souvent exister des chocs entre tous ces petits tourbillons

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fait le centre; mais l'expérience prouve bientôt à chaque individu qu'il doit perdre un peu en cédant une partie de ses droits, afin de gagner beaucoup plus par la conservation libre et entière de l'autre, et la propriété qu'il acquiert en même tems sur les droits de tous ses semblables le dédommage amplement du sacrifice qu'il fait d'une portion des siens. C'est ce raisonnement, fruit de l'observation et de la réflexion, qui a insensiblement engagé tous les hommes à se réunir en société, et qui est le lien conservateur des sociétés établies. Ils ont senti d'abord que, quoique moins libres, ils seroient par leur réunion plus forts et plus heureux, et les sociétés ont pris naissance. A leur suite, et avec le tems et l'expérience, sont nés les arts les lois les sciences, les vertus et toutes qualités sociales, en un mot ce vaste ensemble d'habitudes, qui compose ce que j'appelle les mœurs d'un peuple.

Nota. Outre les élémens précités ( l'amour, la haine, etc.), outre les affections premières et les habitudes fondamentales qui en dérivent, lesquelles embrassent le systême général de nos sentimens moraux, il existe une foule de mots que les hommes ont employés pour rendre dans tous les cas particuliers toutes les variations dont ils sont susceptibles, toutes les nuances des besoins, des passions et des caractères, et dont ils ont formé la nomenclature générale des vertus et des vices, des travers et des ridicules, en un mot des qualités bonnes et mauvaises du corps, de l'esprit et du cœur, à me

sure que le tems, les progrès ou les changemens de la civilisation en ont amené le développement, mais que je n'entreprendrai pas ici d'analyser. On sent bien que je ne puis qu'esquisser rapidement le grand tableau des vertus et des vices dont le développement, les formes et les nuances très-variées composent la prodigieuse diversité des caractères qu'offre une société civilisée. Pour le peindre, il faut la plume d'un Molière, d'un Labruyère, d'un Lafontaine, etc. C'est dans les bons ouvrages comiques et dramatiques; c'est sur les théâtres, dans l'histoire. et les bons romans qu'il faut voir l'homme en détail et en action, lorsque par la méditation on a appris à bien connoître les pièces fondamentales de cette étonnante machine. Il est d'ailleurs fort difficile de fixer, par des termes précis, les différens degrés d'intensité de nos passions, etc. On ne peut que les sentir intérieurement à l'instant où ils existent, ou les mesurer à-peu-près par les mouvemens que la volonté (ou la force motrice du corps sensible) imprime à ses différentes parties; quand nous éprouvons des accès de fureur ou de désespoir, une vive indignation, les transports de la joie, une profonde mélancolie, etc. : alors le son de la voix, l'attitude du corps, le mouvement des yeux, et des lèvres, et les traits changeans du visage, forment une sorte de tableau mouvant et de langage d'action qui analyse rapidement nos affections intérieures et les rend extérieurement sensibles; car, vu que les mêmes affections produisent toujours à-peu-près les mêmes

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