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devient le signe naturel de l'autre ; ce qui donne naissance à la première, la plus expressive et la plus universelle des langues. Les traits caractéristiques des passions, leurs nuances ràpides, variées et fugitives, ne peuvent guères être saisis et bien rendus que par le dessin, la peinture et la sculpture ; ils sont presqu'inaccessibles aux signes de convention si précieux pour tout ce qui tient aux opérations de l'intelligence pure: en les exprimant avec des mots, l'on ne peut s'entendre qu'à-peu-près; ce n'est qu'en peignant, à l'aide des beaux arts précités, l'attitude du corps sensible agité par une passion, que l'on peut véritablement parvenir à la rendre par l'exacte expression de tous les traits du visage, par la position des membres, par la tension des muscles, etc. Mais on ne peut guères comparer les affections de l'ame et les divers degrés de douleur et de plaisir. D'où il suit que la nomenclature de nos sentimens n'aura jamais la même précision que celle de nos idées, et des sensations extérieures qui, pour la plupart, ont entre elles des rapports déterminés, visibles et mesurables. Tout ce qu'on peut donc faire est de distinguer le plus exactement possible, et de désigner toujours par le même mot les principaux traits des affections morales, et les degrés des passions manifestés par les actions extérieures; en un mot, nous jugerons de l'exercice de la force invisible qui meut les corps organisés, par ses effets sur eux, comme nous apprécions celle de la pesanteur dont le principe ne nous est pas mieux connu, que celui de la volonté, par les mouvemens qu'elle imprime à toutes

les parties de la matière. Mais la première de ces deux grandes forces (premiers ressorts du monde matériel et du monde organisé), subordonnée à l'immense variété de nos sensations et des besoins qui la mettent en jeu, devient extrêmement variable dans ses effets, tandis que la seconde agit sur les corps, soit qu'ils soient ou non organisés suivant des lois constantes, et dont la variation est bien connue ( au moins à de grandes distances).

CHAPITRE I I.

De l'extension de l'amour de soi ou de la sympathie principe universel de sociabilité.

Les hommes ne peuvent longtems vivre ensemble

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sans s'appercevoir qu'ils sont tous des êtres sensibles semblablement organisés, ou originairement formés des mêmes parties, ayant à-peu-près les mêmes sens, les mêmes sensations, les mêmes besoins, les mêmes passions, enfin la même manière de vivre, de souffrir, de jouir, et d'exprimer leurs idées, leurs desiris, leurs plaisirs et leurs peines (1).

(1) Il est si vrai que la sociabilité et la sympathie ont pour base la ressemblance d'organisation et de sensibilité dans les êtres animés, que par-tout où il existe des corps sensibles semblablement organisés, il se forme entre eux une sorte de société naturelle; c'est ainsi que presque toutes les familles d'animaux

De la naissent et se développent dans toute société humaine (même chez les peuplades sauvages) les premiers germes de la sympathie, ou la faculté de s'identifier avec autrui. Du moment où l'on sait expérience que les autres sentent comme nous et que tel degré, tel genre de douleur et de souffrance est accompagné de tels signes (comme les cris, les

par

moins portés à se lier et à vivre ensemble, parce que doués des mêmes organes, ils ont les mêmes sensations, les mêmes besoins: dans leur conduite, leurs jeux, leurs mutuelles caresses, les secours réciproques qu'ils se donnent, on voit qu'ils s'entendent en vertu d'un même langage d'action, et sympathisent ensemble jusqu'à un certain point. Non-seulement ils sympathisent entre eux, mais encore avec les espèces qui ont le plus de ressemblance et de rapports habituels avec eux; de là l'attachement du chien pour l'homme et de l'homme pour le chien ( attachement qui va souvent jusqu'à faire mourir celui-ci de douleur quand il a perdu son maître), et l'espèce de société que forme une troupe d'animaux domestiques accoutumés à vivre ensemble ; tout le monde connoît la république et la police des castors et des abeilles : enfin les animaux ont comme nous leurs mœurs, leur instinct (ou leur raison moins étendue, mais souvent plus sùre et plus prompte que celle de l'homme), et chaque espèce possède un fond commun de qualités intellectuelles qui la rend jusqu'à un certain point susceptible d'éducation et d'une sorte de civilisation; mais comme leurs besoins sont très-bornés en comparaison des nôtres, et que la nature leur a donné proportionnellement plus de moyens d'y satisfaire, ils n'éprouvent pas autant que l'homme la nécessité de se rapprocher et de suppléer à leur foiblesse, en réunissant toutes leurs forces et formant une société : ils peuvent vivre et vivent plus isolés; mais les plus féroces domptés par l'amour, forcés par la nature de reproduire leur espèce et d'élever leurs petits, forment encore jusqu'à un certain point cette société primitive (celle de la famille) qui est l'origine de toutes les sociétés humaines,

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plaintes, les soupirs et les larmes, etc.), de telle expression dans les yeux, la bouche, le front et tous les traits du visage, enfin d'une certaine attitude du corps, etc., il est naturel, dès qu'on apperçoit ces signes extérieurs, de se retracer aussi la douleur qui les accompagne; alors l'imagination nous remet en quelque sorte à la place de l'être souffrant par laquelle nous avons déja passé; nous nous identifions donc avec lui, et nous éprouvons un certain degré de douleur et de malaise.

De même les signes du plaisir, de la joie et du bonheur nous font sympathiser avec les sentimens agréables qu'ils manifestent. Une figure calme et riante, un visage épanoui et content, un cercle de joyeux convives et de bons amis, la vue de deux amans heureux, le spectacle d'une famille unie et fortunée, le chant, la danse, les jeux et les ris de l'aimable jeunesse, etc., en nous offrant l'image des plaisirs passés, nous en font jouir de nouveau le charme de la sympathie.

par

Une tristesse involontaire s'empare de nous dans ces tems déplorables où le double fléau d'une guerre intérieure et extérieure désorganise tout, détruit tout, menace toutes les vies, toutes les fortunes toutes les vertus et tous les talens, et frappe plus ou moins tous les individus : sommes-nous dans une ville assiégée, menacée de la famine, d'une maladie épidémique ou de quelque grand danger, quand même nous n'aurions rien à craindre du péril commun, nous souffrons du malheur public; notre front se couvre plus ou moins de ce nuage de tristesse

qui obscurcit tous les visages. Dans ces momens heureux, au contraire, où tout un peuple assemblé célèbre une fête, ou reçoit la nouvelle d'une victoire, de la paix ou de quelque grand succès inespéré nous partageons (même en pays étranger) cet éclair de plaisir et de bonheur qui brille sur toutes les figures, et qui, comme un seul mouvement électrique, parcourt à-la-fois tous les cœurs. Quel homme, en voyant un autre en un autre en danger de périr, ne sent pas le desir de le sauver, et ne fait pas les derniers efforts pour en venir à bout ! Qui peut,

en

voyant le feu prendre à la maison de son voisin, ne pas contribuer à l'éteindre, et ne pas s'élancer à travers les dangers pour en arracher une femme ou un enfant qui alloient devenir la proie des flammes? Quel contentement, quelle volupté intérieure n'éprouve-t-on pas en pareil cas d'avoir exposé sa vie pour sauver celle d'autrui? Combien nous aimons à voir sur nos théâtres ces combats de vertu, de grandeur d'ame et de générosité qui nous offrent la nature humaine en beau ! Que d'intérêt nous inspirent l'innocence, la piété filiale, l'amour honnête et la vertu malheureuse! Combien, au contraire, le triomphe de la scélératesse et du crime est fait pour nous révolter!

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Nous sommes donc naturellement disposés à partager le bonheur et le malheur d'autrui ; et l'homme n'est pas naturellement méchant, comme l'ont prétendu certains penseurs misantropes et atrabilaires : mais nous ne pouvons bien le faire qu'autant que nous ne sommes pas nous-mêmes trop heureux on

trop

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