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qui tend chaque jour à resserrer entre tous les penples les liens d'une sympathie générale, à étouffer les flambeaux de la discorde et de la guerre, et tous les germes de haines nationales que le machiavélisme de certains gouvernemens voudroit éterniser. Heureusement le commerce qui met en commun les trésors, les pensées et les livres, les arts, les sciences, les langues, les lois, enfin les travaux, les découvertes et les richesses de toutes les nations, tend sans cesse à homogéniser les peuples, en établissant partout le globe une sorte d'équilibre et de niveau dans la fortune, les jouissances et les lumières, la raison, (ou la vérité et la justice) et par suite dans le boheur de l'espèce humaine. C'est lui qui, rendant la communication des idées saines plus rapide et leur circulation plus générale, doit à la longue anéantir ou du moins rendre beaucoup plus rare cette boucherie périodique de l'espèce humaine qu'on nomme guerre : les hommes de tous les pays, à force de se rapprocher, finiront par s'apprécier, s'estimer et s'inspirer les sentimens de cette bienveillance réciproque qui honore l'humanité. Les gouvernemens machiavéliques ont beau faire, il viendra un tems où les peuples seront assez éclairés pour ne pas s'entrégorger sans savoir pourquoi, et ne prendront les armes que pour défendre leur existence et leur liberté. En effet, en France, en en Angleterre, en Suède, et dans les pays civilisés et passablement gouvernés, on commence à regarder avec raison la guerre civile, comme la plus déplorable frénésie et le plus grand des malheurs; mais tous les peuples de l'Europe ne

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pays

forment-ils pas déja une sorte de grand état, dont chaque peuple peut être considéré comme une province, un département; la portion la plus saine de ! ces sociétés partielles, celle formée des têtes pen santes des hommes les plus éclairés et les plus honnêtes, ne compose-t-elle pas déja une société générale indépendante du et fondée sur une raison commune, une estime mutuelle; ne doitelle pas s'aggrandir à mesure que les lumières aug menteront; l'empire de la raison en s'aggrandissant avec elles ne doit-il pas tendre à retrécir le domaine des préjugés, des opinions absurdes, et des passions aveugles et féroces? Les gouvernemens plus éclairés ‚' plus maîtrisés par le progrès général des lumières et une meilleure opinion publique, ne deviendront-ils pas plus humains. et plus justes? Pourquoi feroiton toujours consister la gloire dans l'art de tuer. beaucoup d'hommes, au lieu de la placer dans le rare et sublime talent d'accroître, autant que possible, le nombre des hommes bien gouvernés, heureux et paisibles?

Il peut donc s'établir un jour dans l'Europe (trèséclairée et bien gouvernée) une force d'opinion ou plutôt de raison publique qui, jointe à un certain équilibre de puissance, mettra fin à l'effusion du sang humain. Cette époque est indéterminée, mais ne me paroît point impossible. Puisse ce vœu d'un philosophe et d'une ame honnête n'être pas toujours une chimère (1)!

(1) Il y auroit ici un problème intéressant à résoudre : quel

La nature, qui se plaît à`varier à l'infini les esprits et les tempéramens comme les physionomies, n'a pas également disposé tous les hommes à une mutuelle sympathie; il y a à cet égard une grande différence entre l'homme sanguin, le flegmatique, le bilieux, le colérique, le mélancolique; entre le Français, l'Espagnol, l'Italien, l'Anglais, etc.; entre l'Asiatique et l'Européen, enfin entre l'homme civilisé et l'homme sauvage. Le climat, le gouvernement, la naissance, la fortune, la fortune, l'éducation, les situations. où nous nous trouvons, l'état que nous exerçons, etc. développent ou contrarient plus ou moins nos dispositions sympathiques : dans un même pays tous les caractères ne sont pas également aimans, également expansifs, également propres à communiquer ou à partager la sensibilité, le bonheur et la joie ; mais si l'on ne peut attendre de tout le monde cette délicatesse, dette étendue, cette espèce de luxe de sentiment d'où naît l'heureux besoin d'aimer ses semblables, et de leur rendre service, l'art précieux d'adoucir leurs peines et de contribuer à leurs plaisirs, l'on peut du moins en espérer l'apparence malheureusement beaucoup plus commune que la réalité, et l'on peut en exiger ce degré d'intérêt et d'humanité, enfin ces devoirs que la justice réclame de l'homme civilisé; et quoiqu'ils ne soient pas tou

est, dans un pays surchargé d'habitans, le meilleur moyen de remedier à l'inconvenient d'une trop grande population, résultat nécessaire d'une très-longue paix?

L'on sent qu'une pareille question exige un développement qui ne sauroit trouver place ici.

jours commandés par les lois civiles, l'obligation qu'ils imposent est telle que l'on ne sauroit s'y soustraire sans encourir le blâme et le mépris des esprits droits et des cœurs délicats.

Le sentiment de la sympathie, quoique fort variable, n'en est pas moins universel. En quelque point du globe que l'on soit placé, on souffre en voyant son semblable souffrir des maux qu'il n'a point mérités, ou privé de ce degré de liberté et de bien-être qui lui étoit dû, et que la nature promet à tous ses enfans; de là l'horreur que nous inspirent en tout pays le meurtre, le vol, la trahison, la mauvaise foi, toute usurpation, toute oppression injuste, en un mot tout procédé contraire aux lois de la raison et de la justice. Par-tout on est révolté de la conduite d'un tyran qui se joue de la vie et de la fortune des hommes; on plaint un innocent condamné à la mort par un despote ou un tribunal injuste; on déplore le sort d'une ville engloutie par un tremblement de terre ou dévorée par un incendie mais l'éloignement où nous sommes du théâtre de la méchanceté, du despotisme, de l'injustice et du malheur diminue beaucoup notre sympathie. Elle est la plus forte possible entre les pères et les enfans, entre les époux, les frères et les sœurs entre les parens, les amis, les compatriotes, et les étrangers dont le pays est le plus voisin du nôtre elle diminue à mesure que tous ces motifs de rapprochement varient avec la distance des lieux ; on aime à savoir ce qui se passe dans sa ville, dans

mes

lande, etc., et dans tous les états policés de l'Europe; on s'inquiète moins de ce qui se fait en Perse, au Mogol, à la Chine, au Japon, etc., et l'on devient encore plus indifférent sur le sort, la fortune et l'histoire de ces peuplades sauvages et lointaines qui habitent les Antipodes du pays où nous somet les îles semées sur l'hémisphère austral. -La distance du tems produit en quelque sorte le même effet que celle des lieux; les événemens du jour, du mois, de l'an, du siècle actuels, nous intéressent plus que ceux du mois, de l'an, du siècle passés; dans l'ordre d'une curiosité naturelle et raisonnable, on doit plus s'attacher à connoître l'histoire de son pays que celle des Romains, des Grecs, des Egyptiens, etc., quoique souvent l'importance des événemens, la grandeur des caractères et le mérite des personnages inspirent plus d'intérêt dans l'histoire ancienne que dans l'histoire moderne.

Telle est la loi de cette attraction sympathique: qui s'étend sur tout le genre humain : l'homme fixe d'abord ses regards, son attention sur lui-même ; il est (la nature et la raison le veulent ainsi ) le premier objet de son amour et de ses soins ; ensuite il les étend à son père, à sa mère, à ses frères, à sa femme, à ses enfans, à ses amis, à ses concitoyens, en un mot à sa famille et à sa patrie, puis aux étrangers, enfin aux nations actuellement existantes, et à tous les peuples dont l'histoire a échappé à la faulx du tems. C'est alors que connoissant de l'homme tout ce qu'il est possible d'en connoître et l'ame remplie du sentiment d'une sympathie 'uni

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