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d'une même forêt; et si par la suite on remarque en eux de si grandes différences, elles sont sur-tout l'effet de celle qui a régné dans leur éducation qui est sans contredit la cause la plus puissante de la diversité des passions, des talens et des caractères. En effet c'est elle qui préside à la formation de presque toutes nos habitudes; et que sont nos talens, nos facultés, sinon le résultat d'un certain nombre d'habitudes des sens, du cerveau et de toutes les parties du corps, puisqu'ils consistent à faire promptement et bien ce que l'on a souvent fait ? nos passions ne sont, comme nous l'avons vu, que des habitudes de desirs et de jouissances; les bonnes habitudes ou nos vertus et nos bonnes qualités ne sont que nos passions bien réglées et dirigées vers notre plus grand bien et celui de la société (comme nos mauvaises habitudes ou les vices ne sont que ces mêmes facultés mal réglées et soumises à une direction contraire au bien public et à notre bien-être particulier). Enfin le caractère (ou la forme déterminée du moral de chaque individu) est le résultat de la somme totale de ces habitudes.

Mais, me dira-t-on, puisque les hommes naissent à-peu-près égaux, et puisque le développement de leurs facultés dépend presqu'uniquement de l'éducation, pourquoi donc tant de diversité dans des hommes qui ont reçu lå même éducation?

Pour répondre à cette objection assez forte en apparence, voyons si et jusqu'à quel point l'éducation de deux hommes peut être la même, et pour cela tâchons d'analyser rigoureusement ce mot éducation.

1o.

CHAPITRE IV.

Analyse du mot éducation; élémens dont elle se

J'AI

compose.

'▲ 1 déja dit que nous avions bien des maîtres; le premier de tous est la nature qui, en nous don-, nant des sens (ou des instrumens à sensations et à idées), a fait les premiers frais de notre éducation; et quoique ces instrumens diffèrent peu dans la grande masse des hommes, ils ont cependant entre eux de petites différences originelles qui sont le premier principe de l'inégalité de nos passions, de nos facultés et de nos connoissances.

20. Chaque sensation transmise par nos organes est une leçon de la nature et un élément de notre éducation; et comme le systême général de nos sensations dépend de celui infiniment varié des localités et des situations où nous nous trouvons depuis la naissance jusqu'à la mort, il s'ensuit que les leçons de la nature continuées d'une manière si variable durant tout le cours de la vie, ne sont jamais ou presque jamais les mêmes pour deux individus.

3o. Il peut exister plus d'uniformité dans celle des hommes, mais observons que ces leçons que nous recevons de nos parens, de nos précepteurs dans

ces,

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ne commencent qu'à un certain âge, et alors celui précédemment écoulé et durant lequel nous avons déja pris le germe de la plupart de nos connoissande nos habitudes et de nos passions (c'est-à-dire, les premiers élémens de notre éducation et de notre caractère, ) a été soumis au principe d'inégalité dont je viens de parler, et durant cet intervalle, les leçons que nous avons reçues de tous les objets animés ou inanimés, qui nous entouroient et qui out frappé nos sens d'une manière plus ou moins vive, ont été différentes; d'ailleurs, les leçons de nos précepteurs, de nos professeurs, etc. ne font pas la même impression sur l'esprit de leurs élèves, qui tous n'y donnent pas la même attention; or, qui ne sait qu'une seule idée bien saisie, a souvent allumé une passion, fait naître un goût et germer un talent: elles n'occupent qu'une partie du jour, du mois, de l'année, le reste du tems est à nous, nous en disposons à notre gré, et d'ordinaire chacun d'une manière différente, ce qui fait que les sensations ( ou leçons naturelles) que nous recevons alors, ne sont plus les mêmes. D'un autre côté, nos instituteurs ne sont pas nos seuls maîtres, nous en avons autant que nous comptons de parens, d'amis, de camarades, de maîtresses et en général de connoissances (L'homme moral est fils d'un grand nombre de pères). Chacun d'eux nous donne des idées 9 des conseils, des exemples et des goûts qui presque toujours agissent plus puissamment sur nous, que les préceptes de nos maîtres et qui en se croisant et se combinant avec eux de mille manières diffé

rentes, présentent des résultats si variés qu'il est presqu'impossible qu'ils soient les mêmes pour deux individus donc l'éducation des hommes n'est pas plus la même pour nous que celle de la nature. 4°. Passons à celle que nous nous donnons à nous-mêmes. Nous venons de voir que dans le double systême d'éducation précité, s'il est des leçons que nous recevons en commun, il en est plus encore qui sont particulières à chacun de nous, parce que du matin au soir ou tandis que nous avons les yeux ouverts, nous ne cessons de nous instruire au milieu d'un systême d'objets que chacun de nous regarde avec plus ou moins d'attention et analyse plus ou moins bien ( car l'univers est une vaste et magnifique école toujours ouverte à l'homme qui a de bons yeux, et les connoissances que nous y puisons valent souvent beaucoup mieux que celles de nos précepteurs): or, puisque parmi les leçons qui nous sont transmises par ce double canal, une partie se trouve nécessairement différente, j'en conclus que l'éducation que l'on se donne sauroit être la même. En effet elle consiste 1o. à bien conduire ses sens dans l'étude des objets naturels et l'observation des faits; 2°. à lire avec fruit ou à bien analyser un certain nombre de bons livres afin d'en extraire la quantité d'idées justes et de faits exacts ou la portion de vérité qu'ils contiennent ; 3o. à composer et décomposer par la réflexion, tout ce que nous avons de connoissances actuelles; à vérifier les idées élémentaires qui les composent,

ne

de ce qu'on a dans la tête et de ce qu'il y a de vrai et de bon dans cet immense recueil de registres nommés livres ), à combiner ensuite ces élémens ainsi vérifiés de toutes les manières possibles, afin d'en former une série de nouveaux résultats, de nouvelles découvertes: or, les élémens combinés étant différens ainsi que la faculté qui les combine, les produits qui en résultent le sont nécessairement aussi.

5o. Ce n'est pas quand nous sortons du collége ou des mains de nos précepteurs, que notre éducation est finie ; notre cours d'études dure autant que la vie et c'est au moment où nous sommes lancés dans le monde, que le systême de nos sensations s'aggrandissant tout-à-coup avec celui de nos relations en tout genre, nous recevons les leçons les plus importantes et les plus multipliées; c'est alors qu'une nouvelle existence commence pour nous : alors naissent avec de nouvelles connoissances, de nouveaux besoins, une nouvelle manière de voir, de sentir et d'agir; alors l'exemple, l'opinion, les préjugés publics et les maximes du gouvernement prennent sur nous un empire despotique qui contrarie et modifie plus ou moins la première éducation : enfin c'est alors que nos passions reçoivent tout leur développement, que notre caractère prend sa forme et qu'il est plus impossible que jamais que deux individus reçoivent la même éducation, puisque chacun de nous ( élève de tous les objets qui l'environnent) étant d'ailleurs le maître d'employer à son gré, son tems et sa fortune , presque tous en font un usage différent. Chacun a sa manière

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