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DE PHILOSOPHIE.

SECONDE PARTIE.

DE LA SENSIBILITÉ

ВТ

DE L'INTELLIGENCE.

PREMIÈRE LEÇON.

Considérations générales sur la philosophie et sur le mot philosophie.

Nous allons poursuivre la recherche des principes de l'intelligence humaine. Si nous parvenons à les découvrir, des vérités auparavant inaccessibles viendront, comme d'elles-mêmes, se joindre à celles qui nous sont familières; un grand nombre d'erreurs seront dissipées; un grand nombre de vaines disputes cesseront pour toujours; et nous aurons la confiance d'avoir résolu le problème fondamental de la philosophie.

Philosophie! C'est ainsi que l'on est convenu de nommer la science dont nous faisons l'étude. Mais on peut être d'accord sur les expressions et n'avoir pas les

mêmes idées: cela arrive surtout lorsqu'on parle une langue où ont été transportés des mots d'une langue étrangère. Dès que le motif de la première imposition des noms est inconnu, leur juste valeur est rarement appréciée: on n'a pour règle qu'un usage qui varie, ou des autorités qui se combattent; et la vérité, exprimée par des signes devenus arbitraires, perd à nos yeux ce qu'elle a de certain et d'évident. Alors, aucune opinion qu'on ne puisse attaquer ou défendre avec des argumens également spécieux; rien d'absurde qu'on ne puisse ériger en principe; rien d'assuré qu'on ne puisse ébranler; et il ne reste à la bonne foi que l'ignorance ou le doute.

« Les hommes ne seront heureux, dit Platon, que lorsqu'ils seront gouvernés par des philosophes. » Voilà la philosophie sur un trône.

« Où est le philosophe, dit Rousseau, qui, pour sa gloire, ne tromperait pas volontiers le genre humain? » Voilà la philosophie sur des tréteaux.

Ainsi la philosophie est tout ce qu'il y a d'excellent, de sublime; elle est tout ce qu'il y a de pernicieux,

de vil.

Quand les choses en sont venues à ce point, quand les mêmes mots signifient ce qu'il y a de plus contraire, la parole a cessé d'être un bien, elle est un mal: elle devait rapprocher les esprits, unir les âmes; elle empêche toute communication d'idées et de sentimens.

Je ne puis donc pas vous dire ce que c'est que la philosophie. On a rendu cette définition impossible.

Nous avons appris, il est vrai, que philosophie est

la même chose qu'amour de la sagesse, et que, pour les anciens, la sagesse était ce que les modernes appellent du nom de science. Mais quelle science devaiton cultiver pour mériter et pour obtenir le titre de philosophe?

Suffisait-il d'imaginer quelque système sur le débrouillement du chaos, sur le combat des élémens, sur la naissance des dieux et des hommes? Fallait-il, comme Platon, dédaigner tout ce qui est sujet au changement; comme Anaxagore, passer sa vie dans la contemplation des astres; comme Socrate, se donner tout entier à la morale? Fallait-il, avec Zénon, soutenir que la douleur n'est pas un mal? Fallait-il rire avec Démocrite, pleurer avec Héraclite?

Les Grecs, auxquels nous devons le mot philosophie, ne savaient donc pas toujours eux-mêmes ce qu'ils disaient lorsqu'ils le faisaient entrer dans leurs discours; et, comme nous, ils l'employaient au hasard. Qui penserait que les Stoïciens, les graves Stoïciens, quand il s'arrêtaient avec tant de complaisance sur les puérilités de la dialectique, fissent en effet de la philosophie? Qui penserait qu'ils fussent inspirés par le désir de la science, par l'amour de la sagesse?

Mais s'il faut renoncer à définir la philosophie; s'il est peu raisonnable de vouloir deviner ce qu'on entend par un mot que chacun entend à sa manière; et si nous n'avons pas le droit de prescrire ce qu'on doit entendre, il nous sera du moins permis de dire ce que nous entendons.

Quel que soit le nombre de nos connaissances, quel

qu'en soit l'objet, toutes peuvent être ramenées à deux points de vue. Ou nous faisons l'étude de ce qui est hors de nous, ou nous nous étudions nous-mêmes.

Des savans, pour expliquer l'ordre de l'univers, observent l'infinie variété des phénomènes qui produisent cet ordre. On les appelle physiciens.

D'autres observent les phénomènes tout aussi variés de la pensée et de la sensibilité; ils cherchent à en découvrir les lois. Nous les appellerons philosophes.

Les physiciens et les philosophes se sont partagé la nature. Les premiers ont pris tout, à l'exception de l'esprit humain. Les derniers ne se sont réservé qu'euxmêmes, que leur intelligence. Il se pourrait que leur part ne fût ni la moindre, ui la moins importante.

Depuis deux cents ans, la physique a fait des progrès que n'avaient jamais soupçonnés les siècles antérieurs, et qui feront l'étonnement de la postérité. Chaque jour éclaire des découvertes nouvelles, des prodiges nouveaux. Les observations naissent des observations, les expériences des expériences. L'immensité des faits, auparavant cachés dans le sein de la nature, et qui maintenant se laissent apercevoir, s'accroît d'année en année, et presque d'un moment à l'autre.

La philosophie, depuis la même époque, n'est pas moins riche en observations nouvelles sur ce que nous sentons au dedans de nous, que la physique sur ce que nous apercevons au dehors. Ses progrès, il est vrai, n'ont pas le même éclat ; ils ne frappent pas également : mais qu'on pense à Bacon, à Descartes: de combien de préjugés ne nous ont-ils pas guéris! De combien d'er

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