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sens, on ajoute les opérations de l'esprit qui modifient l'image sensible: les idées de l'être et de la pensée ne se montrent pas encore. L'image sensible, considérée soit avant la modification qu'elle a reçue de l'esprit, soit après cette modification, n'est et ne peut être qu'une image sensible. Et rien, ajoute-t-on, n'est plus déraisonnable que de prétendre qu'elle changera de nature, pour devenir l'idée de l'être ou l'idée de la pensée. Ces deux idées étant essentiellement différentes des images sensibles, ne sauraient, comme les images sensibles, avoir leur origine dans les sens. Il faut donc que l'âme les forme elle-même, qu'elle les tire de sa propre substance.

L'opinion de Port-Royal et l'opinion qu'il attaque sont également célèbres par le nombre et par l'autorité de ceux qui les professent. Elles ne peuvent pas en même temps être vraies l'une et l'autre, puisqu'elles sont opposées; mais elles peuvent être erronées toutes deux. Vous allez juger si ce n'est pas entre elles que se trouve la vérité. Ma critique ne portera dans ce moment que sur l'origine de l'idée de la pensée. Ce que je me propose de dire sur l'origine de l'idée de l'être, sera mieux placé à l'article des idées générales'; car, l'idée de l'être est une idée générale, et même la plus générale de toutes.

Je ne balance pas un instant à me prononcer avec Port-Royal contre l'opinion qu'il attaque lui-même. L'idée de la pensée est l'idée de l'action de l'âme. Et

4. Part. II, leç. xi.

comment veut-on que l'idée de l'action de l'âme vienne des sens? On le concevrait, si l'âme était active dans la sensation, si sentir était agir. Mais combien de fois n'avons-nous pas dit et prouvé le contraire?

Omnis idea oritur à sensibus; « Toute idée a son origine dans les sens : » tels sont les premiers mots de la logique de Gassendi. Il explique, moins bien cependant que Looke ne l'a fait depuis, et surtout moins bien que ne l'a fait Condillac après Locke, de quelle manière les idées intellectuelles et les idées morales se développent à la suite des idées sensibles, qui sont les premières, et qui viennent incontestablement des sensations.

Mais si l'on a fait voir d'une manière satisfaisante, et qui laisse aujourd'hui très-peu à désirer, dans quel ordre se montrent successivement à l'esprit de l'homme les principales idées d'où résulte son intelligence, on n'a jamais prouvé, et l'on ne prouvera jamais, que ces idées dérivent toutes d'une seule et même origine. On n'a jamais prouvé, et l'on ne prouvera jamais, que l'idée d'une faculté de l'âme, qu'une idée de rapport, qu'une idée morale, dérivent de la sensation, qu'elles soient des modifications de la sensation, des transformations de la sensation.

L'auteur de la Logique de Port-Royal est donc fondé à trouver déraisonnable, qu'on veuille faire sortir l'idée de la pensée de la même source que les idées sensibles. Mais l'opinion qu'il embrasse lui-même est-elle plus raisonnable que celle qu'il repousse?

« L'idée de la pensée ne tire pas son origine des

sens; elle n'en vient ni immédiatement, ni médiatement donc l'âme a la faculté de la former de soimême. »

Quelle conséquence! Il aurait fallu, pour la justifier, démontrer l'impossibilité de toute autre origine d'idées que les sens; il aurait fallu nous faire comprendre la signification de ces paroles : « L'âme a la faculté de former des idées de soi-même ; » il aurait fallu, avant tout, nous dire clairement ce que c'est que l'idée, ce que c'est que la pensée. Aucune de ces conditions n'a été remplie.

1° Demandez-vous à l'auteur ce que c'est que l'idée? Il vous répond: « Nous appelons du nom d'idée tout ce qui est dans notre esprit, lorsque nous pouvons dire, avec vérité, que nous concevons une chose, quelque manière que nous la concevions. »

de

Vous me dispensez de vous faire remarquer l'obscurité d'une définition que vous comprenez à peine; et d'ailleurs, concevoir et avoir idée, n'est-ce pas une même chose?

2o Lui demandez-vous ce que c'est que la pensée? Il vous répond: « Il ne faut pas demander que nous expliquions le mot pensée. Ce terme est du nombre de ceux qui sont si bien entendus par tout le monde, qu'on les obscurcirait en voulant les expliquer. »

Nous avons essayé de l'expliquer, ce terme, ou ce mot pensée, en déterminant l'idée de la chose qu'il exprime; et nous croyons n'avoir obscurci ni le mot, ni la chose.

L'idée de la pensée comprend deux idées partielles,

celle de l'entendement et celle de la volonté : chacune de ces deux idées partielles comprend à son tour trois idées; l'idée de l'entendement, celles de l'attention, de la comparaison et du raisonnement; l'idée de la volonté, celles du désir, de la préférence et de la liberté; en sorte que, dans l'idée de la pensée, se trouvent réunies les idées des six facultés de l'âme; et, dans la valeur du mot pensée, les valeurs des six mots qui désignent les six facultés '.

Ces six facultés, dont la réunion constitue la pensée, ou la faculté de penser, nous sont connues, chacune en elle-même : nous connaissons leurs origines particulières; nous connaissons encore l'origine qui leur est commune à toutes, et de laquelle elles dérivent toutes.

L'idée que nous avons de la pensée se trouve donc déterminée de la manière la plus exacte et la plus rigoureuse aucune des idées qui sont dans l'esprit de l'homme, ne peut avoir un plus grand degré de clarté : l'horloger le plus habile ne connaît pas mieux les différentes parties d'une montre, que nous ne connaissons les élémens constitutifs de la pensée. Nous l'avions dit ailleurs; nous nous plaisons à le redire, pour appeler de nouveau la critique la plus sévère, et nous délivrer d'une illusion, si nous nous sommes laissé séduire par une fausse lumière.

3o« L'idée de la pensée n'a pas son origine dans

1. Part. I, leç. IV. 2. Part. 1, leç. vii.

les sens; donc l'âme forme cette idée de soi-même. »

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S'il était démontré, d'un côté, qu'il n'y a qu'une seule origine d'idées, les sens; et de l'autre, que l'idée de la pensée ne vient pas des sens, il est clair que l'idée de la pensée n'aurait pas d'origine; et alors on serait bien forcé de la regarder comme venant de l'âme ellemême, comme innée. Mais nous savons aujourd'hui, nous savons avec certitude, que les sens ne sont pas l'unique origine de nos idées par conséquent, de ce que l'idée de la pensée n'a pas son origine dans les sens, on n'a pas le droit de la regarder comme innée; car, une idée qui n'a pas son origine dans les sens, dans les sensations, peut l'avoir dans une autre manière de sentir la conclusion du raisonnement n'est donc pas nécessaire.

4° Examinons cette conclusion à part, et sans liaison avec son principe: L'âme forme, de soi-même, l'idée de la pensée. Je demande si c'est de rien que l'âme fait l'idée de la pensée, ou si elle la fait, si elle la forme avec quelque matière qui préexisterait dans sa substance?

Si elle la fait de rien, elle a donc la puissance de créer; si elle la forme avec une matière préexistante, qu'on nous dise quelle est cette matière préexistante. Ce n'est pas la sensation, puisqu'on a écarté les sens, et qu'on attribue à l'âme un pouvoir indépendant; ce n'est pas quelqu'une des trois autres manières de sentir; on n'en soupçonne pas l'existence.

Qu'est-ce donc? quelque idée endormie peut-être, ideæ quæ manent sopita; mais alors, il ne faudrait

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