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verrez encore dans ces idées qui nous représentent le passé, le présent, et même l'avenir, l'étonnante propriété par laquelle nous apercevons notre existence passée dans notre existence actuelle; et vous chercherez à vous rendre raison de la mémoire.

Vous saisirez cette occasion pour restituer à Descartes une découverte que, mal à propos, on attribue à Locke savoir, que nous ne connaissons le temps, ou la durée successive des êtres, que par la succession de nos idées et de nos pensées. Voici, en effet, ce que tout le monde peut lire dans Descartes.

Prius et posterius durationis cujuscumque mihi innotescit, per prius et posterius durationis successiræ quam in cogitatione med deprehendo.

« L'avant et l'après de toute durée m'est connu, par l'avant et l'après de la durée successive que je découvre en ma pensée 1. »

Quand l'infini sera l'objet de vos méditations, vous prononcerez, sans balancer, que son idée doit avoir été précédée par celle du fini, puisqu'il suffit de comparer entre eux deux objets inégaux, pour avoir l'idée de plus et de moins, l'idée de bornes, et par conséquent l'idée du fini. Alors il faudra tâcher de vous expliquer comment l'opinion contraire s'honore des noms les plus illustres; comment, pour obtenir l'idée du fini, celle de l'infini a paru indispensable à des esprits aussi éminens que Descartes, Malebranche, Bossuet, Fénelon, et à plusieurs autres grands philosophes.

1. Lettres de Descartes.

2 V.

De quelle manière doit être posée la question de
l'existence des corps et celle de l'existence

de l'âme.

La métaphysique n'a pas uniquement pour but la génération des idées que nous nous formons des choses : elle cherche à nous faire connaître les choses ellesmêmes, leur réalité, leur existence.

Quoique je ne songe, en ce moment, à prouver aucune existence, je crois devoir faire une remarque sur la manière dont on pourrait traiter la question de l'existence de l'âme et celle de l'existence des corps.

Ces deux questions, celle de l'existence des corps surtout, tant qu'elles ne seront pas autrement posées qu'on a coutume de le faire, offriront toujours de grandes difficultés.

On est d'abord étonné des peines inouïes que se sont données les philosophes pour chercher à nous convaincre de l'existence du ciel et de la terre, de celle de nos semblables, de celle de notre propre corps; mais dans tous les temps il s'est rencontré des hommes qui ont exigé qu'on leur prouvât la réalité de chacune de ces choses.

Les partisans d'une opinion opposée n'ont pas manqué non plus; et refuser la réalité aux corps a paru aussi extraordinaire que de l'accorder aux esprits.

La philosophie est donc ici obligée de combattre deux

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sortes d'adversaires : ceux qui, dans le monde entier, ne veulent admettre que des corps, et ceux qui ne veulent admettre que des esprits, ou même que leur seul esprit.

Dans ce double procès de la philosophie contre les matérialistes qui nient les esprits, et contre les spiritualistes qui nient les corps, on ne voit ordinairement que deux questions. On peut y en voir quatre, qui, bien présentées et bien résolues, feraient cesser les mauvais raisonnemens.

La question des corps renferme deux questions: car il s'agit d'abord de faire voir comment nous avons acquis l'idée des corps, et ensuite de prouver que cette idée correspond à une réalité placée hors de notre esprit; il s'agit de démontrer l'existence des corps, après avoir expliqué la formation de l'idée des corps.

Mais à qui a-t-on besoin de démontrer l'existence des corps? A ceux qui la nient, à ceux qui ne reconnaissent d'autre existence que celle des esprits.

A qui a-t-on besoin de démontrer l'existence des esprits? A ceux qui n'admettent d'autre existence que celle des corps.

Et, s'il se trouvait des sceptiques assez intrépides, ou plutôt assez fous pour nous dire: Nous ne devons croire, ni a l'existence des esprits, ni à celle des corps, serions-nous réduits à les prendre en pitié? nous serait-il impossible de les détromper?

Il est donc nécessaire de résoudre quatre questions pour satisfaire la curiosité inquiète de l'homme et de faire voir :

1° « Comment nous avons acquis l'idée des corps: » première question pleine d'intérêt, quelque opinion que l'on ait sur la réalité des corps;

2o « Que nous avons une âme spirituelle, s'il est vrai que nous ayons un corps: » seconde question contre les matérialistes qui nient l'âme, l'âme spirituelle;

5° « Que nous avons un corps, et qu'il existe d'autres corps, s'il est vrai que nous avons une âme spirituelle : » troisième question contre les spiritualistes qui nient les corps;

4o« Que le sentiment démontre l'existence de notre âme, et par l'existence de notre âme, celle de notre corps et des corps étrangers: » quatrième question contre ceux qui nient tout, et la réalité des esprits et la réalité des corps.

Mais je m'aperçois que, d'indication en indication, cette dernière séance pourrait se prolonger outre mesure. Il est temps de s'arrêter; et cependant qu'il me soit permis, avant de nous séparer, de mettre encore une fois sous vos yeux les vérités fondamentales sur lesquelles repose tout ce que j'ai pu vous enseigner dans cette seconde partie de nos leçons.

S VI.

Confirmation de notre théorie de la sensibilité et de l'intelligence.

Regardez autour de vous; comparez entre eux les hommes que vous êtes le plus à portée de connaître ; observez quels sont leurs goûts, leurs penchans, leurs

caractères : tout vous dira combien la sensibilité varie; tout vous dira l'influence des diverses manières de sentir sur les qualités et sur les habitudes de l'esprit.

Chez plusieurs, chez un trop grand nombre, dominent les sensations; quelques-uns aiment à être affectés, ou par le sentiment que donne l'exercice des facultés de l'esprit, ou par le sentiment des rapports, ou par le sentiment moral; les premiers ne connaissent en quelque sorte que la vie de leur corps; les autres, faits pour des plaisirs plus délicats, plus purs, vivent d'une vie intellectuelle, d'une vie morale.

A chacune de ces différentes sensibilités, joignez le génie; à ceux qui les auraient ainsi en partage, donnez à la fois le pouvoir de soutenir longtemps leur attention, un goût vif pour le rapprochement des idées, une grande force de raisonnement; l'intelligence, dans ses rapports à la seule philosophie, vous étonnera par ses contrastes, autant que par ses richesses.

Vous aurez la philosophie d'Épicure et de Lucrèce; vous aurez celle d'Aristote, de Locke et de Bonnet; vous aurez celle de Pythagore, de Platon, de Malebranche; vous aurez enfin Épictète, Marc-Aurèle, Fénelon.

Mais il est rare qu'une manière de sentir domine exclusivement; il est rare qu'un sentiment ne réveille pas les autres sentimens. On ne verra point un monument d'architecture, sans que le sentiment de quelque rapport ne se mêle à la sensation; et, si ce monument est destiné au culte que l'homme rend à la Divinité, s'il est l'asile du guerrier qui versa son sang pour la patrie, pourra-t-on se défendre d'un sentiment moral.

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