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Va marquer les écueils de cette mer terrible;
Perce la sainte horreur de ce livre divin;
Confonds dans un ouvrage et Luther et Calvin;
Débrouille des vieux temps les querelles célébres;
Éclaircis des rabbins les savantes ténébres:
Afin qu'en ta vieillesse un livre en maroquin
Aille offrir ton travail à quelque heureux faquin,
Qui, pour digne loyer de la Bible éclaircie,
Te paie en l'acceptant d'un « Je vous remercie. >>
Ou, si ton cœur aspire à des honneurs plus grands,
Quitte là le bonnet, la Sorbonne et les bancs;
Et, prenant désormais un emploi salutaire,
Mets-toi chez un banquier ou bien chez un notaire:
Laisse là saint Thomas s'accorder avec Scot',

Et conclus avec moi qu'un docteur n'est qu'un sot 2.

Pâlis dessus un livre, etc.

Mais l'un et l'autre avoient emprunté cette expression de Perse, sat. v, v. 62:

At te nocturnis juvat impallescere chartis.

Par allusion à la pâleur du visage, effet naturel des longues études.

I

Jean Duns, religieux franciscain, surnommé Scot (en latin, Scotus), parcequ'on le crut Écossois ou Irlandois jusqu'au seizième siècle, mais qui étoit né à Dunstone en Angleterre, se distingua, au commencement du quatorzième siècle, dans l'université de Paris, par la pénétration et la subtilité de son génie ; ce qui le fit surnommer le docteur subtil. Il avoit embrassé, sur la grace et la prédestination, des doctrines opposées à celles de saint Thomas d'Acquin, et qui divisèrent long-temps l'école.

2 Le sage, le religieux Boileau ne crut nullement son orthodoxie compromise par ce petit trait de satire, lâché sans conséquence, à propos de questions théologiques, dont s'occupe heureusement

Un docteur! diras-tu. Parlez de vous, poëte:

C'est pousser un peu loin votre muse indiscrète.
Mais, sans perdre en discours le temps hors de saison,
L'homme, venez au fait, n'a-t-il pas la raison?
N'est-ce pas son flambeau, son pilote fidéle?

Oui. Mais de quoi lui sert que sa voix le rappelle,
Si, sur la foi des vents tout prêt à s'embarquer,
Il ne voit point d'écueil qu'il ne l'aille choquer?
Et que sert à Cotin la raison qui lui crie :
N'écris plus, guéris-toi d'une vaine furie;
Si tous ces vains conseils, loin de la réprimer,
Ne font qu'accroître en lui la fureur de rimer?
Tous les jours de ses vers, qu'à grand bruit il récite1,
Il met chez lui voisins, parents, amis, en fuite;
Car, lorsque son démon commence à l'agiter,
Tout, jusqu'à sa servante, est prêt à déserter.
Un âne, pour le moins, instruit par la nature,
A l'instinct qui le guide obéit sans murmure;
Ne va point follement de sa bizarre voix
Défier aux chansons les oiseaux dans les bois :
Sans avoir la raison, il marche sur sa route.

fort peu le vulgaire des croyants. C'est ainsi que Pope, bon catholique comme Boileau, s'est permis de dire (Essai sur l'Homme, ép. III, 88), en parlant des animaux:

V.

What Pope or Council can they need beside?

'C'est le lecteur importun d'Horace, recitator acerbus (Art poét., v. 111-474); c'est le FRANCALEU de la Métromanie (act. III, SC. XI):

Je me cramponne après le premier que j'attrape;
Et, bénévole ou non, dût-il ronfler debout,
L'auditeur entendra ma pièce jusqu'au bout.

L'homme seul, qu'elle éclaire, en plein jour ne voit goutte; Réglé par ses avis, fait tout à contre-temps,

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Et, dans tout ce qu'il fait, n'a ni raison ni sens.
Tout lui plaît et déplaît, tout le choque et l'oblige;
Sans raison il est gai, sans raison il 's'afflige;
Son esprit au hasard aime, évite, poursuit,
Défait, refait, augmente, ôte, éléve, détruit1.
Et voit-on, comme lui, les ours ni les panthères
S'effrayer sottement de leurs propres chimères;
Plus de douze attroupés craindre le nombre impair2;
Ou croire qu'un corbeau les menace dans l'air?
Jamais l'homme, dis-moi, vit-il la béte folle
Sacrifier à l'homme, adorer son idole;

Lui venir, comme au dieu des saisons et des vents,
Demander à genoux la pluie ou le beau temps?
Non; mais cent fois la bête a vu l'homme hypocondre

"

'C'est ce qui fait dire à Montaigne : « Certes c'est un sujet merveilleusement vain, divers, et ondoyant, que l'homme ;

mal aisé d'y former jugement constant et uniforme. Horace l'avoit dit avant lui (liv. I, ép. 1, v. 100):

Diruit, ædificat, mutat quadrata rotundis.

2 VAR. De fantômes en l'air combattre leurs desirs, Et de vains arguments chicaner leurs plaisirs.

"

il est

Mais

Le docteur Arnauld conseilla à l'auteur de changer ces deux vers, qui présentoient, en effet, un sens un peu libertin; et Boileau leur substitua, avec sa déférence ordinaire pour les avis de cet illustre ami, la leçon actuelle, qui n'a pour objet que de vaines et frivoles superstitions.

3 Pradon ne trouvoit pas cela françois : il étoit aussi extravagant, selon lui, de dire un homme hypocondre, pour hypocondriaque, que poulmon, pour pulmonique; attendu que l'un est le

Adorer le métal que lui-même il fit fondre;
A vu dans un pays les timides mortels

Trembler aux pieds d'un singe assis sur leurs autels;
Et sur les bords du Nil les peuples imbéciles,
L'encensoir à la main, chercher les crocodiles 1.
Mais pourquoi, diras-tu, cet exemple odieux?
Que peut servir ici l'Égypte et ses faux dieux?
Quoi! me prouverez-vous par ce discours profane
Que l'homme, qu'un docteur, est au-dessous d'un âne??

siège, et l'autre l'objet de la maladie. Mais il falloit distinguer le sens propre du sens figuré, qui est celui où l'auteur prend ici le mot hypocondre: un fou mélancolique, un atrabilaire. Telle fut, du moins, la décision de l'académie; et Boileau s'en étonna: car j'avois raison, dit-il, et c'étoit moi.

'Ici, la supériorité est incontestable pour le poëte françois.

Crocodilon adorat

Pars hæc illa pavet saturam serpentibus Ibin:

Effigies sacri nitet aurea Cercopitheci.

Juv., sat. XV, v. 2 et suiv.

Delille a reproduit, et rendu à sa manière ces mêmes idées, dans son poëme de l'Imagination, ch. vii.

2

Du culte du soleil, des célestes flambeaux,

Voyez l'homme descendre aux plus vils animaux!
Là, devant un insecte il se courbe avec joie :
Ici son dieu mugit, et plus loin il aboie.
Voyez-vous, décoré d'ornements somptueux,
L'éléphant-dieu marcher d'un pas majestueux!
Fier monarque des bois, ah! du moins ta sagesse
Put de l'homme crédule absoudre la foiblesse ;
L'homme te crut doué d'un céleste rayon,
Et ton instinct sublime excuse sa raison :
Mais le tigre cruel, mais le lion sauvage,

Qui l'eût cru, que de l'homme ils obtinssent l'hommage?

Depuis l'Ane de Lucien, ou plutôt de Lucius de Patras, de

Un âne, le jouet de tous les animaux,

Un stupide animal, sujet à mille maux;

Dont le nom seul en soi comprend une satire!

Oui, d'un âne : et qu'a-t-il qui nous excite à rire?
Nous nous moquons de lui: mais s'il pouvoit un jour,
Docteur, sur nos défauts s'exprimer à son tour;
Si, pour nous réformer, le ciel prudent et sage
De la parole enfin lui permettoit l'usage;
Qu'il pût dire tout haut ce qu'il se dit tout bas;
Ah! docteur, entre nous, que ne diroit-il pas !
Et que peut-il penser lorsque dans une rue,
Au milieu de Paris, il proméne sa vue;

Qu'il voit de toutes parts les hommes bigarrés,
Les uns gris, les uns noirs, les autres chamarrés?
Que dit-il, quand il voit, avec la mort en trousse 1,
Courir chez un malade un assassin en housse;
Qu'il trouve de pédants un escadron fourré,
Suivi par un recteur de bedeaux entouré;
Ou qu'il voit la Justice, en grosse compagnie,
Mener tuer un homme avec cérémonie?

venu d'or (métamorphose toutefois justement contestée) entre les mains d'Apulée, jusqu'à celui de Machiavel, l'âne a toujours joué un grand rôle dans la satire des mœurs et des institutions humaines ; mais on n'avoit point encore poussé l'irrévérence jusqu'à ce parallèle injurieux avec un docteur de Sorbonne! Aussi, les Desmarets et les Pradons ne manquèrent-ils pas de crier au scandale, à l'impiété, au sacrilège ! Ils prirent, ou affectèrent de prendre à la lettre une plaisanterie dont la seule exagération expliquoit assez le sens et l'objet.

'Cela fait image: il semble voir le hideux squelette galoper en croupe avec le médecin.

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