Obrázky na stránke
PDF
ePub

dont il s'agit, en revanche il s'est prononcé contre la légende au moyen de laquelle plusieurs chroniqueurs et historiens ont voulu expliquer le choix du chapelet et de l'inscription par René d'Anjou le chapelet ferait «<< allusion à la Capelette, Capelet, ou Capelle, maîtresse de ce prince (1) ».

Le vicomte de Villeneuve-Bargemont, auquel j'emprunte cette citation, dit lui-même ailleurs de René d'Anjou : « On ne connaît pas... les motifs qui lui ont fait donner pour maîtresse la dame ou la demoiselle la Chapelle, Capèle ou Capêlet (2). » De plus, il rapporte, dans un autre endroit, une interprétation passablement différente, celle dont s'est sans doute inspiré M. Lecoy de la Marche : « Durant la vie d'Isabelle (3), ainsi parle le vicomte de Villeneuve-Bargemont, René avait choisi un ...symbole pour exprimer la vive affection qu'il lui portait. C'était une chaufferette ou réchaud plein de charbons enflammés, avec ces mots : d'ardent désir. « Il y fit ajouter, dit Bourdigné (4), un cha ̄ «pelet de patenostres, au milieu duquel estoit escript en <«<lettres italiques : Dévot lui suis. Et interprestoient et vou<«<loient dire plusieurs, qu'il portoit telles devises pour « quelques dames en amour qu'il avoit; mais saufve leur « révérence, car tant que la bonne princesse fust en vie, il << ne porta devise que pour l'amour d'elle, et jamais aultre «ne mist en son cueur (5). »

Il y a, dans cet extrait de Bourdigné, une contradiction: si les devises de René, du temps de son premier mariage,

(1) Vicomte de Villeneuve-Bargemont, Hist. de René d'Anjou, t. III, p. 328.

(2) Idem, ibidem, III, 189.

(3) Isabelle de Lorraine, morte le 28 février 1453.

(4) Il s'agit d'un manuscrit provençal du xvIe siècle, traduit par Bourdigné et qui a pour garants les chroniques de J.-P. de Bergone.

(5) Vill.-Barg., II, 99; et comte de Quatrebarbes, Œuvres du roi René, I, xc.

ne se rapportaient qu'à Isabelle de Lorraine, on ne peut y voir des gages d'amour envers « quelques dames », même «saulve leur révérence »; puis malheureusement, si Dévot lui suis se rattache à cette princesse, on ne sait point pourquoi René a choisi un chapelet. Aurait-on voulu croire que chacun des grains figurait une dame aimée ? Mais alors comment y appliquer le pronom singulier lui ?

D'ailleurs, cette fidélité de René à sa femme ne fut pas très constante; et voici comment, sur ce dernier point, conclut M. Lecoy de la Marche:

« René a reconnu, dans un de ses livres, qu'il avait aimé <<< damoiselles et bourgeoises », mais «‹ sans nulle nommer ». (De Quatrebarbes, III, 122.) Chevrier, d'après les mémoires apocryphes de Ricodi, cite une demoiselle noble qui lui aurait donné trois enfants. D'autres auteurs, non moins suspects, parlent d'une jeune Provençale et d'une dame de la Chapelle ou Capelet. (Vill.-Barg., II, 313; III, 189, 348) (1). »

Je ne me prononcerai pas sur ce grave sujet. Le mélange de la dévotion et de la galanterie était dans le goût de l'époque et particulièrement, ce semble, dans les habitudes du roi René. Tout aussi bien, le chapelet aurait-il pu témoigner uniquement de sa dévoction à la Vierge Marie (2), comme la croix double d'Anjou prouvait son culte pour la Vraie-Croix (3).

Quoi qu'il en soit, la chronique de Bourdigné, citée par MM. de Quatrebarbes et de Villeneuve-Bargemont, affirme,

(1) Lecoy de la Marche, o. c., t. I., p. 433, note.

(2) Le terme « chapelet de patenostres » employé par Bourdigné ne doit pas donner à penser que ce chapelet était destiné à la récitation de plusieurs Pater noster: comme l'a fait observer M. Lecoy de la Marche (Comptes et mémoriaux, p. 203, note 3), « on sait que ce mot (patenostres) désignait non seulement les chapelets, mais toute espèce de grains enfilés. » Il pouvait désigner aussi les chapelets consacrés à la Vierge Maric.

(3) Je traiterai cette question dans un prochain travail.

dans le passage transcrit plus haut, que le roi René prit le chapelet avec les mots Dévot lui suis du vivant de sa première femme, c'est-à-dire avant 1453, opinion qu'a suivie G. Vallier (1). Mais l'on ne cite pas de preuve à l'appui de cette assertion et (que je sache) l'on ne mentionne pas, soit le corps, soit l'âme de cette devise, comme figurant parmi les emblèmes dont sont ornées les célèbres Heures latines, Preces piæ. Il est certain, en outre, on va le voir, que René fit usage du chapelet bien après la mort de sa première femme et vraisemblablement jusqu'à la fin de sa vie.

Je vais maintenant relever les quelques exemples, parvenus à ma connaissance, de l'emploi du chapelet comme emblème par le roi René.

1. Les plus anciens des monuments, connus de moi, qui paraissent offrir le chapelet emblème du roi René, ce sont les contre sceaux armoriaux commandés par ce prince vers 1435, c'est-à-dire après qu'il eut hérité des prétentions de sa famille sur Jérusalem et autres royaumes. Je reproduis ici (fig. 1) les armoiries du sceau de ce type qu'a donné Olivier de Wrée (2). Les aigles-supports tiennent chacun dans leur bec un chapelet, auquel lest appendue la croix à double traverse.

(1) Gustave Vallier, Iconographie numismatique du roi René et de sa famille.

Dans l'Histoire de Provence par Bouché (II, 462), on lit également : «Isabeau de Lorraine... mourut à Angers le 27 février 1453 et fut ensevelie en l'église Saint-Maurice de la même ville. Il (René) l'avait incomparablement aimée pendant sa vie et portait pour devise un réchaut avec des charbons allumez, et pour âme de cette devise D'ardent désir, entouré d'un chapelet, avec ces mots Dévot lui suis. Après sa mort, changeant de devise, il prit un arc turquois ayant la corde rompue, avec une inscription italienne Arco per lentare piaga non sana, c'est-à-dire : Débander l'arc ne guérit pas la plaie. » (Communication de M. L. de Farcy.)

De la sorte, il existerait plusieurs exemples du réchaud entouré du chapelet. C'est dommage qu'aucune de ces figures ne soit citée d'une manière précise.

(2) La Généalogie des comtes de Flandre ; Bruges, 1642, pl. 107.

Deux empreintes analogues ont été publiées par MM. Bertrand de Broussillon et P. de Farcy dans la Sigillographie des seigneurs de Laval (Paris, 1888, p. 96). La première est

[merged small][merged small][merged small][graphic]

Généalogie des comtes de Flandre, de Wrée a publié ce même sceau d'après un exemplaire complet... (4) ».

La seconde, un peu plus petite, «46 des sceaux de Flandre (5) », a été employée « comme le second des contresceaux apposés par le roi René, le 4 février 1436, à l'obligation qu'il contractait alors de payer au duc de Bourgogne 400.000 écus d'or pour sa rançon ».

2. Il a été parlé plus haut de la maison dite palais de la reine Cécile, à Saumur, sur laquelle, pour répéter les expressions de M. Lecoy de la Marche, « on voit les armes de l'ordre du Croissant... avec la devise... : Dévot lui suis. »

(1) Aux archives des Bouches-du-Rhône il n'existe de ce sceau que cette seule empreinte. Elle est en si mauvais état que M. Blancard a cru voir deux dauphins dans ce qui forme le baut du manteau. >>

(2) La gravure d'O. de Wrée ne figure nullement ce manteau.

(3) C'est-à-dire que le contour du sceau, où était la légende, est presque complètement détruit.

(4) Si c'est bien le même sceau, O. de Wrée ne l'a pas vu absolument complet, puisqu'il n'a pas reproduit le manteau.

(5) Telle est la référence donnée par les auteurs.

Si ce bâtiment remonte à l'époque où René résidait en Anjou, on doit le dater du milieu du xve siècle, postérieurement à l'année 1448, où fut créé l'ordre du Croissant. Quelles sont exactement ces armes de l'ordre (1) » ? C'est ce qu'il eût été intéressant de préciser outre l'emblème ou les emblèmes particuliers de l'ordre du Croissant, ne verrait-on pas sur cette maison des devises de René et notamment le chapelet, auquel se rattacheraient les mots cités?

Ces questions, je les ai transmises à mon collègue et ami M. le comte Ch. Lair, inspecteur de la Société française d'archéologie pour le département de Maine-et-Loire, qui a bien voulu me répondre :

«Je suis allé à Saumur revoir « le palais de la reine «Cécile ». Je le crois absolument de l'époque du roi René et probablement construit par ce prince. L'écusson

auquel vous faites allusion, et dont Lecoy de la Marche a parlé, est placé au pignon de la façade, au-dessus du premier étage. Impossible d'y voir figurer quoi que ce soit. —

(1) Les Ordres souverains, tels que l'Ordre de Malte, ou ne dépendant pas d'un prince temporel, tels que les Ordres religieux, ont naturellement des armoiries; mais il n'en est pas de même des Ordres fondés par des princes.

Tout récemment, M. Roman a retrouvé le sceau de l'Ordre du Croissant et l'a publié dans le Bulletin de la Société des Antiquaires de France (1897, p. 184). Il représente saint Maurice, patron de l'Ordre, debout, appuyé sur un écu orné d'une escarboucle à huit rais fleurdelisés et au-dessous duquel se trouve le croissant, insigne de l'Ordre.

L'auteur dit « Les armoiries qui ornent cet écu ne me paraissent pas pouvoir être autres que celles de l'ordre du Croissant, et il faut reconnaitre que le roi René, si c'est lui qui en est l'inventeur, ne s'est pas mis en frais d'imagination; il a simplement emprunté les armoiries bien connues de la famille de Clèves... >>

En réalité, ce sont les armoiries mêmes de saint Maurice. Dans son Traité d'iconographie chrétienne et à l'article du chef de la Légion thébaine (t. II, p. 383), Mgr X. Barbier de Montault cite, parmi les caractéristiques de ce saint: « bouclier ou écusson au rais d'escarboucle, qui est l'attribut des guerriers martyrs et qu'adoptèrent les comtes d'Anjou. »

« PredošláPokračovať »