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Vingt ans se sont écoulés depuis que pour la première fois l'Académie me conféra l'honneur de la présidence annuelle. Placé de nouveau en tête du cortège, où pendant ce temps la mort a fait tant de vides, je n'ai pu me défendre de jeter un triste regard derrière nous; et passant douloureusement en revue les hommes que nous avons perdus, je me suis rappelé tout ce qu'ils ont été par le cœur et par l'intelligence.

Assuré de toutes vos sympathies, messieurs, si je leur consacre un souvenir dans cette assemblée, j'ai besoin toutefois de vous dire qu'en vous parlant d'eux je suis loin de songer à rien réparer, lorsque déjà plusieurs d'entre vous ont fait si dignement et si complétement leur éloge. S'il m'arrive même de répéter quelquesunes des paroles qu'ils ont inspirées, c'est que je n'aurai pu trouver d'expressions meilleures de mes propres sentiments. Du reste, dans les bornes que je dois me prescrire, je ne ferai, pour un grand nombre, que grouper des noms révérés. Vous me pardonnerez de m'arrêter un peu plus de temps en présence de ceux qui ont laissé dans ma mémoire les traces les plus profondes.

Aux limites supérieures de cet espace de vingt années que je me suis proposé de parcourir, on voyait encore debout, mais disparaissant successivement, plusieurs des anciennes illustrations de votre société. Alors existaient encore de laborieux vétérans de l'Académie, qui tant de fois l'avaient nourrie et vivifiée des fruits de leurs travaux; mais déjà les uns ne pouvaient plus participer que de loin à ses exercices, les autres étaient à la veille d'en être à jamais éloignés.

La compagnie se glorifiait encore de posséder au premier rang son secrétaire perpétuel honoraire, le savant et vénérable dom Grappin, qui, pendant le cours d'une vie presque séculaire, avait rassemblé tant de titres à nos hommages. Que vous dirais-je de ses travaux, messieurs, après tout ce que vous en avez appris ? La nomenclature et l'analyse complètes des ouvrages de M. Grappin, le tableau de ses vertus et de son caractère

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ne vous ont-ils pas été retracés par celui de nos confrères qui, seul, pouvait nous laisser un monument aussi fidèle d'une existence si pleine de labeurs utiles et d'honorables exemples (1)?

Trois années après celle que je vous rappelle, M. Grappin avait terminé ses longs et précieux jours. J'assistais à ses modestes obsèques, et je crois voir encore le cercueil de ce doyen révéré de l'Academie, stationnant au sortir de l'église métropolitaine, devant l'archevêché, et recevant les dernières oraisons du saint ministère. Un autre sujet de contemplation m'impressionna vivement. C'était la noble et touchante figure d'un prélat, non moins environné de respects, qui de l'intérieur de son palais s'associait à la cérémonie funèbre. M. l'archevêque Dubourg, qui nous appartenait aussi sans avoir pu prendre place parmi nous, retenu dans sa demeure par la maladie qui devait bientôt nous l'enlever, appuyé derrière une de ses croisées en face du convoi, priait avec effusion de cœur, et levant au ciel ses grands yeux expressifs, semblait un ange de paix et d'amour, un envoyé du Père des miséricordes, chargé de bénir en son nom, dans ce moment solennel, la dépouille de cette âme si longtemps éprouvée, qui, sans doute, allait jouir des éternelles récompenses.

Et déjà, depuis quatre ans, M. Grappin avait été précédé dans le tombeau par le premier de ses dignes successeurs aux fonctions de secrétaire perpétuel, M. Béchet, que des travaux importants et variés avaient rendu

(4) M. Weiss.

si recommandable. Vous savez aussi, messieurs, tout ce que nous devons à ce laborieux confrère, tout ce que nous a valu son ardeur pour les recherches historiques, indépendamment des deux volumes qu'il a publiés sur la ville de Salins, ouvrage que l'illustre Jouffroy, notre associé, qualifiait d'excellente histoire particulière. Dans la notice destinée à perpétuer la mémoire de M. Béchet, morceau plein de faits et de remarquables rapprochements, comme tout ce qui sort de la plume de notre savant biographe, on aime surtout à retrouver cette particularité d'une vie qui fut aussi plus d'une fois livrée à de pénibles épreuves. Devenu suspect à d'ombrageux révolutionnaires, M. Béchet fut jeté dans les prisons de Dole. La lecture assidue de Tacite y devint une de ses consolations. « A force de le relire, dit le >> narrateur de cette phase de son existence, il l'apprit par cœur. Mais aussi quelle lecture, pour une de ses » victimes, que l'histoire de la tyrannie, toujours la même à toutes les époques, soit que le tyran porte un

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diadème, soit qu'il affecte de le fouler aux pieds. "

Alors vivait encore celui de nos anciens confrères qu'a si délicatement et si justement dépeint notre Charles Nodier dans ses Souvenirs de jeunesse, M. Girod de Chantrans, qu'il comptait au nombre de ses premiers maîtres. « Simple et austère dans ses mœurs, doux et affectueux dans ses relations, inflexible dans

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>> ses principes, mais tolérant par caractère, bienveillant » pour tout le monde, capable de tout ce qui est bon,

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digne de tout ce qui est grand, et modeste jusqu'à la

timidité, au milieu des trésors de savoir qu'avait

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