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France de garder cette conquête. C'est là qu'est attaché, près du tombeau de saint Louis, l'avenir de notre pouvoir civilisateur, la croix s'y relève à l'ombre de nos drapeaux, et la Méditerranée, devenue un lac français, n'est plus qu'une faible barrière entre deux terres amies, dont l'une enfante les héros et dont l'autre les fait grandir.

Tel est l'exposé rapide des faits qui se déroulent dans l'Histoire de l'Algérie. L'auteur, négligeant avec raison des détails fastidieux, ne s'attache qu'à mettre en lumière les points les plus intéressants de son sujet. Récit, tableau, appréciation, tout ce qui fait le charme et le prix de l'histoire, s'arrange sous sa plume, sans confusion comme sans disparate, soit qu'il raconte avec une remarquable lucidité les guerres des états barbaresques contre les principaux royaumes de l'Europe, soit qu'il peigne les mœurs, les usages et le caractère des habitants de la Régence, ou qu'il découvre dans la rivalité des princes chrétiens, dans le fanatisme de la religion mahométane, et dans le genre de combat propre à la piraterie les secrets de cette puissance, à la fois si frêle et si terrible, qui sut, pendant trois siècles, tenir en échec la paix du monde, les progrès du christianisme et la gloire de la civilisation.

C'est le propre des esprits distingués, d'être toujours mécontents de leurs œuvres. M. de Rotalier s'appliqua à lui-même ce que Cicéron disait des premières élucubrations de sa jeunesse: Vinum quod non satis efferbuerat, un vin généreux qui n'avait pas encore assez fermenté. Il se reprochait quelques longueurs, et il voulait perfectionner

son livre en les faisant disparaître. Le gouvernement fut moins sévère que l'auteur lui-même. Convaincu que, si M. de Rotalier pouvait faire mieux, personne du moins ne pouvait faire aussi bien, il décerna dans le Moniteur de justes éloges à l'Histoire de l'Algérie, et en fit acheter cinquante exemplaires pour les bibliothèques de la guerre et de la marine.

Cette production était trop remarquable pour que M. de Rotalier demeurât plus longtemps étranger à vos travaux. Votre ancien secrétaire-perpétuel, M. Pérennès, vous la signala, dans une excellente critique, comme une de ces études où l'on trouve réunies les trois choses que M. de Châteaubriand exige de l'historien, la connaissance des faits, l'impartialité des jugements, et la convenance du style. L'Académie s'associa M. de Rotalier en 1842. Jamais choix ne fut plus hautement applaudi ni plus promptement justifié. Dans nos réunions, où les inėgalités de la fortune, de l'âge, du talent même s'effacent devant l'égalité fraternelle qui convient à la république des lettres, M. de Rotalier n'apporta d'autre pensée que celle d'être utile à la compagnie et agréable à chacun de ses confrères. Membre des commissions les plus importantes, rapporteur dans les plus savantes questions, les morceaux dont il enrichit nos recueils méritent qu'on les cite ici pour l'honneur de l'Académie. Ses études sur l'Algérie lui fournirent la matière d'un Discours de réception dont le style, tout embaumé des parfums de la terre d'Afrique, semble se colorer des reflets de son beau soleil. Il nous donna ensuite des Considérations sur les châteaux féodaux de Franche-Comté, éloquent plai

doyer dans lequel il venge le moyen-âge trop méconnu, en exprimant non de ridicules regrets pour le règne du privilége, mais de nobles souvenirs pour le règne de l'honneur; un compte-rendu de l'Histoire des Maures qui ouvrit à M. de Circourt les portes de l'Académie; deux rapports sur le concours d'histoire qu'il ne m'est permis ni d'oublier à cause des conseils que M. de Rotalier voulait bien m'adresser, ni de louer à cause de l'indulgence avec laquelle il excusait mes fautes devant vous. Je n'ai pas besoin de vous rappeler cette belle critique de l'Histoire de Jeanne d'Arc, où jugeant le mérite de M. l'abbé Barthélemy, notre confrère sut, par un rare bonheur, intéresser le public non-seulement à l'ouvrage, mais à l'héroïne, et faire partager à tout son auditoire le sentiment d'indignation avec lequel il se plaignait que la ville de Rouen n'eût pas élevé à Jeanne d'Arc un monument digne d'elle. Misérable parcimonie, s'écriait-il, honteux oubli dont l'accuse chaque jour la vague qui du fond de l'océan monte jusqu'à ses murailles, comme pour lui rapporter les cendres que les Anglais. jetèrent au fleuve, et qui, depuis quatre cents ans, n'ont pas encore trouvé de lieu pour se reposer!

Dans ces morceaux que l'on lira toujours avec intérêt, non-seulement pour les œuvres dont il parle, mais pour la manière dont il en parle, son style est aussi varié que son sujet, les réflexions se mêlent au récit avec une uste mesure, l'histoire s'élève quelquefois jusqu'à la philosophie et la critique jusqu'à l'éloquence. Il avait entrepris de difficiles recherches sur le château de Montaigu; cet opuscule, qui n'est pas achevé, révèle dans ses

lambeaux épars toute la patience et toute la sagacité d'un érudit, et nous fait regretter, pour l'histoire de la province, le concours d'une main si laborieuse.

Au goût des lettres, M. de Rotalier joignait le goût de l'agriculture. L'un et l'autre étaient chez lui pratiques, sérieux et éclairés. Elevé au sein des populations rurales, il avait compris de bonne heure, comme il le dit luimême, que le premier intérêt des nations est l'intérêt agricole, qu'il assure la force et la gloire des états, et que le commerce ne saurait avoir une véritable activité, si l'agriculture languit. Il portait dans ses expériences une sagesse également éloignée des routines stériles et des innovations hasardeuses. Mais ce qui le distinguait surtout, c'était le désir d'améliorer par d'utiles conseils la condition du laboureur. Il aimait les champs, et il voulait les faire aimer, parce que la vie y est simple et grande, la conscience pure, la mort tranquille. La société d'agriculture de la Haute-Saône le comptait parmi ses membres les plus dévoués et les plus actifs; celle du Doubs, qui le posséda peu de temps, apprécia cependant les services qu'il pouvait rendre, et lui témoigna sa haute estime en l'appelant, en 1849, aux honneurs de la présidence.

Telle est la vie de l'homme d'élite. Tout en lui est utile aux autres, même ses délassements. Ces soins divers, quelque honorables qu'ils soient, n'occupaient en effet que les loisirs de M. de Rotalier; ses préoccupations, ses études, avaient un objet plus important encore. Il méditait un livre qui devait l'élever au premier rang, et lui assurer, aux yeux de la postérité, la double répu

tation de penseur et d'écrivain. Vous avez nommé son dernier et son plus bel ouvrage : De la France, de ses rapports avec l'Europe, et du rôle qu'elle est appelée à jouer dans le monde. M. de Rotalier, déployant devant lui une carte du globe, marque trois puissances du premier ordre qui se disputent l'empire de la terre : la Russie, par l'étendue de ses limites, la force de sa position et l'unité de son gouvernement; l'Angleterre, par l'accroissement de son commerce, qui la rend maîtresse de toutes les mers; la France, par les ressources de son territoire et par l'influence de son génie. La première, qui tient sur le monde deux bras toujours étendus, toujours menaçants, dirige l'un vers l'Europe, l'autre vers l'Asie, et semble marcher à l'accomplissement de ses destinées providentielles avec la conscience de la mission qu'elle a reçue et de la terreur qu'elle inspire. La seconde, artificieuse, hautaine, égoïste, pleine, dans sa politique comme dans son commerce, d'une rare intelligence des affaires, a des sujets partout où il y a des acheteurs, et des domaines partout où il y a des richesses; habile du reste à prévoir les événements et à les ménager, osant sans témérité, reculant sans honte et gagnant toujours ce que les autres perdent. La dernière, en qui les papes voyaient, dès le VIIIe siècle, un peuple d'élection, un royal sacerdoce, béni par le Seigneur, a, dans son esprit et dans sa langue, quelque chose de communicatif, d'attrayant, de contagieux. Elle inspire les autres et ne s'inspire que d'elle-même. On la recherche, on la copie, mais on l'imite rarement et on ne la devance jamais. C'est chez elle que les idées gran

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