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nombreuses, M. Bourgon, toujours empressé d'enrichir vos séances de lectures intéressantes; toujours saisissant l'occasion de rehausser l'éclat des glorieuses époques de notre province et des vertus civiques de nos FrancsComtois? Les annales de la liberté lui étaient devenues des sources de prédilection; jamais il ne fut si bien inspiré que le jour où, s'attachant à démontrer l'authenticité du trait d'héroïsme attribué à Guillaume Tell, et dont certains critiques ont voulu déplacer le temps et la scène, il vous disait dans une de vos solennités : « Les » mêmes circonstances ne peuvent-elles se renouveler, » et les passions humaines produire les mêmes effets? » Si la Grèce a eu ses trois cents Spartiates mourant aux Thermopyles, Rome ne peut-elle pas s'enorgueillir de >>> ses trois cents Fabius succombant pour la patrie? La » ville de Romulus, aussi bien que celle de Cécrops, a » eu son Codrus, et la France a donné le jour à plus >> d'un Léonidas. >>

Comment ne pas déplorer encore une mort prématurée, parmi les émules des médecins que j'ai déjà nommés? Qui ne se rappelle l'élégante gravité du docteur Pécot, en qui la science tempérait l'imagination, et l'imagination poétisait la science? Qui a pu entendre ou relire sans le plus vif intérêt, sa notice sur la maladie et les derniers moments de M. l'archevêque Dubourg, où, contemplateur d'une longue et sublime agonie, il sut peindre d'une manière si touchante les vertus évangéliques, le noble caractère, la patience et la rési gnation du vénérable prélat?

Laissez-moi, Messieurs, m'incliner plus profondément

encore devant les souvenirs que je vais réveiller. Il me reste à parler d'un petit nombre d'hommes d'élite, j'ai besoin d'évoquer un moment leurs ombres, je veux vous redire seulement quelques-unes de leurs paroles les plus saillantes; je veux vous reproduire quelques-unes de leurs pensées qui se rattachent le plus à notre temps.

Combien seraient devenues de plus en plus chères à l'Académie ses relations, presque éphémères, avec ce Bisontin si heureusement doué, si modeste, si tardivement apprécié, M. Bailly, qui, n'ayant plus qu'un souffle de vie, sembla n'être venu s'asseoir au milieu de nous que pour y goûter, après de longs voyages et sur le seuil de l'éternité, un moment de halte conforme à ses plus doux penchants! Véritable philanthrope comme ne le seront jamais beaucoup d'usurpateurs de cette qualification, esprit essentiellement observateur, il avait su mettre à profit, non sans courir de graves dangers, ses nombreuses excursions dans les contrées lointaines. Ce fut après avoir parcouru l'Espagne qu'il revint à Besançon pour y révéler un talent d'écrivain qu'il avait toujours ignoré, et qui ne devait jeter d'éclat que sur ses derniers jours, pareil à la lampe dont la lumière paraît plus vive au moment où elle va s'éteindre. J'emprunte ces dernières paroles à celui d'entre vous qui, moins encore en ami qu'en appréciateur le plus exercé du vrai mérite, pouvait le mieux faire connaître, après la mort de M. Bailly, tout ce que valait cet excellent confrère.

Il n'est pas sans opportunité de rappeler que M. Bailly débuta dans ses compositions, en concourant pour le

prix qu'avait proposé l'Académie de Mâcon, sur les moyens de réprimer la mendicité. Dans son remarquable Mémoire, il affirmait la nécessité d'un principe aujourd'hui consacré par la nouvelle Constitution française : c'est que la société ne doit aux pauvres valides que du travail, mais qu'elle leur en doit, et que c'est à l'administration de leur en offrir dans les cas assez rares où ils ne peuvent s'en procurer. Il exposait enfin sur cette matière des vues pleines de sens, qui pourraient être consultées avec fruit, aujourd'hui que tant d'esprits s'occupent si diversement, et qu'un plus grand nombre devrait s'occuper plus sérieusement encore des moyens de remédier aux maux inhérents à l'ordre social.

Son discours de réception à l'Académie avait pour sujet le but philanthropique des sciences et des arts. Dans le choix même de ce texte, se révélait tout entière l'âme de votre digne récipiendiaire. Avec quelle profonde vénération, avec quel amour il y parlait des hommes célèbres, qui dans l'antiquité et dans les temps modernes ont concouru soit au progrès moral, soit au bien-être matériel de l'humanité! Quelle touchante exclamation lui inspira spécialement le souvenir de Parmentier! <«< O mon respectable maître! s'écriait-t-il, en >> célébrant tes vertus et ta bienfaisance devant cette » Académie, où tu reçus ta première couronne, j'ac» quitte une dette bien chère à mon cœur. C'est toi qui » protégeas ma jeunesse; c'est en parcourant sous les >>> ordres les contrées ravagées par la guerre, que j'ai >> connu l'étendue et la diversité des misères qui peuvent >> atteindre les hommes, comme l'étude des sciences

» naturelles et physiques m'indiqua le nombre et la puissance des ressources que la nature peut offrir » contre tant de fléaux. >>

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Bientôt M. Bailly vous fit admirer d'autres opuscules qui achevérent de mettre en lumière son talent. Ce fut pour vous qu'il composa ses souvenirs de voyage dans plusieurs parties de l'Espagne, et sa notice sur l'île de Saint-Domingue, « morceau, dit son biographe, où les >> critiques du goût le plus délicat retrouvèrent, avec la >> fraîcheur d'une jeune imagination, ce style brillant et >> pittoresque dont jusqu'alors l'auteur de Paul et Virginie ou celui d'Atala avaient seuls offert des modèles, >> et dont ils semblaient s'être réservé le secret. >>

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Lorsqu'en 1835, immédiatement après l'inauguration de la statue du grand Cuvier à Montbéliard, les trois députés de l'Académie française à cette solennité, MM. Nodier, Michaud et Roger, vinrent nous faire une courte visite dont vous avez gardé le souvenir, et qui ne devait jamais se renouveler, ce fut pour MM. Charles Nodier et Charles Weiss, ces deux compagnons de jeunesse et d'études, une précieuse occasion de renouer les entretiens intimes, dont maintes fois ils avaient fait leurs plus chères délices. Dans un de ces entretiens où j'eus le bonheur d'être admis, je ne pus entendre, sans une vive émotion, cette partie de leur dialogue: « Dis» moi, mon ami, demanda M. Nodier, qui donc est ce » nouveau membre de l'Académie de Besançon, toujours » pour moi la première de toutes, puisque tu en fais » partie, ce M. Bailly dont récemment encore je relisais dans un de nos recueils des pages si bien écrites?

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Quoi! tu ne l'as pas reconnu ? répondit M. Weiss; eh! » mais, c'est notre Bailly, de Besançon, ton ancien camarade, le mien. Vraiment! c'est lui? je lui ⚫ savais un très-bon cœur, mais je ne lui soupçonnais » pas tant d'esprit. Oh! que j'aurai de plaisir à le revoir et à l'embrasser! Tu me conduiras chez lui. Tu es » revenu trop tard, mon bon Charles, répliqua M. Weiss » avec un soupir; depuis plus de deux ans, Bailly » n'existe plus il n'a fait que franchir deux ou trois >> fois les portes de l'Académie, avant de descendre » au tombeau. » Et le front des deux amis s'inclina tristement, et leurs yeux s'humectèrent, et leur conversation fut suivie d'un long et religieux silence. Dès le lendemain, l'un des deux Charles avait repris la route de Paris pour ne jamais revenir dans sa ville natale. Rendons grâces à Dieu, l'autre Charles nous est du moins

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conservé.

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Le départ de M. Bailly pour un monde meilleur que celui où son âme compatissante avait vu tant de maux à soulager, tant de plaies profondes à guérir, fut en quelque sorte le signal précurseur de plusieurs de nos pertes les plus accablantes. Peu de temps après lui mourut M. le recteur Bertaut, homme d'un esprit et d'une érudition rares, doué de toutes les aptitudes, mathématicien, naturaliste, philosophe, littérateur, versé dans les beaux-arts. Chargé de la présidence de cette compagnie en 1833, il vous communiqua plusieurs chapitres d'un important ouvrage qu'il n'a pu terminer, et qui avait pour titre : Essai sur la philosophie politique. A l'exemple de Cicéron, il rapportait les lois à la nature

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