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» l'athéisme n'est plus de mode, la raison l'a chassé de » son temple; on ne sourit plus à l'irréligion. »

Tout en reconnaissant ainsi le progrès de la raison, Forateur ne dissimulait pas que le malaise actuel de la société pouvait avoir sa cause dans l'abandon du christianisme, dans le mépris de ses préceptes, dans l'oubli de sa morale, et que pour extirper le mal, il fallait rendre à la religion son empire, mais en évitant de retirer de dessous les ruines les abus qui l'avaient blessée, l'éclat mondain qui, sous la main de l'homme, avait altéré son divin éclat.

Ces considérations le conduisaient à défendre les ministres du culte évangélique contre l'exagération des reproches dont alors ils étaient l'objet. Il le fit avec autant d'érudition que d'éloquence.

Les intimes raisons qui lui avaient fait entreprendre cette tâche se laissaient facilement entrevoir. Elles émanaient de son attachement profond et bien connu à la religion qui lui semblait menacée, et sans laquelle, selon les expressions d'un de vos organes, que depuis longtemps aussi nous n'entendons plus, il ne voyait

rien de grand, de beau, de poétique et de touchant, ni » dans l'éloquence, ni dans les arts, ni dans la vie, ni - dans la mort. » Sa piété vive autant que sincère s'était alarmée de quelques récentes manifestations impies: il n'y avait pas longtemps que le divin culte avait reçu des outrages dans ses signes extérieurs et dans quelques-uns de ses ministres les plus éminents. Ce n'était que le fait d'un petit nombre d'hommes s'imaginant sans doute qu'une révolution nouvelle ne devait et ne pouvait s'ac

complir sans quelque chose de semblable à ce qui s'était passé dans les temps de sa sœur aînée, où sous la hache de ses iconoclastes tombaient les divins symboles de la vie éternelle, pour faire place soit au plus hideux des instruments de la mort, soit à l'idole fardée qu'ils appelaient la raison et qui ne représentait que la folie. Mais ce délire et ces fureurs sont loin de nous, bien que nous ne soyons pas à l'abri de tous les égarements. Les adorateurs de la liberté commencent à comprendre qu'elle est fille du christianisme. Aujourd'hui M. Courvoisier ne puiserait pas dans les causes de ses dernières inquiéludes un langage analogue à celui que je rappelle. Je suis porté à croire qu'il ne considérerait pas comme très-efficaces, tous les moyens qui sont employés aujourd'hui pour rendre à la religion son empire. Mais ce qui me semble indubitable, c'est qu'en gémissant encore sur les sanglants orages d'une phase récente de nos annales, il se plairait du moins à reconnaître que le sentiment religieux et chrétien y domina l'effervescence populaire. Il aimerait à remarquer que les arbres de la liberté ne furent pas cette fois, comme la première, plantés par les mêmes mains qui renversaient les autels, et que les ministres de l'Evangile, appelés à bénir ces nouveaux emblèmes, purent, dans ces touchantes cérémonies, mêler à des clameurs enthousiastes de pieuses invocations et des paroles de fraternité. Sa voix redirait avec émotion ces mots d'un jeune démocrate, prononcés au moment où l'on transférait du château des Tuileries dans l'église de Saint-Roch, un riche morceau de staLuaire, une grandiose figure du Rédempteur des hommes :

Chapeau bas, citoyens! inclinez-vous avec respect; » voilà l'image de notre divin maître! » Il serait non moins heureux de se souvenir que, malgré leur frénésie, les insurgés de juin se défendirent avec chaleur d'avoir fait couler le sang d'un illustre martyr du plus saint dévouement, frappé de mort sur une de leurs barricades.

Le trépas de M. Courvoisier vint inspirer à M. Genisset, alors votre secrétaire perpétuel, un de ses plus beaux mouvements oratoires. Je n'essaierai point de vous le rendre, Messieurs. C'est une de ces explosions de l'âme qui ne se produisent qu'une fois tout entières, et qui n'ont jamais de second retentissement; un de ces hymnes du cœur dont restent les notes, mais dont l'accent d'origine et de situation ne revient à personne. Jamais l'éloquent interprète de vos sentiments, toujours grave et religieux, toujours élevé dans le choix de ses expressions, toujours noble et mesuré dans son débit, ne s'était montré aussi solennel, aussi digne de son sujet. Hélas! c'était presque le dernier hommage qu'il rendait aux vertus patriotiques, à la puissance du talent, à la gloire d'une haute renommée. Lui-même devait bientôt descendre dans ce dernier asile, sur lequel il avait jeté si souvent les fleurs les plus brillantes, cueillies dans le champ des nobles inspirations.

Esprit nourri des plus pures traditions de l'antiquité, imagination vive et féconde, cœur aimant, profondément impressionnable, enthousiaste de patriotisme, âme ouverte à tous les généreux désirs, M. Genisset, depuis qu'il était devenu le dépositaire de vos archives, le clas

sificateur de vos croissantes richesses, l'appréciateur officiel et permanent de vos tributs académiques, vivait surtout de votre propre existence. Vous savez quel soin pieux il mettait à recueillir les moindres productions de ses confrères, avec quel amour il les enregistrait, les mentionnait, les colorait dans ses analyses des plus heureuses nuances de son style, comme s'il eût voulu les environner toutes d'une auréole de gloire.

Dans ses considérations générales, il se plaisait à ne mettre en évidence que le beau côté de toutes choses, à montrer le progrès des sciences et des lettres dans leurs tendances vers l'amélioration de l'humanité. Il louait la philosophie d'abandonner ses voies incertaines, et de s'efforcer aujourd'hui de rapprocher l'homme de son principe et de sa fin. Il glorifiait l'histoire de secouer le joug avilissant des rivalités de partis et des intrigues de cour, pour replacer les nations et les peuples au premier rang de ce drame, dont ils font seuls tous les frais, et dont ils n'ont que trop souvent fourni la catastrophe; de consacrer enfin leurs droits, qu'elle avait longtemps mal interprétés ou tout à fait méconnus; de signaler les usurpations de la puissance, d'apprécier les concessions de la faiblesse, et de faire voir, au-dessus de tous les événements, cette Providence toujours active qui veille à l'accomplissement de ses desseins et de nos destinées, soit qu'elle châtie la licence par le despotisme, soit qu'elle ramène la liberté par les excès de la tyrannie.

Revant toujours le bien, heureux de l'apercevoir, il ne balançait pas à constater que la littérature cessant de sacrifier à la frivolité de l'esprit les croyances les plus res

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pectables, prenait une direction grave et sérieuse pour s'associer à tous les progrès de la raison et de l'honnêteté publiques. Il lui semblait entendre une voix suprême dire à la poésie : « Quitte les sentiers profanes où ton » inspiration s'épuise et s'égare; laisse à l'impiété son » froid langage et son impuissant délire, remonte à tes » premiers chants, sois religieuse comme Orphée, sublime comme Pindare, pure comme les vierges » d'Aonie! » A son oreille la même voix disait aux beaux-arts : « Enfants du ciel, souvenez-vous de votre » illustre origine; ne prostituez point aux vices et à la - bassesse la dignité du talent et les dons du génie; faites-les servir à immortaliser les bienfaiteurs du

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monde, et que vos chefs-d'œuvre soient la récom » pense de la vertu, la leçon et la gloire de l'humanité! >> Et selon lui, cette voix divine n'était point méconnue, elle allait être de plus en plus écoutée, obéie. En lui les vœux de l'esprit comme ceux du cœur, se traduisaient en garanties de progrès et de paisibles conquêtes dans le beau comme dans la vérité; tout devenait pour son âme confiante au présent, souriante à l'avenir, une source de séduisantes espérances et de convictions généreuses.

Il y avait dans les pensées les plus habituelles de M. Genisset quelque chose de mystérieux et de prophétique. Tous les préambules de ses rapports annuels accusaient la prévision d'une grande crise sociale, dont il attendait une sorte de régénération universelle.

Chaque fois qu'il vous rendait compte des travaux de M. le comte de Sellon, l'un de vos associés correspondants, dont la mort est aussi venue glacer les chaleureux

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