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plus efficaces d'arrêter cette déplorable contagion; question si grave et partout d'un intérêt si pressant, partout regardée comme tellement majeure, qu'on y répondait nonseulement de tous les points de la France, mais encore de l'Espagne, de l'Italie, de l'Amérique, de presque toutes les contrées du monde?

Est-ce une Académie sans idées sérieuses, que celle qui a voulu faire constater l'utilité de l'observation du dimanche, considérée sous les rapports de l'hygiène, de la morale, des relations de famille et de cité; obtenir l'examen comparatif des professions agricoles et industrielles, envisagées sous le rapport de leur influence respective sur les mœurs et le bien-être des populations; savoir quelles sont les conséquences économiques et morales qu'a eues jusqu'à présent en France, et que semble devoir produire dans l'avenir, la loi sur le partage égal des biens entre les enfants?

Est-ce une Académie tombée dans la torpeur que celle qui a proposé de comparer les rapports actuels des domestiques et des maîtres, avec ce qu'ils étaient avant la révolution de 89, et d'indiquer les moyens d'améliorer ces rapports; qui a désiré connaître les causes de l'affaiblissement de l'autorité paternelle, et quels seraient les moyens propres à la relever; qui a cherché à rappeler la sainteté du serment, à faire étudier les causes qui en ont diminué la puissance, et comment toute efficacité lui pourrait être rendue; qui a porté son attention sur les combinaisons capables de concilier l'intérêt des classes ouvrières avec le travail des établissements de charité et autres ; qui a voulu qu'on s'occupât des principales causes

de l'indigence et des moyens d'y remédier; qui vient de demander encore pourquoi l'esprit de famille s'est altéré et par quelles influences il peut renaître; qui a sollicité naguère et obtenu selon ses désirs l'éloge du courage civil, cette suprême vertu, plus que jamais si précieuse, et bien autrement digne de l'admiration des peuples que l'intrépidité guerrière (1)?

Sonder les plaies de la société, convoquer les intelligences à la découverte des meilleurs remèdes qui peuvent y être appliqués, faire travailler les moralistes à la perfectibilité de l'homme, les économistes à l'amélioration du sort des malheureux, honorer le talent, le patriotisme, les généreux sacrifices, les nobles passions des grandes âmes, n'est-ce pas là, Messieurs, ce que vous avez fait ? N'est-ce pas là du socialisme par excellence, du plus pur

(1) L'ouvrage couronné est de M. Aubertin, professeur de troisieme au lycée de Nimes. Ce discours parut si remarquable à la commission chargée de rendre compte du concours, qu'elle croyait devoir l'attribuer à un écrivain d'un âge mûr et d'un talent depuis longtemps exercé. — Sur la fin des vacances de 1849, je reçus à l'Hôtelde-Ville la visite d'un voyageur qui se présentait en qualité de nouveau lauréat de l'Académie de Besançon, et qui se nomma. C'était M. Aubertin. Comme j'avais gardé le souvenir de l'opinion exprimée sur lui par les juges de son œuvre, grande fut ma surprise de voir dans M. Aubertin un tout jeune homme, et je la lui témoignai. « Il est vrai, me dit-il, que je n'ai que vingt-deux ans ; mais nous vivons dans un temps qui mùrit promptement les hommes. Récem»ment sorti de l'école normale, et professeur seulement depuis un » an, je viens de me faire un titre de mon succès près de votre Aca⚫démie, pour demander de l'avancement; j'espère que je l'obtien» drai. » — - Si cet espoir se réalise, l'Académie aura lieu de s'en féliciter. Quoi qu'il en soit, l'Université doit s'applaudir de pouvoir donner de pareils sujets à l'enseignement public.

qu'on puisse cultiver ? Vous avez entrepris dans l'intérêt des mœurs publiques, des citoyens en général, des pauvres en particulier, plus que maints réformateurs qui se croient fort habiles, et, j'ose le dire, plus même, toute proportion gardée, que de grandes assemblées bien autrement investies de cette haute mission, mais qui n'ont que faiblement compris tout ce qu'il y aurait de mérite et de gloire à la remplir.

Vos propres compositions, où il est rare que d'étroites exigences, une réserve trop timide, viennent paralyser l'essor des opinions personnelles, ne portent-elles pas pour la plupart le cachet d'une sage indépendance ? N'est-ce pas là que plusieurs d'entre vous ont maintes fois prouvé qu'ils n'ont pas entendu faire partie de votre société à la condition de n'y jamais exprimer une libre pensée ? N'est-ce pas là qu'on peut voir encore s'il est vrai que l'Académie reste en arrière de l'impulsion donnée aux esprits par le souffle puissant du dix-neuvième siècle?

Il n'est pas jusqu'aux opuscules en apparence les plus frivoles de ceux d'entre vous qu'entraîne le charme de la poésie, qui ne décèlent quelque louable tendance et ne renferment quelque moralité. Je voudrais pouvoir me flatter d'en fournir moi-même des preuves appréciables; mais ce n'est point avec cette prétention que j'aurai l'honneur de vous lire, à la fin de cette séance, un petit nombre de pièces fugitives dont tout le mérite sera d'y répandre un peu de variété.

Peut-être, Messieurs, ai-je trop insisté sur une justification que d'avance vous auriez jugée peu nécessaire.

Gardons-nous en effet d'ajouter aux défauts déjà si nombreux qu'on trouve à l'Académie, celui de paraître à l'excès ombrageuse. Ne prenons pas trop au sérieux des attaques de feuilletonistes qui, tout bien considéré, peuvent invoquer un droit incontestable. Ces Messieurs sont en possession d'égayer de temps en temps leurs lecteurs aux dépens de beaucoup de monde; et maintenant que tous les priviléges sont abolis, ou du moins censés l'être, l'Académie n'oserait prétendre à celui de rester à l'abri de toute critique et de toute causticité. Nous aurions d'autant plus mauvaise grâce de nous offenser de quelques railleries, que pour faire entre nous justice de certaines négligences ou de certains écarts, nous usons parfois gafment et mutuellement du même procédé. Laissons donc nos malins censeurs faire leur métier et continuons le nôtre.

A ceux qui pourront dire encore, avec ou sans figure, que l'Académie complète le nombre de ses immortels par des sujets peu dignes de l'immortalité, et qu'elle se repose habituellement sur plus de pavots que de lauriers, c'est par des faits que nous répondrons ensemble: -Oui, l'Académie dort, et malheureusement du dernier sommeil dans le trop grand nombre de ses membres qui, par de longs et d'importants travaux, ont fait son illustration. Mais elle veille encore dans leurs successeurs laborieux et dévoués. Elle veille dans le soin qu'elle prend d'entretenir de tout son pouvoir le goût du vrai, de l'utile et du beau, d'encourager et de récompenser les écrivains qui répondent à ses vues. Elle veille dans l'appréciation et le choix de ces documents historiques,

dont la publication lui fut inspirée par un de ses associés les plus célèbres. Elle veille dans le patronage qu'elle exerce sur les jeunes compatriotes appelés par elle à jouir des vivifiantes libéralités d'un bienfaiteur dont l'image vénérée décore aujourd'hui cette enceinte. Elle veille dans ses fêtes de chaque année, où ne dédaignent pas d'affluer tant de bienveillants auditeurs, heureux peut-être, en écoutant nos simples accents, d'échapper un moment aux bruits fatigants de la politique, au galvanisme étourdissant de la littérature parisienne. Elle veille dans ses nombreux dignitaires du sacerdoce, de la magistrature, du barreau, qui savent allier aux devoirs de leur ministère la culture de l'histoire et des lettres. Elle veille dans ses interprètes de la science qui, s'ils n'enrichissent pas plus souvent de leurs écrits ses séances et ses recueils, contribuent chaque jour, dans l'enseignement public, à la propagation des lumières. Elle veille dans ses artistes dont la voix ne peut être que rarement entendue, mais qu'on sait être créateurs de plus d'une œuvre dont nous avons droit de nous glorifier. Elle veille dans ses tributaires les plus habituels, toujours prêts à soutenir ses exercices et s'efforçant de leur donner de la vie. Elle veille jusque dans ses poëtes qui, sans ambition, mêlent à ses tons graves de légers accords, souvent payés d'aimables sourires, et qui, sous le voile transparent des fictions, savent aussi mettre au jour d'utiles vérités.

Voilà ce qu'est aujourd'hui l'Académie; voilà ce qu'elle peut être longtemps encore; car elle veille aussi dans les espérances qu'elle fonde sur ces jeunes amis

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