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élans vers des réformes que des contradicteurs plus calmes repoussaient comme prématurées, il le louait sans réserve de proclamer dans ses écrits la nécessité de l'abolition absolue de la peine de mort, comme s'il eût pressenti que bientôt ce châtiment extrême serait rayé de nos Codes pour les crimes politiques, et que des efforts seraient aussi tentés dans un avenir prochain, pour en faire décréter la suppression complète.

Lorsqu'au nom de l'Académie, M. Genisset félicita notre savant confrère, M. l'abbé Gousset, d'être appelé à l'évêché de Périgueux, il lui prédit que dans fort peu de temps il serait promu au siége pontifical de Reims. A ce présage il en ajoutait un autre appartenant au domaine de l'imprévu, tellement incroyable, que je n'ose l'articuler, et que, s'il se réalisait jamais, comme la plus grande partie de ses autres prédictions, il placerait son auteur au rang des inspirés les plus célèbres.

On avait plus d'une fois reproché à M. Genisset de se complaire excessivement aux louanges de ses confrères. Il semble qu'en approchant du terme de sa carrière, sa conscience se soit préoccupée du soin de justifier cette propension. C'est dans le dixième et dernier de ses rapports sur les travaux de l'Académie, que cette justification se trouve consignée, et il serait difficile à la critique la plus sévère de ne pas s'en contenter.

Dans un éloge, que personne n'accusera d'exagération, M. Pérennès vous a fidèlement retracé toutes les précieuses et brillantes qualités de M. Genisset. Il appartenait à son successeur immédiat dans les fonctions de secrétaire perpétuel, d'acquitter cette dette sacrée, à

laquelle se sont associés tous les membres de notre compagnie, par la plus juste solidarité.

La mémoire de M. Genisset a droit de ma part à un hommage tout personnel. Je n'ai jamais oublié qu'au lycée de Besançon, où je n'ai pu faire que des études incomplètes, il fut en quelque sorte mon professeur unique, celui qui par son extérieur aimable m'attira le plus promptement à lui, qui par son savoir-dire s'empara le plus sûrement de mon attention, celui dont les lumières rayonnèrent le mieux dans mon intelligence, celui pour qui j'avais conservé la plus vive sympathie. Permettez, Messieurs, qu'à l'exemple de M. Bailly, je m'écrie à mon tour: «O mon respectable maître! » recevez dans cette assemblée le tribut de ma recon» naissance. Mon père fut mon premier guide; mais ce » fut vous dont la bonté, rivale de sa tendresse, tendit » à mon jeune âge une seconde main tutélaire. C'est » vous qui m'avez inspiré le goût du beau, en me faisant >> partager votre admiration pour les touchants accords » de Virgile; et si j'ai pu cueillir quelques fleurs dans le champ de la poésie, si quelques palmes s'y sont en» lacées, si dans le sein même de cette Académie, dont » vous fûtes quelque temps l'honneur et l'âme, je suis » honoré d'un peu d'estime, c'est à vos encouragements >> flatteurs que d'abord j'en suis redevable. »

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Ici je m'arrête, Messieurs; j'en ai dit assez pour faire voir combien cruellement s'est vérifié chez nous le vers proverbial de La Fontaine :

«Nous devons à la mort de trois l'un en dix ans. >>

Et pourtant je n'ai montré que ses ravages les plus rapprochés de nous. Je n'ai rien dit des nombreux associés correspondants, dont elle nous a privés dans cette même période de vingt années, et dont plusieurs sont des célébrités européennes; étoiles radieuses qui d'une autre zone de lumière projetaient leur éclat sur votre modeste pléiade, et qui ont dû s'éteindre dans leur centre habituel de gravitation. Je n'ai fait que tresser une guirlande funéraire en l'honneur de nos résidants, de nos confrères les plus intimes; j'en ai fait ressortir quelques fleurons choisis; j'en ai rapproché les deux extrémités pour en former une couronne. Mais quant à la place que cette couronne doit occuper, elle est loin d'atteindre à la hauteur du mausolée qui, pour certains noms, s'est érigé dans mes souvenirs et dans mon cœur.

RAPPORT DE M. PERRON,

Secrétaire perpétuel,

SUR LES TRAVAUX DE L'ANNÉE.

MESSIEURS,

Je ne connais pas de plus difficile problème que celui de faire un rapport sur des travaux qui n'existent pas; le plus habile y échouerait. N'exagérons rien cependant; si notre Académie semble sommeiller, quelques signes de vie littéraire et scientifique viennent de temps à autre prouver que son sommeil n'est point un sommeil de mort. Mais qu'est devenu ce temps heureux de tranquille fécondité où votre secrétaire perpétuel n'éprouvait d'autre embarras que celui de choisir, parmi les œuvres de ses confrères, celles qui méritaient le mieux l'attention et la reconnaissance publique? Ce n'étaient point alors seulement quelques minces brochures ou des articles fugitifs, c'étaient de nombreux volumes, de larges et solides assises ajoutées chaque année par l'Académie au monument qu'elle est chargée d'élever au profit et à la gloire du pays. Mais pourquoi répéter mes tristes lamentations? Si une fausse honte ne doit pas nous faire cacher notre pénurie, il est bon de ne pas l'étaler trop souvent; la malignité pourrait s'y méprendre et taxer d'impuissance

un repos momentané, qui n'est dû qu'aux circonstances, et que votre zèle, Messieurs, saura bientôt rendre fécond.

D'ailleurs le mal dont je me plains ne nous frappe pas seuls; malheureusement pour les lettres et heureusement pour la réputation de notre société, ce mal est général, je dirais presque universel. Interrogez les échos de la renommée; quelles grandes œuvres ont paru dans ces derniers temps? Toutes les Académies de province semblent mortes; l'Académie française elle-même n'a guère révélé son existence que par ses concours publics et ses réceptions solennelles. Et comment n'en serait-il pas ainsi au milieu de circonstances et en présence d'un avenir qui tiennent la terre entière dans une anxieuse attente? Le monde politique lui-même, où toute l'activité de l'esprit humain semble concentrée, qu'a-t-il produit? du bruit, des ruines, beaucoup de ruines et de bruit. Où sont ses œuvres d'organisation et de vie? depuis deux ans il les promet; loin de les avoir enfantées, il est douteux qu'elles soient déjà conçues. Et cependant c'est vers l'horizon politique que tous les yeux sont tournés et toutes les oreilles tendues :

Conticuere omnes intentique ora tenebant.

Il est vrai que si les œuvres manquent les paroles abondent jamais on n'en a fait une aussi prodigieuse dépense que depuis qu'il est permis à tout le monde de se mêler de la chose publique. Sur ce vaisseau de l'Etat, ou plutôt, pour employer la maligne expression d'un de nos confrères, sur ce radeau chargé de nos destinées, chacun parle, chacun s'agite, chacun prétend mettre la main au

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