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paradis des braves, était aussi fermé à la foule indigente. Ce n'est pas ainsi que la religion du Christ traite ceux qui souffrent et qui ont faim.

L'histoire, qui n'est souvent qu'une fable, nous apprend donc qu'Orphée, prêtre initié d'Isis, fut un des législateurs et des pontifes de l'Hellade; mais il est permis de douter des miracles de sa lyre. Le dernier son de cette lyre imparfaite, à laquelle Therpandre crut devoir ajouter une corde, s'est évanoui. Les vers de Linus, n'en déplaise à Stobée, sont à jamais perdus. Les hymnes orphiques, recueillies par Maittaire, n'ont point payé la rançon d'Eurydice, et ne sont pas plus d'Orphée que les chants galliques de Macpherson ne sont ceux du fils de Fingal. Toutefois, on ne saurait nier que les préceptes et les écrits des sages n'aient adouci les mœurs de l'Hellade; mais cette ombre de littérature ne fut longtemps que le faible essai d'une civilisation à peine ébauchée. Les Grecs mêmes, qui coururent assiéger Ilion, avaient toute l'âpreté d'un peuple à demi sauvage. Achille, Hector, Ajax et Sarpédon s'accablaient d'injures avant que de se battre. Poussés par la faim, ils allaient dérober, à l'exemple d'Hercule, les bœufs de quelque Géryon, et les dépeçaient de leurs mains royales, pour le sacrifice ou le banquet.

Le siècle d'Orphée et de Linus n'était déjà plus celui de Saturne et Rhée. Cependant les vertus n'avaient pas quitté tout à fait la terre. On chérissait, on révérait encore ceux qui avaient servi la patrie. Le respect et l'amour plaçaient ces demi-dieux dans un ciel ouvert à toutes les illusions. Plus tard, la bassesse et l'effroi pla

cèrent dans ce même ciel, ouvert à tous les crimes, Tibère et Caligula.

J'ai parlé tout à l'heure d'Ilion; nous voilà donc arrivés à l'Iliade, immense conception du génie, et la plus magnifique de ses œuvres littéraires, puisque la Bible. émane du ciel. Quand les harpes divines interrompent leurs concerts, la muse de l'épopée fait taire toutes les Tyres humaines ; et cette muse inspirait Homère, que trois mille ans de gloire n'ont pu mettre à l'abri des outrages de l'envie. On renouvelle, de nos jours, contre lui une accusation bizarre : on attribue l'Iliade à des chanteurs de place, à des rapsodes. Si cette étrange idée n'est pas neuve, elle est digne au moins du siècle que nous traversons, siècle où l'on hait tout ce qui est beau, où l'on nie tout ce qui est vrai, où l'on blasphème tout ce qui est saint. Des pygmées, plus aveugles que Mélésigène, ont voulu renverser sa statue; mais cette statue harmonieuse, pareille à celle de Memnon, élève toujours sur le Pinde sa voix matinale, et cette voix a pour écho l'univers.

L'Iliade est le dernier effort de la muse épique. L'imagination n'est jamais allée plus loin. Quelle composition large et hardie! Que d'ampleur et de majesté! Quelle variété d'expressions, de dialectes et d'épisodes! Tumulte d'une bataille de dix ans, scènes d'intérieur gracieuses ou pathétiques, descriptions du bouclier d'Achille et de la ceinture de Vénus, tout se lie et se succède sans gêne et sans confusion. Ici, les adieux d'Hector et de sa femme; là, les prières boiteuses qui conduisent inutilement Phoenix aux pieds du fils de

Pélée. On assiste à un combat terrible, et le combat qui suit est plus terrible encore. Le fracas des armes retentit de l'Hellespont jusqu'à l'Ida. Dieux et mortels, tout se mêle; le Scamandre et son frère bouillonnent sous les feux de Vulcain irrité; le fougueux Diomède blesse Vénus et Mars lui-même.... Puis, tout à coup, Achille, cette grande figure que le poëte tenait en réserve, apparaît seul et désarmé. Il crie trois fois, et les guerriers de Pergame trois fois reculent. Josué ne cria qu'une fois Sol, sta! et le soleil s'arrêta dans sa course. L'Iliade ici cède encore à la Bible.

RAPPORT

SUR

LE CONCOURS D'HISTOIRE,

PAR M. MONIN.

MESSIEURS,

Deux mémoires seulement ont été présentés à l'Académie, pour concourir au prix d'histoire.

Le numéro 1 est intitulé: Recherches historiques sur l'abbaye de Montbenoit et le val du Sauget. Cette abbaye est sans contredit une des plus importantes de la province, par la durée de son existence, l'étendue de ses possessions, et les droits souverains qui, pendant longtemps, y ont été attachés. Le val du Sauget, sur lequel régnaient les abbés de Montbenoit, fermé de toutes parts par les forêts montagneuses qui forment la double crête du Jura, n'est pas moins intéressant à connaître par l'originalité de son langage et de son ancienne coutume. Ainsi, le sujet en lui-même est bien choisi, et c'est incontestablement l'un de ceux sur lesquels l'Académie a voulu attirer l'attention et les études des FrancsComtois studieux et amis de leur pays.

D'un autre côté, Montbenoît, pendant une existence de près de sept siècles, a toujours eu une destinée des plus

modestes et des plus paisibles. Son histoire ne fournit aucune de ces catastrophes, aucun de ces drames, aucune de ces luttes longues et variées que l'on peut rencontrer quelquefois même dans les annales d'un monastère. Montbenoît n'a non plus ni l'éclat des études, ni la renommée des grands hommes qui ont placé si haut d'autres abbayes dans l'histoire générale de l'Eglise. Si ce n'était le cardinal de Granvelle, qui en a eu quelque temps l'administration, il serait difficile de rencontrer dans ces recherches aucun nom jouissant d'une véri table renommée. Ainsi le sujet, tout en offrant quelque intérêt au point de vue de notre histoire provinciale, n'a pour lui que cet avantage de compléter la connaissance exacte de l'ancienne Franche-Comté.

Il en a été de Montbenoît à peu près comme du reste de notre belle et florissante montagne. C'était vers l'an 1000, comme Saint-Claude vers l'an 600, un pays désert et sans productions utiles. Un sire de Joux y appelle les chanoines réguliers de Saint-Augustin; il leur donne les forêts, les rochers, les marécages qu'il possède sur plusieurs lieues d'étendue. Le pays se peuple de colons étrangers au canton, et l'abbaye leur fournit les avances nécessaires pour mettre la terre en état de subvenir à leur subsistance. D'après l'auteur du mémoire, une forte portion de cette population nouvelle aurait une origine germanique, dont on trouve encore des traces dans la prononciation des habitants du Sauget (1). Depuis ce peuplement jusqu'à l'affermissement du ré

(1) De plus, une des communes du val porte ce nom significatif ; les Allemands.

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