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» amassés sa patience ou devinés son génie. › Je ne devrais peut-être, messieurs, rien ajouter à ce portrait qui sans doute vous est connu. Mais pourtant qu'il me soit permis de revenir sur une remarque que d'autres ont faite avant moi, et qui n'a pu vous échapper : c'est que M. Girod de Chantrans, comme savant et comme écrivain, fut non-seulement un naturaliste distingué, mais encore un excellent moraliste. Pour en trouver la preuve, il suffirait de relire un des derniers écrits dont il vous a fait hommage. Persuadé qu'une lacune importante existe dans l'éducation de la jeunesse, il en donne des raisons péremptoires qui touchent par tous les points à la morale publique. Il indique le moyen de combler cette lacune, en proposant d'éclairer l'inexpérience des jeunes gens par un cours de bon esprit de conduite ou de savoir-vivre. Je regrette que le temps ne me permette point de vous faire l'analyse de cet opuscule plein de haute raison. Mais je ne puis résister au désir de vous en citer la fin. C'est la douce lueur d'une belle âme qui va s'éloigner de la terre. « Je doute, disait le vénérable vieillard au moment de » quitter la plume, que la jeunesse la mieux instruite >> dans les sciences comme dans les arts, puisse se » passer d'une autre instruction sur l'esprit de con>> duite dans le monde, et si l'on juge comme moi des » bons résultats qu'elle doit produire, je m'estimerai >> heureux d'avoir encore pu manifester une idée utile » dans les derniers jours de ma vie. C'est ainsi que » j'aime à la finir, en faisant mes adieux à mes compa»triotes, et des vœux pour qu'ils se retrouvent le plus

>> lòt possible dans un meilleur état que celui où je les >> laisse. >>

Alors vivait encore, mais aussi dans une retraite commandée par une extrême vieillesse, M. de Raymond, qui, comme M. Béchet, m'honorait d'une affection particulière dont le souvenir ne peut s'effacer. L'un des premiers, il avait daigné sourire à mes essais poétiques. Il occupait le fauteuil de président de cette compagnie, lorsque je fus admis à l'honneur d'en être membre. Esprit fin et délicat, M. de Raymond faisait ses délices de la poésie, dans le genre où le bon La Fontaine, avec lequel il avait une certaine ressemblance de caractère, est resté l'inimitable modèle. Jusque dans les derniers moments de sa vie, comme l'a si bien dit un de nos confrères, il porta dans la conversation un ton d'aménité, de gaîté spirituelle, de légèreté badine que son grand age rendait plus piquant. Il avait l'âme bienfaisante et généreuse, et vous en donna une dernière preuve, en augmentant spontanément la valeur du prix que vous destiniez alors au meilleur ouvrage sur la question grave du suicide.

Et parmi ceux de nos anciens collaborateurs qui, sans se tenir habituellement éloignés de nos réunions, ne venaient plus que rarement y prendre part, comment oublier M. Coste, longtemps un des plus fermes soutiens de l'Académie, où maintes fois se manifestèrent ses connaissances étendues, ses sentiments patriotiques, la vigueur et le coloris de son style, son amour pour cette compagnie, son zèle dans les dignités dont il y fut investi? Qui ne se rappelle encore M. le docteur Cusenier,

ce dernier représentant de notre célèbre université de médecine, dont il était professeur à l'époque où elle fut supprimée, et qui appartenait à l'Académie depuis sa réorganisation; M. du Bouvot, mort peu de temps après la révolution de 1850, dont les événements avaient froissé en lui des opinions ardemment opposées, homme d'une grande fermeté de caractère, d'une instruction solide, qui n'avait pu vous payer publiquement qu'un seul tribut académique, mais qui était capable de réaliser les espérances qu'il vous avait données; M. de Boulot, resté longtemps si jeune de cœur et d'imagination, bien que sous le poids de nombreuses années, amateur passionné des beaux-arts, dont il raisonnait pertinemment, et qu'il a pratiqués parfois avec bonheur, auxiliaire toujours obligeant et souvent généreux des jeunes artistes, confrère dévoué, qui tenait à grand honneur de vous appartenir, et que distinguait envers tout le monde la plus exquise politesse; M. Pertusier, de qui le talent se pliait à des formes diverses, qui vous a laissé dans un Traité des Fortifications, l'exposé d'un nouveau système inspiré par des vues philanthropiques, et ses Promenades pittoresques aux environs de Constantinople et du Bosphore, ouvrage plein d'attraits pour les contemplateurs des merveilles de la nature; enfin, M. Bosc-d'Antic, chimiste habile, économiste distingué, homme doux et bienveillant par excellence, et dont le zèle académique égalait la modestie?

Ceux là du moins, messieurs, nous avaient plus ou moins préparés d'avance à la douloureuse perspective de leur fin. Mais, combien devait être pour nous plus

frappante, sinon plus sensible, la perte de ceux que nous avions l'habitude de voir et d'entendre, de ceux que nous espérions conserver longtemps encore! Que de regrets nous ont laissés ceux qui, récemment appelés dans nos rangs, étaient destinés à nous faire défaut, au moment où tout ce que nous n'avions pas su d'abord de leur mérite commençait à nous être révélé! Mon cœur se serre lorsque je me représente tous les fronts qui, dans cette enceinte, ont rayonné d'amour pour les sciences, les lettres et les arts, et qui en ont si rapidement disparu; tant d'hommes de cœur et de talent dont la parole attachante, les regards affectueux, les bienveillants sourires ont cessé d'animer et d'embellir vos séances. Que de voix toujours désirées, souvent éloquentes, ont ici captivé notre attention et remué nos ames, et qu'enchaîne aujourd'hui le silence de la tombe!

Au nombre de nos confrères les plus aimés et les plus dignes de l'être, il en fut de si récemment enlevés à notre affection, et qui étaient il y a si peu de jours assis à nos côtés, que nos yeux les cherchent encore.

Pourquoi nous avoir sitôt quittés, vous si noble de cœur, si riche d'intelligence, si zélé pour la gloire de cette compagnie, vous, de Rotalier, que la muse de l'histoire semblait caresser d'un souffle de prédilection, vous qui, laissant s'exhaler de votre âme cette chaleur communicative que donne l'amour des grandes vertus et d'un dévouement sublime, nous retraciez naguère les miracles de bravoure et de patriotisme qui ont immortalisé la vierge de Vaucouleurs, l'héroïne d'Orléans ;

vous dont le talent plein de sève faisait si bien sentir à notre société le bonheur d'être en vous fortifiée et rajeunie? Ah! du moins vous ne serez pas l'objet d'une reconnaissance tardive; je n'aurai pas à regretter de ne pouvoir aujourd'hui rendre à votre mémoire un plus ample hommage; une voix plus jeune que la mienne va remplir ce devoir.

Fallait-il aussi vous perdre si promptement, vous qui veniez à peine d'être inscrit sur nos listes, vous l'un des professeurs les plus habiles dont pût se glorifier l'enseignement supérieur de notre cité, vous, Meusy, l'ami dévoué de plusieurs d'entre nous, le digne interprète de nos modèles antiques, vous que faisaient tressaillir tous les accents de patrie et de liberté, dont les écrits trop rares sont empreints du goût le plus épuré comme des plus nobles sentiments, vous en qui s'alliaient à l'énergie du caractère les douces passions du cœur, vous dont la voix sonore et vibrante, la parole éminemment académique a si peu de fois retenti dans nos assemblées ?

Devions-nous voir si brusquement rompus les liens qui nous unissaient à vous, modeste et savant Bulloz, digne successeur des maîtres qui ont illustré notre école de médecine, âme candide et compatissante, cœur ouvert à toutes les souffrances de l'humanité, modèle de dévouement et de désintéressement, vous que les pauvres ont pleuré comme un père, qui vous étiez fait chérir de tous vos élèves, et dont la mort imprima sur le front de vos collègues une tristesse pareille à celle d'un veuvage? Un seul d'entre eux n'a pu longtemps

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