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des lettres se répandaient insensiblement dans la nation, et le nombre des esprits cultivés s'accroissait chaque jour; mais il fallait un certain intervalle pour que la France entière reçût l'influence de cette glorieuse époque. Le mouvement intellectuel est, comme le mouvement physique, soumis aux conditions du temps et de l'espace. Ce ne fut que dans le siècle suivant que le progrès se généralisa et se fit sentir sur tous les points du royaume.

Les diverses Académies érigées à Paris, comme des foyers de lumières qui rayonnaient dans tous les sens, étaient demeurées, durant tout le xvir siècle, le privilége à peu près exclusif de la capitale (1), et leur action sur la masse de la nation avait été nécessairement limitée. Mais bientôt on vit dans la province s'allumer successi

(1) Il est vrai cependant que quelques académies s'établirent dans les provinces sur la fin du xvn siècle. Ces fondations furent dues à quelque circonstance particulière qui développa tout d'abord dans certaines villes l'émulation littéraire que les travaux de l'Académie française commençaient à faire naître. Celle d'Arles, instituée en 1668, cut pour protecteur un membre de cette illustre compagnie, le duc de Saint-Aignan. Celle de Soissons, fondée en 1674, tenait à honneur d'être regardée comme fille de l'Académie parisienne. Elle lui envoyait chaque année, en tribut, une pièce d'éloquence; et, pour consacrer sa filiation, elle avait fait graver sur son sceau un aiglon s'élevant vers le soleil à la suite d'un aigle, avec cette devise: Maternis ausibus audax. L'Académie de Nîmes, établie en 1682, prit pour devise une couronne de palmes, avec ces mots : Emula lauri, qui faisaient allusion à la couronne de laurier de l'Académie française.

combien il est difficile de le suppléer, même pour quelques instants. M. Weiss, avec cette connaissance exacte de notre histoire, qui est un de ses priviléges, vous eût retracé le tableau de l'Académie naissante; il vous eût rappelé ses premiers travaux, ses premiers succès; il vous eût fait suivre d'année en année ses progrès et ses développements, et les paroles de notre savant ami, accueillies comme toujours par votre sympathie, auraient sans doute eu pour effet d'accroître encore, s'il est possible, le zèle qui vous anime pour les intérêts de cette société."

Pour moi, Messieurs, qui n'ai d'autre titre à vos indulgents suffrages que ma bonne volonté, mais qui sens toutefois que votre choix oblige, je viens pour répondre à votre attente, non pas essayer de faire ce qu'un autre eût si bien fait, mais retracer sommairement les principales circonstances qui présidèrent à la création de l'Académie, et les vues qui la dirigèrent dans le cours de son existence, jusqu'au moment où elle disparut avec tant d'autres institutions utiles, emportée par l'ouragan révolutionnaire qui passait sur la France. Il y a profit pour les corporations, comme pour les individus à remonter par la pensée au premier âge de leur vie, et à récapituler les faits saillants qui ont marqué leur carrière.

Le règne de Louis XIV avait donné une puissante impulsion à l'esprit français. Les arts avaient pris un vaste essor; la littérature s'était enrichie de chefs-d'œuvre immortels, et la langue assouplie et perfectionnée était devenue celle du monde civilisé. Les lumières et le goût

des lettres se répandaient insensiblement dans la nation, et le nombre des esprits cultivés s'accroissait chaque jour; mais il fallait un certain intervalle pour que la France entière reçût l'influence de cette glorieuse époque. Le mouvement intellectuel est, comme le mouvement physique, soumis aux conditions du temps et de l'espace. Ce ne fut que dans le siècle suivant que le progrès se généralisa et se fit sentir sur tous les points du royaume.

Les diverses Académies érigées à Paris, comme des foyers de lumières qui rayonnaient dans tous les sens, étaient demeurées, durant tout le xvir siècle, le privilége à peu près exclusif de la capitale (1), et leur action sur la masse de la nation avait été nécessairement limitée. Mais bientôt on vit dans la province s'allumer successi

(1) Il est vrai cependant que quelques académies s'établirent dans les provinces sur la fin du XVIIe siècle. Ces fondations furent dues à quelque circonstance particulière qui développa tout d'abord dans certaines villes l'émulation littéraire que les travaux de l'Académie française commençaient à faire naître. Celle d'Arles, instituée en 1668, eut pour protecteur un membre de cette illustre compagnie, le duc de Saint-Aignan. Celle de Soissons, fondée en 1674, tenait à honneur d'être regardée comme fille de l'Académie parisienne. Elle lui envoyait chaque année, en tribut, une pièce d'éloquence; et, pour consacrer sa filiation, elle avait fait graver sur son sceau un aiglon s'élevant vers le soleil à la suite d'un aigle, avec cette devise: Maternis ausibus audax. L'Académie de Nîmes, établie en 1682, prit pour devise une couronne de palmes, avec ces mots : Emula lauri, qui faisaient allusion à la couronne de laurier de l'Académie française.

vement, et par une sorte de communication électrique, un grand nombre de foyers semblables, moins brillants sans doute, mais qui, rayonnant aussi dans la sphère qui leur était propre, portèrent la lumière et la vie intellectuelle jusqu'aux extrémités les plus reculées de la France. Les habitants du Midi, que distinguent la vivacité de l'esprit et un goût prononcé pour les arts, eurent l'honneur d'entrer les premiers dans cette voie nouvelle. En 1750, on comptait en France vingt-trois Académies de province. Celle de Dijon, notre voisine, avait été inaugurée en 1740. Celle de Besançon le fut en 1752. Les Académies de Metz, de Rennes, de Strasbourg, de Lille ne furent fondées que plus tard.

Ce serait une erreur de croire que ces sociétés littėraires ne durent la naissance qu'à un acte du bon plaisir royal; presque partout, au contraire, elles naquirent d'elles-mêmes, comme l'Académie française dans la maison de Conrart. Seulement, lorsqu'elles commençaient à être connues, le roi, sur la demande de quelque protecteur officieux, par un acte de sa volonté souveraine, les ralliait à l'autorité en leur donnant une constitution légale et les droits d'une existence publique. C'est ce qui eut lieu à Besançon.

Il y avait alors dans notre ville un avocat également renommé par son savoir et par son éloquence. C'était M. Biétrix de Pelousey, qui devint plus tard conseiller au parlement. A la connaissance profonde des lois il joignait un vif sentiment des arts et un goût passionné pour les lettres; au milieu de ses travaux d'avocat, il avait trouvé le loisir de former une association qui

s'assemblait chez lui chaque semaine, et dont les réunions étaient consacrées à traiter alternativement un sujet d'éloquence et un point d'histoire. Sa demeure fut le berceau de l'Académie (1). Un descendant de la maison de Lorraine, que l'éclat de son nom appelait à tous les honneurs, mais que sa modestie retenait à Besançon, dans la retraite où il vivait en sage, content du bonheur obscur que lui procurait une union bien assortie, le marquis du Châtelet, ralliait autour de lui plusieurs hommes d'esprit, et les excitait par son exemple à chercher dans les lettres de douces et pures jouissances (2).

Le siège de premier président du parlement de la province était occupé à la même époque par M. de Quinsonnas; c'était un homme d'une sensibilité délicate, d'une imagination vive, d'un caractère naturellement disposé à l'enthousiasme, qui parlait et écrivait sa langue avec une remarquable élégance, et composait des vers pleins de feu, mais d'une facilité souvent incorrecte (5). M. de Quinsonnas était l'ami du marquis du Châtelet. Il avait applaudi aux réunions littéraires dont M. de Pelousey était l'âme, et où il avait lui-même sa place marquée; mais il comprit que ces

(1) Voir les lettres patentes de 1752, et le compte rendu de la séance publique du 24 août 1736.

(2) Voir son éloge historique, par l'abbé Talbert, dans les mémoires manuscrits de l'Académie.

(3) Voir l'éloge historique de ce magistrat, par M. de Courbouzon, dans le procès-verbal de la séance publique de l'Académie du 24 août 1737.

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