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« Jacques, porté sur une civière, était appuyé sur un pauvre méchant oreiller de plume; il était vêtu d'une longue robe grise, serrée par une corde, et avait la tête couverte d'un bonnet blanc noué par-dessous le menton. Après lui venaient quatre religieux que l'on disait grands clercs et de sainte vie; ils étaient suivis, mais à une certaine distance, de la maison du prince, qui se composait d'environ deux cents chevaux et de nobles. hommes et serviteurs très-bien vêtus et en bon poinct. >>

Ce fut dans le même équipage qu'il fit son entrée à Besançon. Il y mourut en 1458, le 23 septembre, et fut inhumé dans la chapelle des Dames de Sainte-Claire, qu'il avait fondée, et où l'on célébrait chaque jour une messe pour le repos de son âme.

La chapelle du roi Jacques, fermée d'une grille magnifique, a disparu avec l'église et les autres monuments qu'elle renfermait, et dont il ne subsiste plus aucune trace.

En voyant tant de dévastations irréparables, on ne peut trop regretter que J.-J. Chiflet n'ait pas recueilli les épitaphes qui décoraient les églises de Besançon, à l'époque où il écrivait l'histoire de cette ville. Il en avait eu le projet, comme il le dit lui-même en terminant son Vesontio; mais il crut devoir laisser cette tâche à son ami Guillaume Belot, de Lons-le-Saunier, qui préparait un recueil de toutes les épitaphes disséminées dans les cathédrales, les abbayes et les autres églises de la province. Cet ouvrage, si intéressant pour notre histoire, était presque entièrement achevé en 1618, et l'auteur en annonçait la publication comme

prochaine. Elle fut retardée par des circonstances sur lesquelles nous ne pouvons que former des conjectures. Il est probable que le manuscrit de Belot périt dans l'incendie de Lons-le-Saunier, qui eut lieu en 1657; du moins il n'en est plus question depuis cette époque, et c'est vainement que nos prédécesseurs l'ont recherché dans les bibliothèques et les cabinets de la province.

Nous n'avons pas à redouter, Messieurs, du moins dans un temps prochain, des catastrophes semblables à celles dont je viens d'avoir l'honneur de vous présenter une rapide esquisse. Cependant il faut nous tenir en garde contre ce travail incessant de rénovation, suite nécessaire du développement de l'industrie et du besoin de bien-être matériel. On ne détruit plus pour détruire, mais on abat chaque jour d'anciennes constructions pour leur en substituer de nouvelles, plus commodes et plus appropriées à nos mœurs. C'est ainsi que, dans peu d'années, nous verrons disparaître jusqu'aux derniers vestiges de l'ancien Besançon. Ne laissons pas à nos successeurs les mêmes sujets de regrets que nos devanciers nous ont laissés, par une incurie que le malheur des temps peut seul excuser. Vous apprendrez avec plaisir, Messieurs, qu'un membre de cette compagnie a recueilli les inscriptions que nos ancêtres plaçaient sur la porte de leurs maisons, soit pour y appeler les bénédictions du ciel, soit pour avoir sans cesse sous les yeux quelques-unes de ces maximes de la morale antique, qui étaient pour eux comme des guides et des fanaux dans la conduite des affaires de la vie. Le même académicien se propose de relever les façades du peu de maisons et

de monuments remarquables épargnés par le temps, et de faire pour cet objet un appel au crayon de nos artistes dont le dévouement lui est bien connu. Ce travail, étendu à toute la Franche-Comté, serait d'une incontestable utilité pour nos annales; mais un tel projet ne peut obtenir quelque succès qu'autant que vous daignerez, Messieurs, lui prêter votre appui. Il le réclame avec confiance, certain de votre empressement à concourir à toute œuvre dont le but est d'honorer notre commune patrie, en jetant de nouvelles lumières sur son glorieux passé.

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RAPPORT DE M. PERRON,

Secrétaire perpétuel,

SUR LES TRAVAUX DE L'ANNÉE.

MESSIEURS,

Rien n'égale la mobilité du caractère français; si l'ennui naquit un jour de l'uniformité, ce ne fut certes pas en France: nous sommes plus que jamais les dignes fils de ces Gaulois qui ne pouvaient tenir en place, adorant ce qu'ils ont brûlé, brûlant ce qu'ils ont adoré, et ne montrant de constance que dans leur inconstance. Pour flatter notre vanité on nous dit bien que tel doit être le caractère du peuple initiateur, que la vie est dans le mouvement, et le progrès dans de perpétuelles transformations. Quoi qu'il en soit, tout n'est pas mauvais dans cette incessante mobilité; si elle ne permet pas de se fixer dans le bien, elle empêche également de demeurer dans le mal. Les productions de l'esprit en font aujourd'hui l'heureuse expérience. Qu'est devenue cette littérature échevelée dont, chaque matin, la presse nous servait une si large pâture? Hier, on eût dit que c'en était fait des œuvres du goût et de la saine raison, que les traditions et les exemples de nos deux grands siècles littéraires étaient à jamais perdus pour nous, et voilà qu'aujourd'hui l'excès du mal nous en apporte le remède, et

qu'il serait aussi impossible de continuer avec succès les extravagances où la France semblait se complaire, qu'il l'eût été naguère de produire une œuvre sensée.

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L'abbé Galiani, ce philosophe aimable, ce spirituel et profond économiste, que l'amour de la liberté et les charmes de l'esprit avaient conduit en France, soupant un soir avec ses amis les encyclopédistes, leur disait : « Vous réclamez à cor et à cri la liberté de la presse; permettez-moi de vous le dire, vous ne savez ce que vous faites; il n'y a pour la pensée aucune entrave qu'on ne puisse briser ou tourner avec de l'esprit. En dépit de la censure, des prisons, des bûchers, aujourd'hui, vous dites et vous écrivez ce que vous voulez. A quoi ne vous attaquez-vous pas? Parlement, noblesse, religion, clergé, royauté, rien n'est à l'abri de vos coups, et cependant vous soupez tranquillement à Paris. Pourquoi? c'est qu'avec de l'esprit et du tact vous faites tout passer; quand la liberté de la presse aura ouvert la lice à tout venant, le règne des hommes d'esprit aura cessé, votre sceptre passera aux mains des grimauds de la littérature, la gloire et le profit iront à celui qui fera le plus de bruit et qui mêlera dans de plus fortes proportions l'impudence à la grossièreté. La prophétie du spirituel abbé s'est réalisée de tous points. Heureusement qu'en France le mal encore plus que le bien a son terme. La réaction s'est faite, le bon sens ramène le bon goût exilé, et sans qu'il soit besoin d'autres lois que les siennes, d'autre pénalité que celle de l'indifférence ou du mépris public, tout fait espérer que l'art d'écrire va rentrer dans sa véritable voie et retrouver ses légitimes interprètes.

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