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flatteurs! Maîtres et condisciples, chacun témoignait à Ebelmen autant d'estime que d'affection. Pour les uns il n'était déjà plus un élève, mais un égal; pour les autres, il fut souvent un répétiteur volontaire, qui stimulait leur ardeur et qui prévenait leurs découragements. Plusieurs lui attribuent hautement le succès de leurs examens et leur admission dans les services publics.

La réputation que M. Ebelmen s'était acquise à l'école polytechnique devint plus brillante encore à l'école des mines. Il y entra avec le quatrième rang, monta rapidement au premier, et le garda pendant toute la durée des cours. Après avoir accompli les excursions scientifiques qui terminent l'éducation d'un élève ingénieur, il fut envoyé dans la Haute-Saône en qualité d'ingénieur ordinaire. Un de nos plus savants confrères, M. Thirria, lui servit de guide dans ses travaux. Il s'appliqua d'abord à l'analyse des substances minérales, et en fit connaître plusieurs espèces nouvelles. Ses découvertes, consignées dans les Annales des mines, ont enrichi, depuis 1838 jusqu'à 1850, presque toutes les pages de ce recueil.

Cependant, les excursions minéralogiques ne suffisaient pas à l'activité de son esprit. Il étudiait aussi la métallurgie, et abordait à vingt ans, avec cette hardiesse que le génie inspire, une des questions les plus difficiles et les plus obscures de la science. On ne s'était pas encore rendu compte du travail intérieur qui s'opère par la combustion dans les hauts fourneaux. M. Ebelmen étudia successivement le rôle que le combustible y joue, la réduction que le minerai y éprouve sous l'influence de la chaleur, et la composition des gaz qui s'en échap

pent. Rien n'était plus délicat que ces sortes d'expériences. Il fallait de nouveaux appareils, l'habile ingénieur les inventa; du temps, il y employa ses loisirs pendant six années; des observations répétées dans différentes usines, il les fit tour à tour à Clerval, à Audincourt, à Pont-l'Evêque et à Séraing. Ces travaux l'amenèrent à formuler des conclusions théoriques, pleines de netteté et de rigueur, qui font maintenant autorité dans la matière. L'Académie des sciences, après avoir fait examiner ses divers mémoires sur la métallurgie, en rendit compte, le 29 mars 1842 et le 1er juillet 1844, dans deux rapports très-favorables à l'auteur. Le Recueil des savants étrangers reproduisit les mémoires d'Ebelmen, et leur décerna de justes éloges. Notre jeune compatriote ne séparait pas l'étude des sciences de leur application pratique. Il indiqua les moyens d'obtenir, par la combustion, des gaz entièrement exempts de fumée, et montra le parti qu'on pouvait en tirer dans l'intérêt de l'industrie. Les propriétaires des usines d'Audincourt, qui avaient été témoins de ses travaux, se fiaient volontiers à ses conseils, et les résultats heureux qu'il leur fit obtenir, justifièrent toujours les prévisions de cet esprit aussi solide que brillant, et aussi inventif que sûr de lui même.

Un mérite si éclatant dans un homme si jeune encore devait bientôt recevoir sa récompense. L'attention des savants commença à se fixer sur lui, et, du fond de la petite ville qu'il habitait, il entra en correspondance avec eux. Un membre de l'Institut lui écrivait en le félicitant de ses découvertes : « C'est de Vesoul que désor

mais nous viendra la lumière. » Cette prédiction ne se vérifia qu'à demi. Vesoul perdit M. Ebelmen, mais la lumière fut placée sur le chandelier. Appelé à Paris en 1840, il devint tout à la fois répétiteur de chimie à l'école polytechnique et professeur-adjoint de docimasie à l'école des mines. C'étaient deux champs nouveaux ouverts à ses études; ce fut le théâtre des recherches les plus variées et des découvertes les plus ingénieuses. Dans la chimie organique, il fit voir comment certains acides se combinent avec l'éther, analysa leurs propriétés merveilleuses, et obtint, en les décomposant, l'hyalite et l'hydrophane artificielles. Dans la chaire de docimasie, où il suppléa d'abord M. Berthier et qu'il occupa ensuite comme professeur titulaire, il s'éleva de l'analyse de quelques terres et de quelques roches aux considérations les plus neuves sur les grandes causes qui peuvent troubler la composition de l'atmosphère. Il montra que les volcans, les sources d'eau venues de l'intérieur du globe à sa surface, la transformation des matières organiques en minéraux, exercent sur l'air une action qu'on ne soupconnait pas encore. C'était nous révéler une loi de l'équilibre universel, et ajouter une page aux harmonies de la nature. Ainsi, le talent du professeur croissait avec sa tâche, et sa renommée avec son talent. Dans chaque poste qu'il occupait, il agrandissait en même temps le domaine de la science et le cercle de ses études. Aussi prompt à concevoir qu'il était hardi à entreprendre, il se posait, dès son entrée dans la carrière, quelque grand problème, et ne tardait pas à le résoudre avec autant de soudaineté que d'éclat.

Au zèle qu'inspire la jeunesse, Ebelmen joignait déjà l'assurance que donnent des travaux heureux, et la réputation naissante qui s'attache à des découvertes utiles. C'était beaucoup, Messieurs; mais, permettez-moi de le dire, ce n'eût été presque rien encore, s'il n'eût réuni à tous ces avantages un peu de ce bonheur qu'on appelle des protections. La fortune aujourd'hui ne vient plus chercher personne, et ceux qui, par la délicatesse la plus honorable, s'enferment en l'attendant dans les labeurs d'une vie studieuse, se condamnent par là à l'obscurité et à l'oubli. Le propre de l'esprit révolutionnaire, c'est l'égoïsme. Les riches gardent leur argent et les puissants leur crédit. Les Mécènes sont plus rares que les Virgiles, parce que les grandes vertus sont plus rares encore que les grands talents. Je ne conçois pas pour des hommes un peu fiers une plus douloureuse destinée que d'appartenir à de tels temps. Ils sentent jusqu'où ils pourraient aller, mais l'espace manque à leurs ailes et les encouragements à leurs premiers efforts. M. Ebelmen fit exception à cette loi. Un homme se rencontra, d'un cœur assez généreux pour l'aimer sans le voir, et d'un esprit assez élevé pour le protéger sans le connaître. Ce fut M. Alexandre Brongniart. Louons-le hautement d'avoir bien voulu devenir le génie tutélaire d'un de nos compatriotes. Cet illustre savant administrait la manufacture de Sèvres depuis un demi-siècle, et jouissait auprès de Louis-Philippe d'un crédit justement mérité. Un jour que le roi lui avait rendu visite, l'administrateur parla de son grand âge, de ses fatigues, des travaux de l'établissement. Il termina en demandant

qu'on lui donnât un successeur. Le roi l'interrompit : - Un successeur, non, mais un adjoint, et sous la condition que vous le choisirez vous-même. M. Brongniart ayant prononcé le nom d'Ebelmen, Louis-Philippe voulut savoir s'il le connaissait. Sire, répondit le savant, je ne le connais que par ses travaux. C'est la meilleure recommandation, repartit le prince, et M. Ebelmen fut nommé aussitôt directeur-adjoint de la manufacture de Sèvres.

La reconnaissance de l'élève justifia la bonté du maître. M. Brongniart, qui croyait ne s'être donné qu'un successeur habile, fut charmé de trouver un fils dévoué. Les soins pieux dont son protégé l'entoura, le zèle qu'il mit à conserver les traditions de Sèvres, la gloire qu'il ajouta à la vieille gloire de cet établissement, devinrent pour le sensible et généreux vieillard, la plus douce récompense de ses bienfaits. Sèvres, après sa mort, parut n'avoir pas changé de maitre; on eût dit seulement que M. Brongniart s'était rajeuni dans M. Ebelmen. Le sort des ouvriers, l'embellissement de la manufacture, le perfectionnement des procédés, l'amélioration des produits, tout ce qu'il y a d'utile et de moral, préoccupa le jeune administrateur. Il fonda une caisse de secours en faveur des malades, des veuves et des orphelins; il étudia et fit connaître la théorie de la combustion dans les fours à porcelaine; enfin, sentant tous les avantages qu'il pouvait tirer des sources abondantes de chaleur dont il disposait, il médita et mit à exécution un projet grandiose, dans lequel les chimistes les plus consommés avaient échoué jusqu'à lui.

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