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rait injuste de reprocher à notre confrère de n'avoir pas tenté l'impossible.

Cependant il a pris le soin de marquer par un léger changement de mesure le contraste établi dans l'original, entre les strophes qui expriment le travail de la forge, et celles qui décrivent les circonstances solennelles et les événements extraordinaires annoncés par les cloches. C'est à cette dernière partie que les alexandrins sont exclusivement employés dans la traduction, et c'est là surtout que les beaux vers sont arrivés en abondance sous la plume du traducteur.

Des strophes consacrées à la description du travail, nous ne vous citerons que la première, non que les suivantes soient inférieures, mais parce qu'elle suffira pour vous donner une idée de cette partie distincte du poëme.

<«<< Solidement fixé dans le mur qui l'enserre,

>> Le moule fait d'argile est scellé dans la terre ;
>>> La cloche aujourd'hui même en doit naître et sortir.
» Compagnons, soyez prêts! le travail va s'ouvrir.
>> De nos fronts la sueur brûlante

>> Bientôt doit tomber ruisselante!

>> Ce que l'artiste vaut, son œuvre le dira;

» Mais d'en haut seulement le succès nous viendra. >>

Parcourons maintenant avec rapidité les tableaux que Schiller a rattachés à son sujet, et qui sont du premier ordre par tout ce qu'ils offrent de gracieux, d'élevé, de triste et d'énergique.

La naissance que doit annoncer la cloche amène les vers suivants :

« D'abord, avec des chants de joie et d'espérance, >> Elle ira saluer l'enfant cher et vermeil,

>> Qui, dès ses premiers pas dans l'humaine existence,

>> Se repose, bercé dans les bras du sommeil.

>> Pour lui de même encor, tristes ou fortunées,
>> Dans le secret des temps dorment les destinées;
» De l'amour maternel, amour tendre et sacré,
» Veille l'œil attentif sur son matin doré.

>> Rapides comme un trait, s'envolent les années !
>> Bientôt, fuyant ses sœurs, l'enfant impétueux
» Duhardi voyageur prend le bâton noueux ;
» Il va courir le monde ; il va tenter la vie ;
>> Mais sa soif de tout voir est bientôt assouvie :
» Il revient, étranger, au toit de ses aïeux.
>> C'est alors que, reflet de la beauté des cieux,
>> Brillante de jeunesse, et la forme angélique,
>> Une sainte rougeur couvrant son front pudique,
» La vierge tout à coup apparaît à ses yeux !
>> Un desir inconnu du jeune homme s'empare...
>> Fuyant ses compagnons, solitaire, il s'égare...
>> De ses yeux pleins d'amour on voit couler des pleurs ;
» Rougissant, il s'attache aux pas de son idole,

>> Heureux d'un salut d'elle, heureux d'une parole !

>> Et, pour la faire belle entre toutes ses sœurs,

>> Du vallon, chaque jour, il moissonne les fleurs. >>

Le tableau de l'union conjugale suit de près cette suave peinture d'un chaste amour.

« Qu'il s'assure, celui qui pour jamais se lie,

>> Si, dans cet acte saint où s'enchaîne sa vie,

» C'est bien avec un cœur que son cœur va s'unir!

» L'illusion est brève, et long le repentir! >>

Ces quatre vers rendent parfaitement la pensée et l'expression du poëte allemand, dont les compatriotes redisent souvent ce passage devenu populaire.

Viennent ensuite les détails que lui inspirent les illusions trop promptement fugitives du printemps de la vie, les luttes laborieuses qui les suivent dans la personne de l'époux, ses efforts pour procurer le bienêtre à ses nombreux enfants, les pieuses sollicitudes, les soins économes de sa vigilante compagne; les espérances et les joies d'une famille prospère, et puis les couleurs sombres d'une subite adversité.

« Le locsin Ecoutez!... Au feu !... C'est l'incendie !

>> Sans obstacle d'abord, il marche impétueux !

>> Il marche! Et, par le vent sa fureur agrandie, >> Enserre dans la flamme un quartier populeux! >> Pour les créations de la puissance humaine

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Pourquoi les éléments ont-ils donc tant de haine?

>> Sur les hommes troublés, dans l'horizon en feu,
>> Eclate en mille éclairs la colère de Dieu !
» Rouge comme du sang, une étrange lumière
>> Vient envahir des cieux la voûte tout entière...
» Mais, hélas! ce n'est pas la lumière du jour!
» Et le tocsin redouble au sommet de la tour!
>> Brûlante est la vapeur qui monte vers les nues,

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>> Quel horrible tumulte au milieu de ces rues !...
>> La colonne de flamme, à travers leurs contours,
>> Plus prompte que le vent, va grandissant toujours;
» Elle lèche, elle étreint les frontons, les façades,
>> S'acharne et tourbillonne autour des colonnades;

» Ici, la poutre craque et tombe le plafond ;
» Là, la fenêtre éclate et la vitre se fond, etc. »

Cette description beaucoup plus développée est jusqu'à la fin d'une saisissante vérité.

Celle du convoi funèbre n'est pas moins frappante.

« Quel bruit, en ce moment, du haut du dôme tombe ?
>> C'est la voix du trépas, c'est l'appel de la tombe!
» Accord mystérieux qui, sombre et solennel,
>> Dans son dernier voyage accompagne un mortel.
» Hélas! c'est le convoi de l'épouse adorée,

» De la mère, à l'envi, par chacun révérée !
>> Divinité farouche, impitoyable à tous,

>> La mort vient de la prendre aux bras de son époux,
>> Au milieu des enfants dont sa verte jeunesse
» Avait de l'homme aimé couronné la tendresse ;
>> Enfants que de son lait heureuse de nourrir,
>> Sur son sein maternel elle avait vu grandir !
>> Bonheur de la maison, liens de la famille,
» Hélas! à tout jamais vous voilà donc rompus!
>> Celle qui fut ta mère, ô pauvre jeune fille,

>> De ses soins incessants ne te bercera plus!
>> Elle va pour toujours dormir au cimetière !
» A sa place, demain, on verra l'étrangère,
» Au cœur vide d'amour, au parler rigoureux,
>> Venir vous régenter, orphelins malheureux ! »

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Les sons religieux de l'Angelus, la voix de la cloche lointaine ramenant vers sa demeure le paysan attardé dans les bois, ne pouvaient être oubliés dans l'œuvre de Schiller. Mais dans une note ajoutée à sa traduction, avec une réserve pleine de respect pour son modèle,

M. Demesmay complète par de très-beaux vers qui lui appartiennent tout entiers, la scène du voyageur égaré au milieu des montagnes couvertes de brouillards et de neige. Nous vous recommandons, Messieurs, la lecture de ce morceau, que les bornes de ce rapport ne nous permettent pas de vous donner.

Il nous tarde de vous citer le passage de la pièce où le traducteur nous semble s'être le mieux animé des inspirations du mattre et avoir déployé le plus d'énergie. C'est celui qui dépeint les révoltes populaires.

<< Malheur ! quand dans le sein des cités, l'étincelle
>> Qui couvait sous la cendre enfin doit éclater!

>> Le peuple rompt ses fers; dans sa force nouvelle
>> Sans frein et pour lui seul, terrible il va lutter!
>> Pour convoquer les siens aux combats de la rue,
>> Aux cordes de la cloche, en fureur, il se rue;
>> Et l'instrument de paix, de bénédiction,
» Prête une voix sauvage à la rébellion!

>> Le citoyen paisible a dû courir aux armes ;
>> La place se remplit d'une foule en alarmes ;
>> On entend invoquer ton nom, Egalité!

>> Bien haut l'on te proclame, ô sainte Liberté !

» O profanation des mots les plus sublimes !

>> Par eux l'homme enivré se livre à tous les crimes!
>> Des bandes d'assassins parcourent la cité,-

» Et l'on s'égorge au nom de la Fraternité !
» Des femmes, se parant du nom de citoyennes,
>> S'excitent aux excès, se changent en hyènes ;

>> Et mêlant l'ironie à la férocité,

» Plus d'une, on l'a pu voir, de sa dent de panthère

>> Se plaît à déchirer son ennemi par terre.

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