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dans cette production quelques traces de sentiment poétique. Par exemple cette apostrophe :

«Et toi que le regret des dons de la fortune, >> Regret pesant comme les fers,

>> Fait gémir chaque nuit et le jour importune, >> Toi qu'ont écrasé les revers,

>> Ah! secouant enfin les fanges de la ville, >> Prends le bâton du pélerin ;

>> Voici mai, vers Mouthier, viens chercher un asile, » Sur la rive, allons ce matin.

>> Des cerisiers en fleurs vois la neige odorante; >> Vois ces rocs abrupts, menaçants

» Et ce fleuve argenté qui bouillonne et serpente. » Déjà les zéphirs caressants

>> Rafraîchissent ton front, dilatent ta paupière, >> Et portent la vie en ton sein!

>> Où pourrais-tu donc mieux, oubliant ta misère, >> Entrer dans un nouveau destin?

>> De la Loue écumante écoute les cascades.... etc. »

Nous vous citerons encore une comparaison philoso phique tirée des mystérieuses profondeurs où s'amassent les eaux de la Loue avant de sortir de leur conque majestueuse, pour devenir un objet de contemplation.

Dans les cavités souterraines des rochers d'Ouhans, Dieu seul, dit l'auteur,

«Dieu seul voit s'infiltrer, lentemeut jour et nuit,

>> D'invisibles torrents dont il entend le bruit.

» Là, sa main, goutte à goutte, et de veines en veines

>> Réunit en un lac des milliers de fontaines,

>> Et quand des flots pressés bouillonne le trop plein,

>> Dans le roc entr'ouvert il leur livre un chemin.
>> Heureux serait le sort de la France et du monde,
» Si toujours le génie en sa veille féconde,

» Afin d'enrichir mieux sa virtualité,

>> De ses bonds retardait l'impétuosité,

>> Et couvant loin des yeux un trésor de pensées
>> Par un constant labeur en silence amassées,
>> Attendait pour montrer au grand jour son destin,
» Que leur flot débordât sous le souffle divin! >>>

Ce petit nombre de vers est tellement supérieur à tous ceux qui le précèdent, que nous serions tentés de les croire sortis d'une autre source, si nous n'étions bien persuadés qu'entre le concurrent et un plagiaire il y a aussi une très grande distance.

Peut-être n'eût-il fallu dans cette pièce que peu de chose encore de semblable aux deux extraits que nous venons de vous en donner, pour la rendre digne de ce qu'on appelle une mention honorable; mais l'absence de coloris dans tout le reste et les nombreuses fautes qu'on regrette d'y rencontrer ne permettent pas de lui accorder une distinction jusqu'à ce point marquée.

Rien de plus singulier, Messieurs, que la composition n° 3. Nous avions d'abord jugé convenable de ne vous en parler que pour mémoire, non par dédain assurément, mais par des considérations qu'il nous est impossible de vous exposer. Tout bien considéré, nous avons craint que cette excessive retenue ne vînt donner quelque ombrage à un homme estimable qu'il nous serait pénible d'affliger, et dont l'amour pour ses vers se

trahit jusque dans le soin qu'il prend de les numéroter d'un bout à l'autre.

Sa production porte pour épigraphe Simple et pur (c'est ma devise).

Si dans l'œuvre, le premier terme de cette devise est assez justifié, il n'en est pas tout à fait de même du second, non quant à la pensée qui certes ne blesse jamais la décence, mais dans la versification qui souvent ne satisfait ni la prosodie ni l'oreille.

Si l'Académie décernait quelques prix aux bons cœurs, nous en solliciterions un pour celui qui nous est ici révélé, et qui se dévoile surtout dans l'expression de son deuil paternel.

Le concurrent pleure depuis plusieurs années une fille chérie, une fille unique dont la mémoire lui arrache à la fin de son œuvre un cri de nature digne de sympathie. C'est pour cela que nous sentons le besoin de le féliciter d'avoir pu trouver dans son entraînement irrésistible au plaisir de rimer, un adoucissement à sa respectable douleur.

L'auteur de la pièce no 4 a donné une forme dramatique à sa composition divisée en trois chants.

Dans le premier la scène est à Paris, dont il essaie de peindre les gloires et les opprobres. En apostrophant la grande cité, féconde en contrastes frappants, il lui dit entre autres choses :

<< Chez toi les dévoûments sont sans nombre comptés,

>> Les vols audacieux sont même réputés.

» Sur le même chemin on rencontre des Afres,

>> Et d'honnêtes filous qui circulent en fiacres. »

Un peu plus haut nous trouvons pour rime à la grande capiTALE, les tours de Notre-DAME. Il y a, comme vous le voyez, dans le monde des oreilles peu difficiles sur le choix des consonnances. Mais ne nous occupons pas trop maintenant de ces bagatelles. Voyons plutôt comment nous passerons des rives de la Scine aux bords de la Loue. C'est une rencontre qui va nous y préparer.

L'auteur se promène au clair de la lune sur les quais de Paris. Il y trouve un jeune homme étendu sur le sable, mourant de misère et de désespoir, qui implore son assistance, lui apprend qu'il est enfant de la Comté, qu'aux jours de son bonheur la Loue était sa Seine; et que dans le vallon natal il partageait les travaux de ses parents, honnêtes cultivateurs; mais qu'entraîné par de faux amis et livré aux plus funestes égarements, il est venu dans la capitale achever de se perdre. C'est une nouvelle édition de l'Enfant prodigue. Mais le repentir que celui-ci manifeste lui vaut tout d'abord une bourse que lui offre son protecteur de hasard, en l'invitant à retourner bien vite dans les champs de ses pères et en lui donnant sa bénédiction.

Vous pressentez que dans le deuxième chant nous sommes conduits vers la Loue. Sa description commence par la source et suit le courant de la rivière; mais partout elle est pâle, froide et prosaïque. Ce n'est pas tout.

Murmure y rime avec écume, précipice avec précipite, spirale avec montagne, fortune avec nocturne, fêtes avec châtelaines, prêtre avec célèbre, cataractes

avec cascades; c'est désespérant. Ajoutez à tout cela une longueur interminable: nous avons compté dans ce chant plus de 330 vers. C'est vainement que l'auteur veut animer son récit d'un épisode. La légende romanesque de la belle Isaure, comtesse de Clervans dont l'amant fait naufrage dans le lac qu'on suppose avoir occupé jadis le val d'Amour, et que la châtelaine désolée serait parvenue à mettre à sec pour se venger de sa perte, ne lui fournit qu'une esquisse incolore.

Arrive le 3e chant, aussi écourté que le précédent est prolixe. C'est la faible peinture du vrai bonheur reconquis par le jeune Franc-Comtois, pour fruit des conseils et du secours qu'il a reçus dix ans auparavant sur le théâtre de ses derniers désordres. Il est marié, père de famille, ardent travailleur, en possession d'une aisance qu'il voudrait faire partager à son bienfaiteur. Celui-ci a le bon esprit de ne point accepter ce partage, et se borne à promettre qu'il reviendra de temps en temps contempler une félicité dont encore le hasard vient de le rendre témoin.

Voilà, Messieurs, en quoi consiste la composition qui porte pour épigraphe : Travail et persévérance. De louables intentions morales ne peuvent racheter les nombreux défauts de ce poème où sont tant de fois violées les plus simples règles du métier.

Il nous reste à vous entretenir de la pièce qui a fixé favorablement l'attention de l'Académie. Ici notre tâche devient beaucoup plus facile. Ce n'est pas toutefois que nous n'ayons plus à vous signaler que de beaux vers:

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