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il y a aussi des taches, des négligences dans cette composition n° 5, qui porte pour épigraphe :

« Hic Lupa ferventes volvere gaudet aquas. »

On y trouve de distance en distance des idées pareilles et dont l'expression va s'affaiblissant. Après avoir dit par exemple :

« C'est la Loue. Elle sort du fond de son domaine,

>> Entraînant avec elle un fleuve tout entier,>»

Le concurrent met plus bas :

<< Voyez elle est déjà rivière dès sa source. »>

Sans trop de sévérité, le goût peut lui reprocher de dire à la Loue qu'elle a choisi pour couler nos vallons et nos cieux, de commencer une strophe par un car, d'accumuler dans une autre les mots nappe d'eau, fleuve, bassin qui déborde, coupe pleine, cascade jetée aux gorges de Mouthier, de dire ailleurs d'un sentier qu'il chemine et rampe en serpentant, de faire respirer plutôt que soupirer la brise, enfin d'avoir commis quelques autres inadvertances. Mais on remarque dans

son

œuvre plusieurs belles strophes, de la couleur poétique, de l'harmonie, le germe d'un talent vrai qui sans doute mûrira et donnera de plus heureux fruits. Vous en jugerez, Messieurs, à la lecture de la pièce entière, qui a aussi le mérite de n'être point trop longue et qu'il sera très facile à l'auteur de rendre par des corrections plus complétement digne de vos suffrages.

C'est par ces motifs que l'Académie lui décerne une médaille d'encouragement valant moitié du prix.

Nous sommes portés à croire que deux choses essentielles ont manqué au concurrent pour traiter le sujet avec plus de succès. Il n'a pas assez vu les beautés piltoresques dont l'aspect devait l'inspirer. Il a trop tardé et par conséquent a dû se presser de mettre en œuvre ses couleurs, sans se ménager le temps d'en fondre les nuances. Mais il n'est pas le seul à qui devienne fåcheuse une précipitation que l'on excuse avec indulgence lorsqu'elle est forcée, que l'on pardonne moins facilement quand elle est volontaire, et qui trop souvent a pour cause moins la nécessité que la présomption. Maintenant qu'on ne songe plus qu'à dévorer l'espace en chemin de fer, on ne sait plus guère voyager en observateur. On ne se contente même plus du train modéré, on veut la grande vitesse. Il en est ainsi du mouvement des intelligences. Le temps n'est plus où les amants des muses pâlissaient des mois entiers sur une ode, sur un sonnet, quelquefois sur un rondeau. Il faut que le peu qui reste des disciples de Boileau en prennent leur parti. Qui peut se résoudre désormais à remettre son ouvrage tant de fois sur le métier? Les vers se font aujourd'hui de la même manière qu'on parcourt les kilomètres, à la vapeur. En poésie comme en peinture, nos jeunes artistes produisent plus de pochades que de tableaux achevés, et sur la voie du goût comme sur celle des wagons, ils ont encore une chance heureuse, lorsqu'ils approchent du but sans trop dérailler.

Nous allons terminer par la lecture de la pièce couronnée.

LA LOUE ET SES BORDS.

I.

J'ai vu la Loire, aux rives de verdure, Qui jette en se jouant sa flottante ceinture Autour d'orgueilleuses cités ;

Et le Rhin sommeillant sur son urne helvétique, A l'ombre de l'Adule antique,

Et la Garonne et ses bords enchantés ; Le Rhône qui descend, plein d'une jaune arène, De ces Alpes de neige aux célestes couleurs ; Et la Seine au flot bleu, si calme et si sereine, Qu'en la voyant rouler on devine une reine Endormie au milieu de ses îles de fleurs.

Mais c'est toi que je chante, ô rivière ignorée,
Qui, comme une écharpe azurée,

Ceins les flancs du Jura de tes plis gracieux,
Loue, ô fille du Doubs, si fière de tes ondes,
Qui creusas ton palais sous nos roches profondes
Et choisis pour couler nos vallons et nos cieux !

Car j'aime ton rivage, ô fougueuse naïade! J'aime à te voir bondir de cascade en cascade ; Tu remplis tout le val d'un murmure éternel; Et tu ressemblerais, dans ta course orageuse, Aux torrents à l'urne fangeuse,

Si tes flots transparents ne reflétaient le ciel !

Il en est bien de ceux qu'inspirait le génie,
Bien des bardes de Séquanie

Dont les lyres pour toi n'eurent jamais d'accords;
Mais moi je chanterai ton nom plein d'harmonie
A l'ombre des forêts qui pendent sur tes bords!

II.

Voyez ce rocher qui s'élance
Du sein de l'abîme béant;
On dirait le portail immense
De quelque palais de géant :
Sa crête sombre au loin domine;
Et, quand le soleil l'illumine,
Son ombre couvre tout un mont;
Dieu, couronnant sa tête altière,
Mit une forêt tout entière

Pour ombrager son large front.

Quel est ce noir séjour que la nuit sombre assiége,
Cet antre environné de festons toujours verts?
Quelle est la nappe d'eau plus blanche que la neige,
Qui tombe avec fracas de ses flancs entr'ouverts?
C'est la Loue!... Elle fut sa grotte souterraine,
Entraînant avec elle un fleuve tout entier;
Le bassin de rocher, qui la contient à peine,
Déborde en écumant comme une coupe pleine,
Et la jette en cascade aux gorges de Mouthier.

Voyez-vous d'abîme en abîme
S'engloutir l'écume des flots ?
Ecoutez ce concert sublime

Prolongé d'échos en échos!
La brume en tourbillons s'élance;
Le bois antique se balance,

Mêlant ses bruits aux bruits des eaux;

Tandis que les vagues brisées
Jettent d'éternelles rosées

Sur ses mélodieux rameaux !

On dit qu'en pénétrant sous l'arche ténébreuse
De la grotte où la Loue a creusé son palais,
On voit au pâle éclat de la torche fumeuse
Les parois s'éclairer de merveilleux reflets:
Stalactites, rochers en riches draperies,
Cristaux étincelants dans l'ombre, tout y luit;
La voûte scintillante a plus de pierreries
Qu'il n'est dans le vallon de corolles fleuries,
Qu'il n'est d'étoiles d'or au voile de la nuit.

III.

Suivez ce sentier qui chemine

Et rampe en serpentant autour de la colline;
Les bords en sont voilés d'odorants églantiers;
Mais écartez soudain ce rideau de feuillée,

Jetez les yeux au fond de la vallée:
Toute la Loue est à vos pieds!

Voyez elle est déjà rivière dès sa source;
Avant d'enfler ses eaux des tributs d'alentour,
Elle roule, et déjà rien n'arrête sa course,
Et sa vague puissante anime tour à tour,
Le rustique moulin dont la roue écumante

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