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ne sont pas appelés à prendre part à l'élection des membres de l'assemblée;

Que, toutes circonstances égales d'ailleurs, cette probabilité augmente quand l'assemblée devient plus nombreuse;

Que, dans l'hypothèse (destinée peut-être à demeurer longtemps à l'état d'utopie) où la décision de l'assemblée serait soustraite à l'influence des passions et des préjugés politiques, la probabilité de la bonté de l'appréciation qui la motive croîtrait avec le nombre des votants, au moins jusqu'à de certaines limites;

Que si, pour rentrer dans le vrai, on tient compte de cette influence, l'augmentation du nombre des votants aura pour effet de rendre plus probable, non pas précisément la bonté de l'appréciation, mais sa con

formité avec l'appréciation qui serait faite par le pays

soumis aux mêmes influences, si le pays pouvait être directement consulté.

On conçoit donc de toutes manières l'intervention d'assemblées nombreuses dans les résolutions législatives, toutes les fois que ces résolutions se rattachent à un jugement d'appréciation, lequel ne se résout point dans une suite d'abstractions et de constructions logiques. Mais, s'il s'agit de combiner, d'organiser logiquement les conséquences d'un principe, qu'est-il besoin d'insister sur ce qui est devenu pour tout le monde l'objet d'observations quotidiennes, à savoir, que les nombreuses assemblées ont à surmonter des difficultés inextricables, pour mener une pareille tâche à bonne fin?

On a vu des assemblées nombreuses trouver pour de généreuses résolutions, pour des actes de haute poli

tique, la vigueur, la décision, et même la sûreté de jugement, la netteté de vues qui eussent manqué à une réunion de quelques habiles personnages assis autour d'un tapis vert. Pourquoi parler des assemblées, quand la place publique nous offre l'exemple des mêmes faits sur une bien plus grande échelle? Le bon sens du peuple n'est-il pas passé en proverbe? Et qu'entend-on par son bon sens, sinon la rectitude habituelle de son jugement instinctif, quand il n'est pas livré à ces émotions violentes qui en font momentanément un instrument aveugle de destruction?

286. Les anciens avaient très-bien compris cela, et chez les Romains notamment, le peuple répondait par oui ou par non, comme nos jurés, à la proposition (rogatio) d'un magistrat dont la loi prenait le nom, parce qu'il en était regardé comme le rédacteur et l'auteur. On ne s'avisait pas de discuter des amendements au forum : le peuple acceptait ou rejetait le tout, comme il est quelquefois censé faire de nos jours, pour ces lois réputées fondamentales, qu'on appelle des constitutions. Ce rôle de jury national ne serait-il pas le rôle naturel des assemblées politiques modernes, qui participent à la fois (il faut bien le reconnaître) des qualités et des défauts des grands comices populaires chez les peuples de l'antiquité? La bonne organisation du pouvoir législatif n'exigerait-elle pas que l'on concentrât davantage le travail logique de la rédaction et de la coordination des lois, et qu'on le séparât mieux de la fonction qui consiste dans une appréciation instinctive et consciencieuse? On ne doit pas s'attendre à voir des questions si graves et si complexes traitées

ici incidemment, avec l'intention sérieuse de réclamer des innovations ou d'indiquer des réformes. Personne ne respecte plus que nous l'esprit pratique, et n'est plus frappé de l'intervalle immense qui se trouve entre la conception d'une idée, d'une forme abstraite, et son application dans les réalités de la vie. Mais d'un autre côté, toute conception abstraite ou philosophique est susceptible de conséquences pratiques qui peuvent servir de contrôle et d'épreuve pour juger de la valeur même de l'idée, et qu'à ce titre du moins il n'est pas inutile de faire apercevoir. C'est dans le même but, et avec la même réserve, que nous allons traiter rapidement de quelques questions non moins graves que soulève l'organisation du pouvoir judiciaire, en montrant par quel côté ces questions se rattachent aux points de logique qui nous intéressent.

CHAPITRE XIX.

APPLICATION A L'ORGANISATION JUDICIAIRE, ET NOTAMMENT
A LA DISTINCTION DES QUESTIONS DE FAIT ET DE DROIT.

287. Nous parlerons d'abord de la justice criminelle, dont l'administration tient de bien plus près que celle de la justice civile au mode d'organisation pol:tique. Non-seulement la vie, l'honneur, la liberté dcs citoyens sont des biens plus précieux que ceux qui peuvent faire l'objet de contestations civiles, mais encore la confusion qui a si longtemps régné entre les crimes publics et les crimes privés aurait livré au pouvoir judiciaire toutes les institutions du pays, si dans les États libres on n'avait pris à tâche de limiter les attributions du magistrat criminel. Partout au contraire où le despotisme s'est identifié avec les mœurs nationales, l'administration de la justice criminelle a été une pure émanation du pouvoir despotique. Les délégués du maître infligent des peines corporelles ou pécuniaires, sans qu'on puisse craindre que leur ignorance ou leur partialité, préjudiciables à quelques individus, altèrent la constitution politique.

Personne n'ignore que les Anglais ont toujours regardé l'intervention des jurés en matière criminelle comme le gage de leur liberté politique, et que l'un des premiers actes de l'Assemblée constituante a été d'établir (ou, si l'on veut, de rétablir) en France l'ins

T. II.

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titution du jury en matière de grand criminel. Cette institution est du nombre de celles qui, ayant persisté malgré toutes les réactions politiques, peuvent être actuellement considérées comme faisant partie du droit constitutionnel ou fondamental du pays.

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288. Toutefois, dans le but que nous nous proposons ici, qui est d'examiner, sous certains rapports abstraits et théoriques, une institution sur laquelle on a déjà tant disserté, commençons par écarter cette idée de jugement par pairs, résurrection artificielle des traditions d'un autre âge, qui peut-être n'ont jamais été bien rigoureusement conformes à la réalité historique. En effet, si, tandis que l'institution du jury se perpétuait en Angleterre, les autres nations de l'Europe occidentale (issues aussi des tribus germaniques, ou longtemps façonnées à leur domination et imprégnées de leur esprit) laissaient tranquillement les corps de judicature s'attribuer en matière criminelle un pouvoir souverain, c'était le résultat naturel de l'adoucissement des mœurs et des progrès de la société. Il ne s'agissait plus, comme dans les temps barbares, ou même comme dans les républiques de l'antiquité, de meurtres, de viols, de pillages à main armée, de concussions et de corruptions patentes de la part des principaux personnages. Déjà, sauf de rares exceptions, la classe des malfaiteurs ne se recrutait plus dans les rangs élevés de la société. Là où les passions politiques étaient éteintes, où l'inquisition n'était point parvenue à établir ses redoutables tribunaux, la chance de tomber victime d'une accusation calomnieuse et capitale était si faible, que la généralité des citoyens devait peu se préoccuper du soin d'obtenir des garanties

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