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sont de nature à exercer une influence sensible sur tous les âges suivants, ou dont l'influence exigerait, pour s'effacer, des périodes de temps dont nous n'avons pas à nous occuper. Et, d'un autre côté, l'histoire politique est un théâtre où les jeux de la fortune, quelque fréquents et surprenants qu'ils soient, ne se répètent pas encore assez, ou se répètent dans des circonstances trop dissemblables, pour que l'on puisse avec certitude, ou avec une probabilité suffisante, dégager des perturbations du hasard des lois constantes et régulières. Aussi une telle histoire peut bien avoir sa philosophie, mais non sa formule scientifique. Elle peut avoir sa philosophie; car le sens philosophique démêle des causes de natures diverses, les unes permanentes, les autres accidentelles, et reconnaît la tendance qu'elles ont à se subordonner les unes aux autres, sans toutefois pouvoir donner à ses aperçus l'évidence démonstrative: et, tandis que dans les choses qui sont du ressort de la statistique, on peut recommencer la série des épreuves, et confirmer ainsi la vérité des résultats déjà mis en évidence par des observations antérieures, de manière à arriver à la certitude scientifique, il serait contraire au mode de succession des phases historiques de se prêter à cette expérience confirmative. En conséquence, le passé, si bien expliqué qu'il soit ou qu'il paraisse être, ne projette jamais sur l'avenir qu'une lueur singulièrement indécise, non-seulement quant aux accidents de détail, mais quant aux résultats généraux, que peuvent toujours modifier et même complétement changer des accidents imprévus, comme ceux qui ont modifié, dans son ensemble, la série des événements antérieurs.

D'ailleurs, si l'histoire pragmatique ne peut jamais devenir une science, il est tout simple qu'on trouve, dans certaines branches de nos connaissances, la forme scientifique unie à un fond de recherches historiques. La numismatique, par exemple, revêt les formes d'une science, a ses règles, ses principes, ses classifications, quoique le fond en soit tiré de l'histoire, et qu'elle n'ait guère d'utilité qu'autant qu'elle sert à l'éclaircissement de l'histoire. Aussi pourrait-on éprouver quelque embarras à la ranger dans un système encyclopédique, et se déterminer diversement, suivant qu'on attacherait plus d'importance au fond ou à la forme; mais cela ne prouve que l'insuffisance de nos classifications artificielles et n'intéresse en rien le fond des choses.

519. Nous devons insister davantage sur ces deux expressions d'histoire naturelle et de sciences naturelles, dont l'emploi simultané semble tenir à une distinction essentielle qu'il importe d'éclaircir. En effet, ce 'n'est pas sans raison qu'on a donné jusqu'ici le nom d'histoire à la description, ou du moins à certaines parties de la description de la nature. Prenons pour terme de comparaison la géographie physique: à la vue d'un globe terrestre où sont dessinés les contours des continents et des mers, tels qu'ils ont été arrêtés à la suite des dernières révolutions de notre planète, par le concours d'une multitude de causes ayant une sphère d'activité et un degré de généralité ou de particularité très-variables, on n'est frappé d'abord que des irrégularités capricieuses; puis, d'un examen plus attentif ressortent certains aperçus généraux, certaines conformités ou ressemblances singulières dans les articu

lations ou les terminaisons des continents 1. Qu'y a-t-il de fortuit dans ces ressemblances, qu'y a-t-il d'imputable à l'action d'une cause générale? De quelle manière faut-il grouper et subordonner ces faits les uns aux autres? L'esprit hésite plus ou moins, suivant qu'il a plus de circonspection ou de hardiesse. Les faits de même genre sont trop peu nombreux pour que l'élimination des causes accidentelles et perturbatrices puisse se faire avec certitude; la statistique est inapplicable, la théorie vraiment scientifique n'est point possible, mais l'induction philosophique ne saurait être pour cela négligée (42). On passe de la pure description qui n'est point une science, qui s'applique à un ordre de connaissances comparable à tous égards à la connaissance historique et à des faits qui ne peuvent s'expliquer que par des précédents historiques; on passe de là, disons-nous, à la spéculation philosophique, et la force des choses y conduit, omisso medio, sans passer par l'intermédiaire de la formule scientifique.

Il ne faut pas confondre les sciences naturelles descriptives avec l'histoire de la nature. L'anatomie descriptive est une science: car elle emploie des classifications et des liens systématiques qui relèvent principalement des lois générales et constantes de l'organisation, des conditions d'unité et d'harmonie de l'organisme, et non des faits accidentels et des précédents dont l'histoire donnerait la clef. Si l'observation des

1 Ces analogies (instantiæ conformes), qui donnent lieu à ce qu'on pourrait appeler la philosophie géographique, ont été très-bien signalées par Bacon (Nov. Org., lib. 1), en même temps que les analogies dans la composition des membres des animaux vertébrés, lesquelles ont servi de point de départ à la philosophie anatomique.

faits conduit à une philosophie anatomique, elle n'y conduit ou ne doit y conduire que médiatement, après que les faits ont reçu la coordination scientifique dont ils sont susceptibles; tandis qu'en ce qui touche la distribution géographique des animaux et des plantes, l'association des substances minérales dans les roches et dans les filons, la distribution des corps célestes et de leurs orbites dans les champs de l'espace, et bien d'autres sujets que nous ne pouvons même effleurer, il y a une multitude de faits dont la raison est purement historique; qui se lient historiquement (314) et non scientifiquement les uns aux autres; que la philosophic groupe, comme tous les faits de l'histoire proprement dite, d'après des inductions probables, sans pouvoir les soumettre à des lois précises, susceptibles de confirmation expérimentale, comme les faits qui servent de base aux sciences positives. En conséquence, à côté de la théorie de la gravitation universelle viendra sc placer une histoire naturelle du ciel et des astres; à côté de la physique, de la chimie, de la cristallographie, une histoire naturelle de la terre, des couches, des roches, des filons et des gisements des minéraux; à côté de la physiologie végétale et animale, une histoire naturelle des plantes et des animaux. Les genres seront souvent confondus dans les mémoires et dans les compositions didactiques : mais d'autres fois la séparation sera mieux marquée; et, lors même que le mélange serait inévitable, il faudrait encore, pour l'intelligence philosophique du tout, que la raison se rendit compte du principe de la distinction générique.

CHAPITRE XXI.

DU CONTRASTE DE LA SCIENCE ET DE LA PHILOSOPHIE,
ET DE LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES.

320.-Mettons pour un moment de côté toutes les considérations théoriques qui ont fait jusqu'ici l'objet de ce livre; parcourons rapidement de la pensée le tableau historique de la marche de l'esprit humain; et pour peu que nous voulions y prendre garde, nous serons frappés des contrastes que ce tableau nous offre entre deux ordres de spéculation que, dans la langue commune, alors qu'on ne vise pas à une précision dogmatique, on s'accorde à désigner sous les noms de science et de philosophie : la science, qui part de certaines notions premières, communes à tous les hommes, et les combine pour former un corps de doctrine à l'aide des seules forces de la raison, ou bien qui recueille des observations, des expériences, à l'aide desquelles on a pu s'élever jusqu'à la découverte des lois auxquelles sont soumis certains phénomènes; la philosophie, qui disserte sur l'origine de nos connaissances, sur les principes de la certitude, et qui cherche à pénétrer dans la raison des faits sur lesquels porte l'édifice des sciences positives.

La marche des sciences est essentiellement progressive; les faits nouveaux qu'elles constatent servent de point de départ pour en découvrir d'autres : il n'y a

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