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dence démonstrative 1. Toutefois, de ce que Copernic se serait trompé s'il avait voulu soutenir contre Kant que ses idées sur l'espace et le mouvement des corps étaient vraies d'une vérité absolue, s'ensuit-il qu'il se trompât en soutenant, contre Ptolémée, que le soleil est en repos et que la terre est en mouvement? Nous pouvons très-bien croire, contrairement à l'assertion de Kant, que nos représentations se règlent sur les phénomènes, et non les phénomènes sur nos représentations, c'est-à-dire que l'ordre qui est dans nos représentations vient de l'ordre qui est dans les phénomènes, et non pas inversement, sans croire pour cela que les facultés que nous tenons de la nature aient été constituées de manière à saisir les premiers principes et la raison fondamentale de l'ordre des phénomènes. Pour faire la part de ce qui tient à la nature des choses perçues et de ce qui tient à l'organisation

Cependant Pascal avait dit : «Tous les principes sont vrais, des pyrrhoniens, des stoïques, des athées, etc.; mais leurs conclusions sont fausses, parce que les principes opposés sont vrais aussi. » Ce fragment remarquable, imprimé pour la première fois par M. Prosper Faugère, se trouve à la page 92, tome II, de son édition. Les premiers éditeurs, jansénistes et cartésiens, l'auront apparemment supprimé, parce qu'ils ne pouvaient pas admettre que des principes opposés (la thèse et l'antithèse, comme dit Kant) eussent la vertu d'être également vrais ou de s'imposer avec la même évidence à la raison. Tout le fond des pensées de Pascal roule sur les contradictions de la raison; mais il s'en faut bien qu'il ait mis à les définir et à les classer le soin et la précision que Kant y a mis plus d'un siècle après. Il y a de tout point beaucoup d'analogie entre la philosophie de Pascal et celle de Kant. Celui-ci se sauve, c'est-à-dire se prémunit contre les doctrines désolantes, en opposant la raison pratique à la raison spéculative; tandis que Pascal oppose la foi religieuse à la raison, et veut qu'on arrive à la foi par la pratique; en quoi (il faut le reconnaître) il montre un sentiment plus vrai et plus profond des conditions et des besoins de la nature humaine.

de nos facultés, il faut que l'induction intervienne; il faut juger, comme l'a dit Bacon, ex analogia universi; il faut renoncer aux démonstrations apodictiques, à l'emploi du principe de contradiction; il faut admettre un genre de preuve que Kant excluait, dont sa logique inflexible et formaliste ne lui suggérait même pas l'idée, et dont l'omission devait, malgré tous ses efforts, l'entraîner vers un scepticisme absolu.

395. Nous terminerons cette excursion si rapide, et pourtant déjà si longue, dans l'immense histoire des tentatives et des systèmes de l'esprit humain, à propos d'une question dont toutes les autres relèvent. Nous n'entreprendrons pas de passer en revue les systèmes plus modernes qu'a produits le mouvement philosophique en Allemagne, à la suite de la réforme de Kant, et dont la hardiesse aventureuse contraste si fort avec ces promesses de police sévère et de soigneuse répression de toute entreprise hasardée, que contenait le livre de la Critique de la raison pure. Kant s'était proposé de démontrer l'impossibilité de passer légitimement de la description des lois et des formes de l'entendement à des affirmations sur la manière d'être des choses en elles-mêmes; il avait surtout réussi à prouver catégoriquement que l'absolu nous échappe; et après lui, tous les efforts des métaphysiciens ont eu pour but ce qu'ils appellent le passage du subjectif à l'objectif, et la compréhension de l'absolu. On s'est épuisé en analyses toujours subtiles, souvent obscures, quelquefois profondes, pour tirer le non-moi du moi, pour identifier l'intelligence et la nature, pour créer le monde par la force de la logique et par la vertu des idées. D'autres ont cru qu'il fallait revenir à l'observa

tion psychologique, décrire les phénomènes de conscience plus complétement que Kant ne l'avait fait, et de manière à y trouver ce qu'il avait déclaré impossible qu'on y trouvât, à savoir : ce passage si désiré, et ce moyen de conclure valablement d'un ordre de phénomènes intérieurs à un ordre de vérités et de réalités extérieures. Mais, encore une fois, notre intention n'est point d'entrer dans la discussion de ces théories de date récente. Il faut que toute controverse ait un terme, sous peine de fatiguer la patience du lecteur le plus favorable. D'ailleurs un auteur inconnu a toujours mauvaise grâce à mettre ses opinions personnelles directement aux prises avec celles que des contemporains ont soutenues de la vigueur de leur talent et de l'autorité de leur nom. Il n'a que le droit de les proposer avec modestie, et d'exposer de son mieux les raisons qui l'ont persuadé. Nous les avons développées dans cet ouvrage, non sans y mêler quelques digressions; il ne nous reste plus, pour préparer autant qu'il dépend de nous le jugement du lecteur, qu'à les resserrer dans un résumé rapide.

1 Voyez le jugement qu'en a porté Jouffroy (préface de la traduction française des OEuvres de Reid, p. cxcn).

CHAPITRE XXV.

RÉSUMÉ.

396. Après tous les développements dans lesquels nous sommes entré, après toutes les applications que nous avons essayé de faire, si nous voulons résumer en quelques pages la doctrine qui fait la substance de ce livre, il faudra d'abord rappeler cette phrase de Bossuet, que nous avons déjà citée (17) : « Le rapport de la raison

et de l'ordre est extrême. L'ordre ne peut être remis <dans les choses que par la raison, ni être entendu que < par elle: il est ami de la raison et son propre objet. » En effet, l'on a pu voir, par tout ce qui précède, qu'il y a les rapports les plus intimes entre l'idée de l'ordre et l'idée de la raison des choses, ou plutôt que c'est la même idée sous deux aspects différents. Concevoir qu'un fait est la raison d'un autre fait, qu'une vérité procède d'une autre vérité, ce n'est autre chose que saisir des liens de dépendance et de subordination, c'est-à-dire saisir ún ordre entre des objets divers; et cette dépendance ne nous frappe, n'est aperçue par nous, que parce que nous avons la faculté de comparer et de préférer un arrangement à un autre, comme plus simple, plus régulier et par conséquent plus parfait; en d'autres termes, parce que nous avons l'idée de ce qui constitue la perfection de l'ordre, et parce qu'il est de l'essence de notre nature raisonnable de croire que la

nature a mis de l'ordre dans les choses, et de nous croire d'autant plus près de la véritable explication des choses, que l'ordre dans lequel nous sommes parvenus à les ranger nous semble mieux satisfaire aux conditions de simplicité, d'unité et d'harmonie qui, selon notre raison, constituent la perfection de l'ordre.

Cette idée de l'ordre et de la raison des choses ne doit pas se confondre avec l'idée de l'enchaînement des causes et des effets: car elle trouve son application dans des choses et pour des vérités qui ne dépendent pas les unes des autres de la même manière qu'un effet dépend de sa cause active ou efficiente. Ce n'est donc point par le genre d'observation et par les témoignages de conscience qui nous suggèrent les notions de cause et d'effet, qu'on peut expliquer l'idée qui est en nous de l'ordre et de la raison des choses. Cette idée est le principe même de toute philosophie, le but final et suprême de toute spéculation philosophique, ce qui caractérise éminemment l'esprit de curiosité philosophique, et ce qui donne, à des degrés divers, une empreinte philosophique à tous les travaux de la pensée, dans les choses de goût et d'imagination, comme dans celles qui sont du ressort de l'érudition et de la science.

397. L'idée de l'ordre et de la raison des choses est surtout le fondement de la probabilité philosophique, de l'induction et de l'analogie. Assigner une loi aux phénomènes, c'est tirer d'un principe simple la raison des apparences variées et multiples qui nous frappent d'abord; c'est mettre de l'ordre dans la confusion des apparences: en sorte que l'idée de loi, dans sa plus haute généralité, telle qu'elle a été saisie par le génie de Montesquieu au début de son immortel ouvrage,

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