tion que Virgile? Que penseront-ils de Voiture, qui n'a point fait conscience de rire aux dépens du célébre Neuf-Germain, quoique également recommandable par l'antiquité de sa barbe et par la nouveauté de sa poésie? Le banniront-ils du Parnasse, lui et tous les poëtes de l'antiquité, pour établir la sûreté des sots et des ridicules? Si cela est, je me consolerai aisément de mon exil: il y aura du plaisir à être relégué en si bonne compagnie. Raillerie à part, ces messieurs veulent-ils être plus sages que Scipion et Lélius, plus délicats qu'Auguste, plus cruels que Néron? Mais eux, qui sont si rigoureux envers les critiques, d'où vient cette clémence qu'ils affectent pour les méchants auteurs? Je vois bien ce qui les afflige: ils ne veulent pas être détrompés. Il leur fache d'avoir admiré sérieusement des ouvrages que mes satires exposent à la risée de tout le monde, et de se voir condamnés à oublier dans leur vieillesse ces mêmes vers qu'ils ont autrefois appris par cœur comme des chefs-d'œuvre de l'art. Je les plains sans doute: mais quel remède? Faudra-t-il, pour s'accommoder à leur goût particulier, renoncer au sens commun? Faudra-t-il applaudir indifféremment à toutes les impertinences qu'un ridicule aura répandues sur le papier? Et, au lieu qu'en certains pays (') on condamnoit les méchants poëtes à effacer leurs écrits avec la langue, les livres deviendront-ils désormais un asile inviolable où toutes les sottises auront droit de bourgeoisie, où l'on n'osera toucher sans profanation? (1) Dans le temple qui est aujourd'hui l'abbaye d'Ainay à Lyon. 36 DISCOURS SUR LA SATIRE. J'aurois bien d'autres choses à dire sur ce sujet; mais, comme j'ai déja traité de cette matière dans ma neuvième satire, il est bon d'y renvoyer le lecteur. SATIRE I. Damon (1), ce grand auteur dont la muse fertile Mais qui, n'étant vêtu que de simple bureau, N'en sont pas mieux refaits pour tant de renommée; L'enferme en un cachot le reste de sa vie, Ou que d'un bonnet vert (2) le salutaire affront (1) J'ai eu en vue Cassandre, celui qui a traduit la Rhétorique d'Aristote. (2) Du temps que cette satire fut faite, un débiteur insolvable pouvoit sortir de prison en faisant cession, c'est-à-dire en souffrant qu'on lui mît en pleine rue un bonnet vert sur la tête. Flétrisse les lauriers qui lui couvrent le front. Mais, le jour qu'il partit, plus défait et plus blême Puisqu'en ce lieu, jadis aux muses si commode, Allons du moins chercher quelque antre ou quelque roche, Et, quand je le pourrois, je n'y puis consentir. Mais pourquoi, dira-t-on, cette vertu sauvage D'un pédant, quand il veut, sait faire un duc et pair(2). Tel aujourd'hui triomphe au plus haut de sa roue, (1) Procureur très décrié, qui a été dans la suite condamné à faire amende honorable, et banni à perpétuité. (2) L'abbé de La Rivière, dans ce temps-là, fut fait évêque de Langres. Il avoit été régent dans un collège. |