ce que toriens qui racontent, expoferont bien tout ce qui s'eft paffé en France depuis la fameufe Paix des Pirénées, tout le Roi a fait pour rétablir dans fes Etats l'ordre, les Loix, la Difcipline: Quand ils compteront bien toutes les Provinces que dans les guerres fuivantes il a ajoûtées à fon Roïaume, toutes les Villes qu'il a conquifes, tous les avantages qu'il a eûs, toutes les victoires qu'il a remportées fur fes Ennemis: l'Efpagne, la Hollande, l'Allemagne, l'Europe entière trop foible contre lui feul, une guerre toûjours féconde en profperités, une paix encore plus glorieufe: Quand, dis-je, des plumes fincères, & plus foigneufes de dire vrai que de fe faire admirer, articuleront bien tous ces faits difpofés dans l'ordre des tems, & accompagnés de leurs veritables circonftances; qui eft-ce qui en pourra disconvenir, je ne dis pas de nos Voifins, je ne dis pas de nos Alliés, je dis de nos Ennenis mêmes? Et quand ils n'en voudroient pas tomber d'accord, leurs puiffances diminuées, leurs États refferrés dans des bornes plus étroites, leurs plaintes, leurs jaloufies, leurs fureurs, leurs invectives même ne les en convaincront-ils pas malgré eux? Pourront-ils nier, que l'année même où je parle, ce Prince voulant les contraindre d'accepter la Paix qu'il leur offroit pour le bien de la Chrétienté, il a tout-à-coup, & lors qu'ils le publioient entierement épuisé d'argent & de forces, il a, disje, tout-à-coup fait fortir comme de terre dans les Païsbas deux Armées de quarante mille hommes chacune, & les y a fait fubfifter abondamment malgré la difette des fourages & la féchereffe de la faifon? Pourront-ils nier, que tandis qu'avec une de fes Armées il faifoit affiéger Luxembourg, lui-même avec l'autre, tenant toutes les Villes du Hainaut & du Brabant comme bloquées; par cette conduite toute merveilleufe, ou plûtôt par une efpèce d'enchantement, femblable à celui de 9 cette Tête fi 9. Cette Tête fi célèbre.) La Tête de Médufe. célè 10. Cet célèbre dans les Fables, dont l'afpect convertiffoit les hommes en rochers, il a rendu les Espagnols immobiles fpectateurs de la prise de cette Place fi importante, où ils avoient mis leur dernière reffource: Que par un effet non moins admirable d'un enchantement fi prodigieux, ΙΟ cet opiniâtre Ennemi de fa gloire, cet induftrieux Artifan de ligues & de querelles, qui travailloit depuis fi long-tems à remuer contre lui toute l'Europe, s'eft trouvé lui-même dans l'impuissance, pour ainfi dire, de fe mouvoir; lié de tous côtés, & réduit, pour toute vengeance, à femer des libelles, à pouffer des cris & des injures? Nos Ennemis, je le répète, pourront-ils nier toutes ces choses? Pourront-ils ne pas avoüer, qu'au même tems que ces merveilles s'exécutoient dans les Païs-bas, notre Armée navale fur la Mer Méditerranée, après avoir forcé Alger à demander la paix, faifoit fentir à Gènes, par un exeinple à jamais terrible, la jufte punition de fes infolences & de fes perfidies; enfeveliffoit fous les ruïnes de fes Palais & de fes Maisons cette fuperbe Ville, plus aisée à détruire qu'à humilier? Non fans doute, nos Ennemis n' oferoient démentir des vérités fi reconnues; fur tout, lors qu'ils les verront écrites avec cet air fimple & naïf, & dans ce caractère de fincerité & de vraisemblance, qu'au défaut des autres chofes je ne desefpere pas abfolument de pouvoir, au moins en partie, fournir à l' Hiftoire. Mais comme cette fimplicité même, toute ennemie qu'elle eft de l'oftentation & du faste, a pourtant fon art, fa méthode, fes agrémens; où pourrois-je mieux puifer cet art & ces agrémens, que dans la fource même de toutes les délicatesses; dans cette Académie, qui tient depuis fi long-tems en fa poffeffion tous les thréfors, toutes les richesses de notre Langue? C'eft done, MESSIEURS, ce que j'espère aujourd'hui trouver parmi vous; c'est ce E 4 10. Cet opiniâtre Ennemi de fa gloire.) Le Prince d'Orange, Guil que laume de Naffau, depuis Roi d'Angleterre. 72 REMERCIM. A MESS. DE L'ACADEMIE. que j'y viens étudier, c'eft ce que j'y viens apprendre. Heureux! fi par mon affiduité à vous cultiver, par mon adreffe à vous faire parler fur ces matières, je puis vous engager à ne me rien cacher de vos connoiffances & de vos fecrets. Plus heureux encore! fi par mes refpects, & par mes fincères foûmiffions, je puis parfaitement vous convaincre de l'extrème reconnoiffance, que j'aurai toute ma vie de l'honneur inefperé que vous m'avez fait. DISCOURS DISCOURS SUR LE STILE DES INSCRIPTIONS. M. CHARPENTIER de l'Académie Françoise, aïant compofe des Infcriptions pleines d'emphase, qui furent mifes par ordre du Roi au bas des Tableaux des Victoires de ce Prince, peints dans la grande Galerie de Versailles par M. LE BRUN; M. de Louvois, qui fucceda à M. COLBERT dans la Charge de Sur-Intendant des Bâtimens, fit entendre à Sa Majesté, que ces Infcriptions déplaifoient fort à tout le monde; & pour mieux lui montrer, que c'étoit avec raifon, me pria de faire fur cela un mot d'écrit qu'il pût montrer au Roi. Sa Majesté lût cet Ecrit avec plaifir, & l'approuva. De forte que la faifon Pappellant à Fontainebleau, il ordonna qu'en fon abfence on otât toutes ces pompeufes déclamations de M. Charpentier, & qu'on y mit les Infcriptions fimples, qui y font; que nous compofames presque fur le champ, M. RACINE & moi, & qui furent approuvées de tout le monde. C'eft cet Ecrit, fait à la priere de M. de Louvois, que je donne ici au Public. Lemiere La pompe, ni la multitude des paroles es Infcriptions doivent être fimples, courtes, & familières. n'y valent rien, & ne font point propres au ftile grave, qui eft le vrai ftile des Infcriptions. Il eft abfurde de faire une déclaination autour d'une Médaille, ou au bas d'un Tableau; fur tout lors qu'il s'agit d'actions comme celles du Roi, qui étant d'elles-mêmes toutes grandes & toutes merveilleuses, n'ont pas befoin d'être exagerées. Il fuffit d'énoncer fimplement les chofes pour les faire admirer. Le paffage du Rhin dit beaucoup plus, que le merveilleux paffage du Rhin. L'Epithète de merveilleux en cet endroit, bien loin d'augmenter l'action, E5 la di la diminuë, & fent fon déclamateur qui veut groffir de petites chofes. C'est à l'Infcription à dire, voilà le pafJage du Rhin; & celui qui lit, saura bien dire fans elle, Le paffage du Rhin eft une des plus merveilleuses actions qui aient jamais été faites dans la guerre. Il le dira même d'autant plus volontiers, que l'Infcription ne l'aura pas dit avant lui; les hommes naturellement ne pouvant fouffrir qu'on prévienne leur jugement, ni qu'on leur impofe la néceffité d'adınirer ce qu'ils admireront affez d'eux-mêmes.. D'ailleurs, comme les Tableaux de la Galerie de Verfailles font des espèces d'Emblêmes heroïques des actions du Roi, il ne faut dans les règles que mettre au bas du Tableau le fait hiftorique, qui a donné occafion à l'Emblême. Le Tableau doit dire le refte, & s'expliquer tout feul. Ainfi, par exemple, lors qu'on aura mis au bas du premier Tableau, Le Roi prend lui-même la conduite de fon Roiaume, & fe donne tout entier aux affaires, 1661. il fera aifé de concevoir le deffein du Tableau, où l'on voit le Roi fort jeune, qui s'éveille au milieu d'une foule de Plaifirs dont il eft environné, & qui tenant de la main un timon, s'apprête à fuivre la Gloire qui l'appelle, &c. Au refte, cette fimplicité d'Infcriptions eft extrèmement du goût des Anciens, comme on le peut voir dans les Médailles, où ils fe contentoient fouvent de mettre pour toute explication la date de l'action, qui eft figurée, ou le Confulat fous lequel elle a été faite, ou tout au plus deux mots, qui apprennent le fujet de la Médaille. I Il eft vrai, que la Langue Latine dans cette fimplicité a une nobleffe & une énergie, qu'il eft difficile d'attraper ,,Je n'aurai pas grand' 1. Qu'il eft difficile d'attraper en 1705. notre Langue.) La raison de cela eft,,peine à me déterminer là-deffus, bien expliquée dans une Lettre que puisque je fuis entierement déclal'Auteur m'écrivit le 15. de Mai, „ré pour la Langue Latine, qui est |