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sujet; mais il a donné en plusieurs endroits de ses ouvrages des définitions d'un hérétique (1). « Un hérétique, dit-il dans son livre de l'Utilité de la foi, à mon avis, est celui qui invente ou qui suit de nouvelles opinions, en vue de quelque intérêt temporel, et principalement pour acquérir de la gloire ou du pouvoir.» Saint Augustin semble supposer dans cette définition qu'une personne ne peut être hérétique qu'il n'y entre quelque vuc temporelle ou quelque mauvaise volonté. C'est pourquoi il ne veut pas (2) « qu'on mette au rang des hérétiques ceux qui ont un avis faux et erroné, mais qui ne le défendent pas avec obstination, principalement quand ils ne l'ont pas inventé par une hardic présomption, mais qu'ils l'ont reçu de leurs pères, qui séduits, étaient tombés dans l'erreur, et qu'ils cherchent la vérité avec toute la précaution et tout le soin possible, prêts à se corriger quand ils l'auront trouvée. »>

C'est pourquoi ce même saint écrivant à Vincent Victor, qui avait avancé plusieurs erreurs dans son livre de l'Origine de l'âme (3): «Ne croyez pas, lui dit-il, qu'ayant ces sentiments, vous soyez déchu de la foi catholique, quoiqu'ils soient opposés à la foi catholique, si vous croyez devant Dicu, qui connaît tous les cœurs, que vous avez dit la vérité, et que vous ne vous arrêticz point trop à votre sens, prêt à abandonner votre avis, si on découvre qu'il n'est pas probable, et dans la disposition de condamner votre propre jugement et d'embrasser ce qui est plus véritable et plus sûr. Car cet esprit est catholique, même à l'égard des choses qui ne sont pas catholiques, que vous avancez par ignorance.» Saint Augustin pousse si loin cette maxime, qu'il l'applique à un homme de la communion de l'Eglise qui serait dans l'erreur de Photin, croyant que c'est la doctrine catholique. « Je n'oserais pas (4), dit-il, dire cet homme hérétique, si ce n'est que quand on lui a découvert la doctrine catholique, il n'aime mieux résister à la vraie foi,

(1) Idem, lib. de Utilit. cred. ad Honoratum, initio. Quandoquidem hæreticus est, ut mea fert opinio, qui alicujus temporalis commodi et maxime gloriæ principatusque sui gratia, falsas ac novas opiniones vel gignit vel sequitur.

(2) Idem, Ep. 43, olim 162, initio. Qui sententiam suam quamvis falsam atque perversam, nulla pertinaci animositate defendunt, pr.esertim quam non audacia præsumptionis suæ pepererunt, sed a seductis atque in errorem lapsis parentibus acceperunt, quærunt autem cauta sollicitudine veritatem, corrigi parati, cum invenerint, nequaquam sunt inter hæreticos deputandi.

(5) Idem, li». ui, de anima, sub finem. Absit autem ut te arbitreris hæc opinando, a fide catholica recessisse, quamivis ea fidei sint adversa catholicæ; si coram Deo, cujus in nullius corde oculus fallitur, veraciter te dixisse respicis, « non te tibi ipsi esse credulum probari eaque dixeris posse; ac studere le semper etiam propriam sententiam nou tueri, si improbabilis detegatur, eo quod sit tibi cordi, proprio damnato judicio, meliora magis et quæ sint veriora sectari. » Iste quippe animus etiam in dictis per ignoran tiain non catholicis, ipsa est correctionis præmeditatione ac præparatione catholicus.

(4) idem, lib. IV, de Bapt. contra Donatist., cap. 16. Constituamus ergo duos aliquos isto modo, unum eorum, verbi gratia, id sentire de Christo quod Photinus opinatus est, et in ejus hæresi baptizari extra Ecclesiae catholicæ commuDionem; alium vero hoc idem sentire, sod in catholica baptizari, existimantem ipsam esse catholicam fidem. Istun nondum hæreticum dico, nisi manifestata sibi doctrina catholicæ fidei resistere maluerit, et illud quod tenebat elegerit. DEMONST. EVANG. VI.

et tenir le sentiment qu'il avait choisi. » C'est sur ce fondement que les théologiens et les canonistes mettent l'obstination comme une condition sans laquelle un homme ne peut être hérétique, et qu'ils demeurent tous. d'accord qu'un homme ne peut être hérétique s'il n'est arrêté à ses erreurs. Mais il n'est pas aisé de dire en quoi consiste cette obstination, et jusqu'à quel point elle doit être poussée pour rendre un homme hérétique, et comment on la connaît. Il n'est point question de ceux qui combattent une vérité connue pour quelque raison d'intérêt, de gloire ou d'amour-propre; ceux-là sont certainement inexcusables et pèchent contre le Saint-Esprit, suivant l'expression de l'Evangile. Il s'agit de ceux qui sont effectivement dans l'erreur: or, on peut être dans l'erreur de plusieurs manières. Gerson en distingue quatre. « Il y a, dit-il, quatre manières d'étre dans l'erreur touchant la foi. 1. En croyant que la foi catholique ou l'Ecriture sainte est fausse. Celui qui est dans cette erreur est hérétique avec connaissance, parce qu'il n'est pas disposé à se corriger, puisqu'il ne veut pas reconnaître la règle qui le devait régler et remettre dans le bon chemin. 2. On peut errer en croyant en général que la foi catholique est véritable; mais en prenant pour foi catholique une doctrine qui n'est pas catholique, comme faisaient les ariens, qui recevaient l'Ecriture sainte, mais en l'expliquant selon leurs sens, et qui croyaient cependant que leur secte était catholique. Ceux-là sont hérétiques par ignorance; mais les uns et les autres errent contre une doctrine qu'ils sont obligés de croire explicitement. 3. Il y en a d'autres qui sont dans l'erreur sur des choses qu'ils ne sont pas obligés de croire explicitement dans les circonstances où ils se trouvent; el cela peut se faire de deux manières: premièrement avec obstination, par ce qu'ils ne sont pas disposés à se corriger, mais à défendre leur erreur par gloire ou par quelque autre motif; secondement, étant près de se corriger dès qu'ils auront reconnu leur erreur, parce qu'ils ne la défendent pas avec une animosité obstinée, mais qu'ils sont dans l'erreur par simplicité ou par ignorance. Entre ces quatre sortes de gens qui sont dans l'erreur, les premiers pèchent plus que les seconds, et les seconds plus que les troisièmes. La manière d'être dans l'erreur est aussi différente : car dans les deux premiers il se trouve une erreur à laquelle ils sont tenus de renoncer explicitement. Les troisièmes sont dans l'erreur avec obstination sur une chose dont ils ne sont pas obligés de croire le contraire d'une foi explicite, mais seulement implicite; et ils ne sont hérétiques que parce qu'ils ne veulent pas se corriger. Nous déclarons par douze considérations comment on peut connaitre cette obstination; et elles se réduisent toutes à la règle de saint Augustin, que ces personnes ne cherchent pas la vérité avec assez de précaution et de soin; mais qu'elles s'opposent à sa déclaration, soit par omission, soit par commission, soit par elles mêmes, soit par d'au (Quarante.)

tres, soit en paroles, soit en actions, soit en jugement, soit hors de jugement, soit par terreur et par menaces, soit par douceur et par présents, soit en vue du plaisir ou de quelque autre intérêt temporel.... Pour les quatrièmes qui ne joignent pas l'obstination à l'erreur, quoiqu'on les doive reprendre pour les faire renoncer à leur erreur, on ne doit pas néanmoins les punir des peines portées contre les hérétiques, ni les noter d'infamic (Joan. Gerson, tract. de Probatione circa materiam fidei, t. I, p. 1, pag. 34).

quoiqu'il dise et proteste qu'il veut s'en tenir à ce que l'Eglise croit, ou à ce qu'elle déterminera, parce que ses actions étant contraires à ses paroles, c'est une justice simulée qui est une double iniquité. Le 6 signe d'obstination est quand quelqu'un nie une vérité qu'il a autrefois enseignée ou qu'il a recon nue. Le 7 est quand quelqu'un ayant der mandé à s'éclaircir de la vérité avec des docteurs et des juges habiles, rejette leur explication sans en donner aucune raison. Le & quand quelqu'un induit ou pousse les autres à défendre l'erreur par des promesses, ou par des commandements, ou par des menaces, ou par des peines, ou par des serments. Le 9 est, quand un homme puissant excite des séditions, et suscite des guerres parmi les peuples et dans les royaumes; parce qu'on déclare quelque doctrine catholique, ou qu'on rejette quelque erreur. Le 10 quand quelqu'un jure qu'il aimerait mieux mourir que de rien faire contre son honneur, ou que de révoquer l'erreur; car c'est mettre un obstacle à la connaissance de la vérité. Le 11. quand quelqu'un défend, soit en jugement, soit hors du jugement, un homme qu'il sait ou doit savoir être dans l'erreur. Le 12quand quelqu'un sachant ou devant s'opposer à l'erreur, ne le fait pas; le devant, ou par devoir comme juge, ou par charité fra

ceux qui font le mal et ceux qui y consentent seront, selon l'Apôtre, punis d'une même peine. Or ceux-là consentent à l'erreur, qui pouvant retirer leurs frères de l'erreur, ne le font pas (Id.. ibid.).

Voici les douze considérations dé Gerson, par lesquelles il croit qu'on peut s'assurer comme par autant de marques certaines, qu'un homme est dans l'erreur avec obstination. Il remarque premièrement que l'obstination qui rend hérétique un homme qui erre dans la foi, ce qu'il appelle un hérétiquant, consiste dans la « dépravation de la volonté causée par la gloire ou par quelque autre motif, qui fait que celui qui est dans l'erreur, ne veut pas chercher de bonne foi la vérité, cu qu'il ne veut pas y consentir quand on la lui a fait connaitre et montrée, ni quitter son erreur. Car un obstiné, pertinax, selon Isidore, est ainsi appelé, parce qu'il tient fortement avec imprudence une chose, Quasi imprudenter tenax; c'est-à-dire qu'il persiste dans les choses qu'il devrait quitter. » Gerson rapporte ensuite douze signes extéternelle, comme tous les hommes, parce que rieurs de cette obstination, que voici. 1. « Quand quelqu'un étant excommunié, souffre l'excommunication et ne peut pas s'en excuser valablement, il est de la présomption de droit qu'il est hérétique. 2. Quand un homme cité sur quelque léger soupçon touchant la foi, refuse de comparaître et de répondre en jugement, si d'ailleurs il y a quel que présomption forte contre lui, cela est encore tiré de la fiction de droit. 3. Quand quelqu'un soutient et défend une erreur dont il est tenu de croire le contraire par une foi explicite, soit par la créance commune, soit par la doctrine de l'Eglise, à raison de son ministère et de son état, ou parce qu'il en a élé suffisamment instruit, ou parce qu'il le connaît par la raison naturelle, comme tout homme capable de raison est tenu de croire explicitement non seulement les articles de foi, mais encore les principes de la loi naturelle, qui sont les premières impressions des idées ineffaçables, comme sont les préceptes du Décalogue reçus et expliqués selon leur sens naturel par tous ceux qui ont l'usage de la raison, qui n'est point corrompu dans quelque lieu qu'ils vivent. 4. C'est encore une marque d'obstination quand quelqu'un non sculement ne cherche pas la vérité de foi avec précaution et avec soin, mais quand nême il empêche qu'elle ne soit pas éclaircie et déclarée, particulièrement s'il y a un concile général ou national assemblé pour ce sujet; et qu'il l'empêche directement ou indirectement, ou qu'il moleste et persécute quel qu'un pour ce sujet. 5. Quand quelqu'un fait connaitre qu'il hait ceux qui enseignent ou qui décident la doctrine de l'Eglise, et qu'il des persécute, soit parparoles, soit par actions,

Il faut avouer après Melchior Canus, que tous ces signes pris séparément ne sont pas toujours infaillibles, et qu'il peut arriver des occasions, qu'ils feraient traiter un homme comme obstiné hérétique qui ne l'est point. C'est pourquoi pour connaitre certainement s'il y a opiniâtreté ou non, il en faut toujours revenir à la règle générale de saint Augustin, que celui-là seul doit être censé attaché obstinément à l'erreur, qui la soutient par un motif d'ambition ou d'intérêt, qui ne cherche pas sincèrement la vérité, et qui ne veut pas l'embrasser quand on la lui fait connaître, et que ceux qui ne défendent point une erreur avec animosité, et qui cherchent la vérité avec toute la précaution et tout le soin possible, prêts à se corriger quand iis l'auront trouvée, ne doivent point être mis au rang des hérétiques. Qui sententiam suam, quamvis falsam atque perversam, nulla periinaci animositate defendunt, quærunt autem cauta sollicitudine veritatem, corrigi para:i cum invenerint, nequaquam sunt inter hæreticos deputandi (S. Aug. Ep. 43, olim 162). Ce que saint Augustin ne dit pas seulement de ceux qui tiennent des erreurs dans le seia de l'Eglise, mais aussi de ceux qui sont nés dans des sectes où ils ont reçu ces erreurs de leurs pères : Præsertim quam non audacia præsumptionis suæ pepererunt, sed a seductis atque in errorem lapsis parentibus acceperuni (Ibid.). Cependant il faut mettre encore beau coup de différence entre un homme qui es

séparé de l'Eglise dans une secte d'hérétiques dont il tient les erreurs et un homme qui a le malheur, étant dans le sein de l'Eglise, d'être tombé dans quelque erreur même capitale. Jusqu'ici nous avons parlé de l'hérésie en tant que son nom signifie une secte de personnes, ou la disposition de personnes attachées à quelque erreur. Mais ce terme a encore une troisième signification, qui convient à l'erreur même, qui fait la matière de T'hérésie, et qui la distingue des autres espèces d'erreur qui sont au-dessous de l'hérésie. L'hérésie prise en ce sens est une erreur opposée à un dogme catholique. Ainsi pour connaître ce qui est hérésie ou non, il suffit de savoir les vérités qui sont de foi, c'est-àdire les vérités que Dieu a révélées aux hommes de quelque manière que ce soit. C'est ce qui se connaît par les principes que nous avons établis jusqu'ici, suivant lesquels nous pouvons dire :

1° Que toute proposition contraire à une vérité clairement contenue dans les livres sacrés de l'Ancien et du Nouveau Testament, est une hérésic.

2° Que toute proposition contraire à la doctrine que l'Eglise universelle a reçue par tradition des apôtres, cst une hérésie.

3° Qu'une proposition contraire à une doctrine que les pères ont d'un consentement unanime enseignée comme la doctrine de l'Eglise et un dogme de foi fondé sur l'Ecriture et la Tradition, est une hérésie. Mais il faut pour cela, comme nous l'avons remarqué dans le chapitre 12, que ce consentement soit unanime, et que le point dont il s'agit appartienne à la foi.

4 Qu'une proposition contraire à la définition expresse d'un concile général reconnu pour tel dans l'Eglise universelle sur un point de doctrine qui appartient à la foi, est une hérésie.

5 Qu'une proposition contraire à une doctrine reçue généralement dans toute l'Eglise, et crue par tous les fidèles comme un dogme de foi, est une hérésie.

Mais une proposition peut être contraire à une vérité de foi en plusieurs manières.

Premièrement, d'une opposition que les philosophes appellent contradictoire, c'està-dire que l'une affirme ce que l'autre nie, ou que ce que l'une nie, soit affirmé par l'autre, telles que sont celles-ci: Jésus-Christ est Dieu, Jésus Christ n'est pas Dieu. Il est évident que la proposition négative est une hérésie.

Secondement, une proposition peut être opposée à une autre d'une simple contrariété, parce que l'une affirme ou nie quelque chose qui ne peut pas s'accorder avec ce que l'autre affirme ou nie. Comme cette proposition, Dieu a créé le ciel et la terre, et celle-ci : Le ciel et la terre sont de toute élernilé. Quoique ces deux propositions ne soient pas contradictoires, la dernière affirme une chose qui ne peut s'accorder avec la vérité de la première. Afin que la proposition contraire à ce sens et celle qui est de foi soient une hérésie, il faut que la contrariété soit manifeste.

Troisièmement, úne proposition peut être contraire à l'autre, en ce que l'on avance une proposition particulière qui répugne à la générale, ou une générale qui ne s'accorde pas avec une particulière, comme celle proposition: Jésus-Christ n'est pas mort pour Pierre, qui ne s'accorde pas avec la vérité de la proposition générale: Jésus-Christ est mort pour tous, ou bien cette proposition : Tous les hommes sans exception sont morts, qui ne peuven! pas s'accorder avec celie-ci : Enoch et El ont été transférés sans mourir en quelqu lieu. Il faut pour faire une hérésie de ces propositions être bien certain que la proposition générale se doit prendre dans toute son élen due, et que l'exception ne peut avoir lieu ou au contraire être convaincu que le fait particulier est de foi, et que la proposition: générale le détruit.

Quatrièmement, une proposition peut être contraire à une autre parce qu'elle l'est à une proposition qui en est une conséquence nécessaire, comme par exemple cette proposition : Il n'y a qu'une volonté en Jesus-Christ , n'est pas directement contradictoire avec cel. le-ci : Jesus- Christ est Dieu et homme, mais à la conséquence que l'on en tire: Qu'il y a deux volontés en Jésus-Christ, parce qu'il est certain que l'humanité et la divinité ont chacune leur volonté. Afin que la proposition contraire à ces conclusions tirées des propo sitions de foi soit hérétique, il faut que ces conclusions soient claires, immédiates et fondées sur des propositions évidentes.

Cinquièmement, c'est une espèce de contrariété à une vérité de foi que d'assurer com me de foi une proposition qui n'en est pas, et dont on peut douter. Jean Major dit là-dessus, qu'il n'est pas moins hérétique d'assurer qu'une chose est de foi, quand elle n'en est pas, que de nier une chose qui est de foi. Il serait, à la vérité, assez difficile de taxer d'hérésiarque un homme qui assurerait de bonn foi qu'une opinion véritable est de foi, pourvu qu'il ne le fit pas avec obstination et con tre la détermination de l'Eglise. Mais en considérant la chose en elle-même, on ne peut pas nier que ce ne soit une grande et dange reuse erreur d'assurer comme de foi une opinion douteuse, et de condamner comme herétiques ceux qui la soutiennent.

Sixièmement, c'est une autre espèce d'erreur contraire à la précédente de douter des points qui sont de foi, et de les tenir pour des opinions et des problèmes. Nier qu'une chose soit certaine, où douter d'une vérité qu'il est constant que Dieu a révélée, est certainement une hérésie, quand cette vérité est clairement contenue dans l'Ecriture sainte, et enseignée par l'Eglise comme un point de foi qu'il faut nécessairement croire. Ainsi ceux qui nient que ces vérités soient certaines, ou ceux qui affirment qu'elles sont douteuses, peuvent étre hérétiques, et la proposition qui l'affirme ou qui le nie est sans doute une hérésie. Des personnes peuvent quelquefois avoir des dou ics sur des points de foi, comme elles peuvent même enseigner des erreurs contre la foi sans être hérétiques, parce qu'elles ne

sont pas obstinées; mais l'erreur contre la foi et le doute touchant des points de foi, est toujours en soi une hérésie, c'est-à-dire une erreur contre la foi.

La seconde espèce d'erreur retient le nom général. Car quoique toute proposition contraire à la vérité puisse être taxée de proposition erronée, on a donné ce nom à une certaine espèce d'erreur, qui n'est pas tout à fait une hérésie, mais qui est néanmoins contraire à des vérités certaines, suivant les principes de la saine et véritable théologie, et quelquefois même à des vérités de foi, qui ne sont pas toutefois évidemment de foi, ou auxquelles il n'est pas évident qu'elles soient contraires. Ainsi des propositions contraires à des vérités établies sur l'Ecriture sainte et sur la Tradition, mais qui ne sont pas encore déclarées ni décidées, ou à des conséquences éloignées des articles de foi, quoique véritables, sont qualifiées de propositions crro

nées.

On peut donner le nom de téméraire à toute proposition que l'on avance sans la pouvoir prouver, ni par autorité ni par raison. Mais ce terme, quand on s'en sert pour qualifier une proposition, renferme dans son idée quelque chose de particulier c'est selon ette idée que Melchior Cano (1) définit une proposition téméraire, Une proposition avancée non seulement sans raison, mais avec une confiance audacieuse, avec une insolence effrontée, avec une joie impudente, avec une 'orgueilleuse vanité, contre la modestie de la règle ecclésiastique. En ce sens une proposition contraire au sentiment commun des théologiens et des fidèles, qui d'ailleurs n'est soutenue d'aucune raison ni d'aucune autorité peut être notée de témérité, et le particulier qui l'avance avec hardiesse est justement appelé téméraire. Il ne faut pas néanmoins donner légèrement cette note à toutes les propositions qui ne sont pas conformes au sentiment le plus commun des théologiens et du peuple; parce qu'il peut arriver que les opinions le plus communément reçues et les plus populaires ne soient pas véritables. Alors ceux qui se rangent du côté d'un nombre de savants dans l'antiquité, et qui sont fondés sur des raisons solides et des témoignages convaincants pour suivre des sentiments qui ne sont pas communs, ne peuvent pas être taxés de témérité.

La qualification de mal sonnante ou d'offensive des oreilles pieuses ne tombe pas lant sur la fausseté de la proposition que sur le mauvais effet qu'elle cause. En général toutes les propositions hérétiques et erronées offensent les personnes de piété qui les entendent, et en ce sens elles peuvent être toutes appelées offensives des oreilles pieuses. Cependant cette qualification ne s'applique ordinairement qu'à certaines propositions qui ne con

(1) Melchior Canus, lib. XII, de Loc. theolog., cap. 11. Quæ igitur non inconsulta ratione modo, sed, ut verbis utar gravioribus, confidenti audacia, insolentia proterva, exultatione impudenti, jactatione superba, no contra tem dico, sed contra ecclesiasticæ modestie regulam as

runtur.

tiennent pas des erreurs capitales, mais qui sonnent mal, et dont les termes choquent les personnes qui ont beaucoup de religion et de piété. Mais, comme remarque Melchior Cano (1), pour savoir si une proposition est telle, il ne faut pas s'en rapporter au jugement du peuple ignorant qui a souvent l'intelligence bouchée et quelquefois aussi les oreilles plus délicates qu'il ne faut, en sorte qu'il écoute souvent favorablement des choses que des personnes plus éclairées n'approuvent pas, et qu'il rejette comme absurdes des choses qui ne choquent en aucune manière les habiles gens. Il s'en faut rapporter au jugement des théologiens qui ont de la science, de la piété et du discernement. C'est pourquoi l'on ne doit pas mettre au rang de ces propositions celles que l'on avance avec prudence et avec nécessité contre des abus ou contre des pratiques superstitieuses que le peuple approuve, ni celles dans lesquelles on avertit qu'il n'y a point d'hérésie à soutenir un sentiment qui est véritable, ou du moins qui peut être soutenu sans erreur.

La note de scandaleux dit quelque chose de plus que la précédente car le scandale n'est pas seulement ce qui choque, mais ce qui peut être cause de chute à son frère; on peut donc justement qualifier ainsi des propositions qui inspirent aux fidèles des sentiments éloignés de la piété chrétienne, du respect qu'il doivent à l'Eglise et à leurs pasteurs, el qui sont capables de les détourner des devoirs de la religion, et de leur en donner du dégoût ou du mépris. Il y a néanmoins quelquefois des vérités qu'il est nécessaire de dire, quoique les faibles en soient scandalisés. Le scandale en ces occasions ne doit pas être attribué à la proposition, mais à la mauvaise disposition de ceux qui ne peuvent souffrir ces vérités ou qui en abuseni.

Comme on dit d'une proposition, qu'elle offense les oreilles pieuses, on dit aussi qu'elle sent l'hérésie: Propositio sapiens hæ resim. Ce qui peut arriver en deux manières, ou parce que la proposition peut avoir un sens hérétique, ou parce qu'elle fait connaître que les sentiments de l'auteur ne sont pas tout à fait orthodoxes.

Les théologiens, pour censurer des propositions, se servent encore de termes qui enchérissent sur ceux-ci, et aggravent la note d'erreur; comme quand ils disent qu'une proposition est impie, c'est-à-dire qu'elle est

Idem, ibid. Enim vero in hisce ahsonis et absurdis propositionibus discernendis, nollem equidem imperito atque imprudenti vulgo aur s dedere, quarum est judicium piaguissimum. Sane quanquam noncullis in rebus, quæ Jelium omnium scilicet communes sunt, judicium rectum adeo doctis atque indoctis est et promiscue et communiter a fide datum ut quæ propositiones vulgi opinione male sonantes habentur, intelligentium quoque judicio male sonantes fere sint: at promiscuum auditum plerumque bebetiorem habet, interdum etiam teneriorem quam opus est, et multa sæpe tum auribus accipit, tum animo feit, que trita atque intelligentes aures aspernantur : quedam contra refutat quasi absona, quæ theologes peritos et sapientes non modo non lacessunt, sed ne movent quidem, ihologos, inquam, peritos et sapientes. Nam in quibuscləm anium sensus fastidiosissimius est, in quibusdam etia superbissimus.

avancée au mépris de la religion et de la piété, et qu'elle en renverse les fondements; qu'elle est blasphématoire, c'est-à-dire contraire à l'honneur et au respect dû à la majesté divine qu'elle est séditieuse ou schismatique, c'est-à-dire propre à exciter des schismes et des troubles dans l'Eglise. Ils désignent encore quelquefois par des notes particulières les autres mauvais effets que peut causer une proposition erronée : mais les qualifications dont nous venons de parler sont les plus ordinaires.

Quoique toutes ces notes supposent la fausseté de la proposition censurée, cependant la qualification de fausseté ne se trouve point dans le concile de Constance, et n'était pas autrefois employée par les théologiens dans leurs censures. Ils ne croyaient pas que la fausseté fût une qualification théologique; parce qu'une proposition, pour être fausse, n'est pas pour cela contraire à la religion ni à la piété; et que la fausseté des propositions qui y sont contraires est assez désignée par les autres qualifications qui supposent la fausseté. Néanmoins l'usage s'est depuis introduit de commencer les censures par cette qualification générale, et de mettre ensuite les autres qualifications par gradation, en retenant la plus forte pour la dernière.

Nous pouvons ici rejeter en passant le sentiment de quelques théologiens, qui ont été assez hardis pour soutenir qu'une proposition pouvait être vraie philosophiquement, et fausse théologiquement. Proposition qui a été justement censurée plusieurs fois; car il est certain qu'il est impossible qu'une chose soit vraie et fausse tout ensemble. Il se peut faire que l'on ne connaisse pas la vérité ou la fausseté d'une proposition par la raison, et qu'on la connaisse par la foi; mais la chose en elle-même ne peut pas être vraie et fausse et si la foi nous apprend qu'elle est vraie, on ne peut pas dire que la raison la démontre fausse.

Après avoir parlé des différentes sortes d'erreurs, il est nécessaire de marquer les causes qui y font tomber les hommes, et les moyens de les éviter.

La cause générale des hérésies et des erreurs est de s'écarter de la doctrine de l'Ecriture sainte et de la tradition, pour suivre une opinion nouvelle que ni Jésus-Christ ni les apôtres n'ont enseignée. C'est ce qui a fait dire à Tertullien (1), « que le terme d'herésie vient du verbe grec qui signifie choisir; parce que c'est en choisissant une doctrine que les hommes établissent ou embrassent les hérésies C'est pourquoi l'Apôtre dit que l'hérétique se condamne lui-même. Mais pour nous, ajoute-t-il, il ne nous est pas permis de rien introduire pas notre propre

(1) Tertull, l. de Præscrip. hæreticor. Hæreses dicte græca voce ex interpretatione electionis, qua quis sive ad instituendas, sive ad suscipiendas eas utitur. Ideo et sibi damnatum dixit hæreticum, quia et in quo damnatur, sibi elegit. Nobis vero nihil ex nostro arbitrio inducere licet, Sed nec eligere quod aliquis de arbitrio suo induxerit. A ostolos Domia habemus auctores, qui nec ipsi quicquam ex suo arbitrio, quod inducerent, elegerunt; sed acceptatu a Christo disciplinam fideliter nationibus, assignaverunt.

choix, ni de choisir ce qu'un autre aurait introduit. Nous avons les apôtres du Seigneur pour auteurs, qui n'ont pas eux-mêmes choisi la doctrine qu'ils ont enseignée, mais qui l'ont prêchée fidèlement aux nations, do la même manière qu'ils l'avaient reçue de Jésus-Christ. >>

Saint Jérôme, après avoir apporté la même étymologie du nom d'hérésie, savoir, que ce terme est dérivé du nom grec, qui signifie élection (1), fait aussi la même remarque que Tertullien: « que c'est avec raison qu'il est dit que l'hérétique se condamne lui-même, parce que les hérétiques portent contre euxmêmes leur sentence, en se retirant volontairement de l'Eglise, séparation qui est leur propre condamnation.

Suivant ces principes, la source et la cause de toutes les hérésies est que les hommes se sont éloignés de la doctrine que l'Eglise avait reçue par tradition des apôtres, pour en inventer de nouvelles; la cause des schismes est qu'ils se sont retirés de l'Eglise pour faire des assemblées séparées et la cause des erreurs est qu'ils se sont éloignés des anciens Pères pour suivre des opinions nouvelles. Par conséquent le grand moyen d'éviter l'hérésie, le schisme et l'erreur, c'est de s'attacher uniquement à la doctrine que l'Eglise a reçue par tradition; à demeurer inviolablement attaché à l'Eglise; à suivre le sentiment unanime des Pères anciens; en un mot suivre cette règle de Vincent de Lérins (2) : « Si nous voulons ne pas tomber dans les frau

(1) Hieron., lib. II in Ep. ad Galat., c. 5. aïperis autem grace, ab electione dicitur, quod scilicet eam sibi unusquisque eligat disciplinam, quam putat esse meliorem. Quicumque igitur aliter Scripturam intelligit, quam sensus Spiritus sancti flagitat, quo conscripta est, licet de Ecclesia non recesserit, tamen hæreticus appellari potest.

Idem, l. 1, in Epist. ad Titum, c. 3. Hæress græce ab electione dicitur, quod scilicet unusquisque id sibi eligat quod ei melius esse videatur.

(2) Vincent. Lirinens. in commonit. adversus hæreticos. Sæpe igitur magno studio et sumina attentione perquirens a quamplurimis sanctitate et doctrina præstantibus viris, quonam modo possint certa quadam, et quasi generali ac regulari via catholicae fidei veritatem ab hæreticæ pravitatis falsitate discernere, hujusmodi semper responsum ab om uibus fere retuli: Quod sive ego, sive quis alius vellet exurgentium hæreticorum fraudes depreheadere, laqueosque vitare et in fide sana sanus atque integer permanere, duplici modo munire fidem suam, Domino adjuvante, deberet. Primo scilicet, divinæ legis auctoritate: tum deinde Ecclesiæ catholicæ traditione. ..., sed hoc ita demum fiet; si sequamur universitatem, antiquitatem, consensionem... Quid igitur tunc faciet christianus catholicus, si se aliqua Ecclesiæ particula ab universalis fidei communione præciderit? Quid utique, nisi ut pestifero corruptoque membro, sanitatem universi corporis anteponat ? Quid si novella aliqua contagio non jam portiunculam tantum, sed totam pariter Ecclestam commaculare conetur? Tuuc item providebit ut antiquitati inhæreat, quæ prorsum jam non potest ab ulla novitatis fraude seduci. Quid si in ipsa vetustate, duorum aut trium hominum, vel certe civitatis unius aut etiam provinciæ alicujus error deprehendatur. Tunc om nino curabit, ut paucorum temeritati vel inscientiæ, si quæ sunt, universaliter antiqua universalis Ecclesia decreta præponat. Quid si tale aliquid emergat, ubi nihil hujusmodi reperiatur? Tunc operain dabit, ut conlatas inter se majorum consulat interrogetque sententias; eorum duntaxat, qui diversis licet temporibus et locis, in unus tamen Ecclesiæ catholicæ communione et fide permaneutes, magistri probabiles exstiterunt, et quidquid nou unus aut duo tantum, sed omnes pariter uno eodemque consensu aperte, frequenter, perseveranter, tenuisse, scrtpsisse, docuisse cognoverit, id sibi quoque intelligat absque ulla dubitatione credendum.

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