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développements de l'élément criminel, envisagé sous un point de vue général, j'arrive à la spécification des délits. On verra par cette nomenclature que ce qu'a prévu notre Code pénal l'avait déjà été en grande partie par la poésie latine.

TITRE II.

Spécification des actions délictueuses.

§ Ier.

Attentats contre la propriété.

I. vol.

Les attentats les plus ordinaires sont ceux qui s'attaquent directement à la propriété, ou qui s'attaquent aux personnes pour parvenir à s'emparer de ce qu'elles possèdent. Qui ne sait en effet, disait Juvénal, combien l'argent d'autrui a d'attraits pour ceux qui en manquent ou qui en désirent plus qu'ils n'en n'ont?

Nescis

Quas habeat veneres aliena pecunia. . .?

(Sat. 10.)

La morale du voleur est de prendre à d'autres ce qui lui fait défaut à lui-même. Elle se peut définir par cette devise poétique:

Quo caret alteruter, sumit ab alterutro.

Comme de raison, le droit romain n'admettait pas cette morale-là. Il qualifiait de vol, furtum, toute soustraction frauduleuse du bien d'autrui commise à l'insu ou contre le gré du propriétaire, invito domino, dans l'intention de se l'approprier; et la poésie disait avec lui, par l'organe de Publius Syrus:

Rapere est, non petere, quidquid invito auferas.

Mais la loi des Douze Tables, il faut le dire, se montrait fort indulgente pour les voleurs; elle abandonnait à leur vic

time le soin de se défendre de leurs atteintes et d'en obtenir réparation. Si elle était attaquée de nuit par un ou par plusieurs voleurs, ou de jour par plusieurs et avec armes, elle lui permettait de se faire justice en les tuant, ce qui n'était pas toujours aisément exécutable. Lorsque le vol était commis de jour, son auteur, s'il se laissait prendre en flagrant délit (1), et s'il était de condition libre, devait être fustigé et devenait l'esclave du propriétaire lésé. S'il était de condition servile, on pouvait, après fustigation, le précipiter du haut du Capitole. Quant au vol simple non manifeste, j'ai déjà dit qu'il ne donnait lieu qu'à une réparation du double de la valeur de l'objet enlevé, duplum pro furto. Ce dédommagement était du triple lorsqu'il y avait preuve de préméditation (2); mais il était toujours loisible aux parties de transiger. Si elles s'arrangeaient, ou si le volé ne se plaignait pas, la justice n'avait point à se mêler de l'affaire (3).

On comprend que sous un tel régime pénal les vols devaient être très-multipliés. Ne sait-on pas, d'ailleurs, que les larrons avaient une divinité protectrice, le dieu Mercure, qui lui-même était le larron de l'Olympe, et qui, par cette raison approuvait fort les doigts crochus et les ongles bien affilés?

Mercurius furto probat ungues semper acutos.

( AUSON., Eclog. VIII.)

Quoi de plus naturel que la race des voleurs et des filous pullulât sous ce divin patronage? « C'est le fils de Jupiter et de Maïa, disait Prudence, qui apprit aux hommes l'art de voler, dans lequel il était personnellement fort expert. Le paganisme a placé au nombre des grands dieux celui dont les enseignements ont formé les voleurs : »

Expertus furandi homines, hac imbuit arte

(1) Manifestum furtum est quod deprehenditur dum fit; faciendi finis est quum perlatum est quo ferri cœperunt.

( Aulu-Gell., II, 18.)

(2) Furti concepti, item oblati, tripli pœna est. (ID., ibid.)

(3) Dans la suite, on fut moins tolérant pour les voleurs, et il 'arriva un temps où l'on reconnut la nécessité de se départir des règles établies à cet égard par la loi des Douze Tables.

Mercurius, Maia genitus. Nunc Magnus habetur

Ille Deus, cujus dedit experientia fures.

Du reste, Mercure n'était pas le seul patron du vol. En traitant du dol et de la fraude, j'ai parlé de la déesse Laverna, que les escrocs et autres fripons avaient inventée et adoptée pour divinité tutélaire, et à laquelle avait été consacré, sans doute avec l'agrément de l'autorité, un bois peu éloigné de l'une des portes de Rome, la porte Lavernale. Laverna devint aussi la patronne des larrons, qui pour cette cause reçurent le nom de laverniones, et qui lui offraient en silence des sacrifices dans le lieu le plus sombre et le plus retiré de ce bois, où ils faisaient entre eux le partage du produit de leurs rapines.

Selon les mythologistes, il y avait encore une autre patronne des voleurs; celle-là s'appelait FURINA. Elle avait un temple dans la 14o région de Rome, et pour le desservir un prêtre particulier, qui était un des quinze flamines, et qu'on désignait sous le nom de flamen furinalis. Tous les ans, dit-on, au sixième jour avant les calendes de septembre, on célébrait en l'honneur de cette divinité une fête appelée furinales ou furinalia. Était-ce en vue de conjurer la protection qu'elle était censée accorder aux voleurs? J'aime à le croire. Quoi qu'il en soit, on peut juger par là qu'au moins à une certaine époque le vol jouissait à Rome d'une grande liberté d'action; on peut même croire que ses praticiens étaient constitués en corporation.

Le code des Décemvirs dut contribuer beaucoup à propager cette race; car, ainsi que le fait observer Montesquieu dans l'Esprit des lois, en ne sévissant guère contre les auteurs de vols simples que lorsqu'ils se laissaient prendre en flagrant délit, il semblait avoir voulu, comme les règlements de Lycurgue, accorder tolérance à tous les autres, pour la réparation desquels il n'autorisait qu'une action purement civile en dommages intérêts. On estimait d'ailleurs en ce temps-là que la vindicte publique n'était pas grandement intéressée à la répression du furtum, parce que le plus souvent on pouvait s'en mettre à l'abri en veillant avec circonspection sur sa chose : « Furtum, disait le

droit, plerumque circumspecti hominis diligentia præcaveri potest (1)».

Mais si la plupart de ceux qui se rendaient coupables de larcins échappaient de la sorte à la répression des lois pénales, du moins demeuraient-ils justiciables de la satire et des épigrammes; et cette juridiction ne les épargnait point. Il ne manquait pas, à ce qu'il paraît, de gens ayant, par nature, la manie du vol, et dont les mains gluantes étaient toujours prêtes à s'emparer frauduleusement de tout ce qui se trouvait à leur portée. Plaute, Lucile, Horace et Catulle en avaient sans doute connu quelques-uns. Voici comment ils qualifiaient leurs habitudes rapaces:

Illic homo ædis compilavit, more si fecit suo.
Væ illi qui tam indiligenter observavit januam.

(PLAUT., Asinaria, II, 2.)

Ruis hoc et colligis omnia furtim.

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Il s'agit dans ce dernier fragment d'un vol de mouchoirs. Dans le passage qui va suivre, il est question d'un de ces voleurs dont on a dit :

Il eût du buvetier emporté les serviettes,

(1) Cette remarque est encore parfaitement vraie de nos jours. Il est hors de doute que la plupart des vols ont pour cause première l'imprudence ou la négligence des personnes volées. Si nos statistiques criminelles faisaient porter leurs investigations sur ce point, elles le trouveraient vérifié dans quatrevingt-dix soustractions frauduleuses sur cent. C'est, je crois, ce qui a fait dire proverbialement que l'occasion fait le larron. Mais l'occasion, par cela seul qu'elle procède de trop de confiance et du défaut de vigilance de la part des personnes lésées, suffit-elle à désintéresser la vindicte publique dans les questions de vols simples ? Les législateurs modernes ne l'ont pas pensé, et ils ont eu grande raison. Mais on serait tenté de voir une action coupable dans l'incurie de ceux qui provoquent ainsi les déprédations commises à leur préjudice.

Plutôt que de rentrer au logis les mains nettes.

Celui-là dérobait toutes les serviettes de ses commensaux et jusqu'à celle du préteur, quelque soin qu'ils prissent pour les garder. Jamais il n'en apportait lorsqu'il était prié à dîner quelque part, et toujours il en rapportait à son domicile. Si par aventure les serviettes faisaient défaut, parce que, dans la crainte de ses larcins, personne ne s'en était muni, il trouvait moyen d'emporter la nappe. Si la nappe lui échappait, il s'en prenait aux garnitures des lits des convives, et même aux pieds des tables. Tout lui était bon. Sa rapacité était si notoire que dès qu'il apparaissait dans un théâtre on s'empressait de retirer les tentures, de peur qu'il ne s'en emparât. C'est Martial qui raconte le fait dans l'une de ses épigrammes, dont voici un extrait :

Hermogenes tantus mapparum, Pontice, fur est,
Quantus nummorum vix, puto, Massa fuit.

Tu licet observes dextram, teneasque sinistram,
Inveniet mappam qua ratione trahat.

Cretatam prætor quum vellet mittere mappam,
Prætori mappam sustulit Hermogenes.
Attulerat mappam nemo, dum furta timentur,
Mantile e mensa surpuit Hermogenes.
Hoc quoque si deerit, medios discingere lectos,
Mensarumque pedes non pudet Hermogenem.
Quamvis non modico caleant spectacula sole,

Vela reducuntur quum venit Hermogenes.

Ad cœnam Hermogenes mappam non attulit unquam,
A cœna semper rettulit Hermogenes.

(L. XII.)

Un autre voleur de pareille sorte était ainsi noté par le même poëte:

<< Personne n'a plus que lui l'esprit de rapine; il rendrait des points à Autolycus lui-même, le fils de Mercure. Si vous l'avez pour convive, surveillez-le de bien près... Il n'ignore pas l'art de soutirer un manteau en le faisant glisser du bras qui le porte, et souvent on le voit quitter le théâtre de ses exploits affublé d'un double vêtement. Il n'a pas rougi, le fripon, de profiter de l'assoupissement d'un es

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