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pureté originelle; car Pline le jeune la rappelle, dans son panégyrique de Trajan, comme étant également d'usage, en ces termes, peu différents de ceux employés dans Plaute : « In jus veni; sequere ad tribunal. » Et Martial, contemporain de cet auteur, la rappelle aussi dans ces deux vers:

Sit tandem pudor, aut eamus in jus.

(XII, 98.)

In jus, o fallax atque infidiator, eamus.

(I, 104.)

Ce n'est pourtant pas que sous le régime de la procédure formulaire il n'y eût d'autre mode de vocatio in jus que celui dont je viens de parler d'après les poëtes. Je tiens, au contraire, pour certain que même dans le siècle de Plaute l'appel in jus ne se pratiquait pas toujours verbalement, et que souvent le défendeur était cité par écrit sur un ordre du préteur. Il le fallait bien, d'ailleurs, lorsque le demandeur ne trouvait aucune occasion de parler à la personne de sa partie adverse et de mettre la main sur elle; lors, par exemple, que le défendeur était absent ou se tenait renfermé dans sa maison, d'où nul ne pouvait le tirer malgré lui. En de pareils cas, force était que le demandeur s'adressât tout d'abord au magistrat, pour obtenir de lui un ordre de comparution avec permis de citer le défendeur; et nous allons voir que Plaute signale très-explicitement ce mode de procéder.

Dans l'Aulularia, où le comique fait figurer comme principal personnage un avare qui a servi de type à celui de Molière, on raconte que ce pauvre homme, s'étant vu enlever un morceau de viande par un oiseau de proie, s'en alla, tout en larmes, trouver le préteur, et le supplia avec force sanglots et gémissements de lui permettre d'ajourner le voleur, à l'encontre duquel il ne pouvait pratiquer ni la forme de citation verbale ni la manus injectio :

Pulmentum pridem eidem eripuit milvius.
Homo ad prætorem deplorabundus venit:
Infit ibi postulare, plorans, ejulans,

Ut sibi liceret milvium vadarier.

Le mot vadarier ou vadari me paraît être employé ici dans le sens d'un ajournement à comparaître devant le pré

teur, parce que le vocatio in jus avait d'ordinaire pour résultat le vadimonium, dont je parlerai plus loin.

Voilà donc un premier cas dans lequel Plaute fait une allusion bien directe à cette autre forme de vocatio in jus que je viens d'indiquer. Mais ce n'est pas le seul.

Ce comique, à qui le langage juridique était tellement familier qu'il l'employait jusque dans les propos d'amour, fait parler comme il suit une jeune fille qui ne trouve pas son amant au rendez-vous qu'elle avait reçu de lui :

Ubi es, qui me convadatus venereis vadimoniis ?

Ubi es, qui me libello venereo citasti?

Ici se trouve bien textuellement énoncé l'acte que nous appelons aujourd'hui exploit de citation ou d'ajournement, libello citasti.

Il y avait donc dès l'époque où vivait Plaute deux modes de vocatio in jus, l'un verbal, l'autre par écrit, que le demandeur pouvait employer à son choix, suivant les circons

tances.

Lorsqu'il y avait citation par écrit, par qui et comment le libellus était-il signifié à la personne ou au domicile du défendeur? Les poëtes ne le disent pas; mais d'autres documents du droit romain nous apprennent qu'en cas d'absence du défendeur l'édit du préteur, contenant le permis de citer, et probablement aussi le libelle de citation, étaient affichés par trois fois, de dix jours en dix jours, à la porte de son domicile, et qu'à l'expiration de ce délai il était jugé et condamné comme présent. S'il n'était point absent, ces actes lui étaient sans doute notifiés à personne ou domicile, soit par le demandeur lui-même ou par le ministère de quelque advocatus, soit par l'accensor, qui remplissait auprès du préteur la fonction d'appariteur et d'huissier, et qui ne doit pas être confondu avec l'officier, appelé viator, chargé du même service auprès des édiles et des tribuns.

L'usage de la litis denuntiatio, ou de l'exposé sommaire du sujet de la demande dans le libelle de citation, était trèsvraisemblablement aussi pratiqué du temps de Plaute, quand le demandeur employait ce mode de vocatio in jus. C'est ainsi du moins que j'explique: 1° le texte suivant de l'Aulularia,

où il est dit : «< Bientôt je vous traînerai devant le préteur, et vous ferai par écrit une dica,

Jam quidem ad prætorem hercle te rapiam, et scribam dicam;

(IV, 10.)

2o Cet autre fragment du Ponulus, qui contient une menace de procès, conçué dans de pareils termes,

Cras conscribam homini dicam.

Remarquons ici que dica vient de Aixn, nom donné par les Grecs à la déesse qui était censée présider aux procès, judiciorum dea ac præses, et que ce nom était appliqué aux procès eux-mêmes, ou plutôt aux actions intentées en justice. Nous le retrouvons dans Térence avec la même acception : « Si vous vous permettez, est-il dit dans Phormio, de traiter cette femme libre autrement qu'il ne convient, je vous lancerai une dica d'importance :

Si tu illam attigeris secus quam dignum est liberam,
Dicam tibi impingam grandem.

(II, 3.)

« Voyons, dit un autre personnage de la même pièce, avezvous jamais ouï dire qu'une dica m'ait été signifiée par écrit pour cause d'injure? »

Cedo, an unquam injuriarum audisti mihi dicam scriptam?

(II, 2.)

Si je ne m'abuse, ces derniers textes impliquent l'idée d'un libelle de citation accompagné d'une litis denuntiatio; et il est permis d'en inférer que souvent on usait de cette forme de procéder et que les préteurs en favorisaient l'emploi. C'était ainsi que le fâcheux mis en scène par Horace avait été appelé in jus. On a vu qu'il était cité, vadatus, et que s'il fut arrêté et traîné au prétoire par son adversaire, c'est qu'il ne s'empressait pas de satisfaire à cet ajournement. En effet, le demandeur avait toujours intérêt à obtenir contre celui qu'il attaquait une décision contracdictoire.

Il était d'ailleurs assez naturel que dans nombre de cas ceux qui avaient à former une réclamation en justice s'adressassent tout d'abord au préteur, comme le fit l'avare de l'Aulularia de Plaute, pour lui demander l'autorisation

de se pourvoir devant lui et au besoin le concours de son imperium, et qu'un battu, par exemple, avant de former sa vocatio in jus, allât montrer à ce magistrat les meurtrissures qu'il avait reçues :

Audeat excussos prætori ostendere dentes,

Et nigram in facie tumidis livoribus offam,
Atque oculum, medico nil promittente, relictum.
(Juv., Sat. 16.)

Il est vrai que ce dernier passage de Juvénal et plusieurs des textes ci-dessus où il est parlé d'une dica scripta ont trait à des actions pour faits délictueux, lesquelles, ainsi que je le dirai plus loin, comportaient des formes de procédure quelque peu différentes de celles qui étaient usitées pour les actions purement civiles, et notamment la nécessité d'une plainte écrite, lorsqu'elles devaient aboutir à une répression pénale. Mais comme le plus souvent les poursuites en réparation d'actes que nous considérons aujourd'hui comme constituant des délits punissables n'avaient pour objet que d'obtenir des condamnations pécuniaires, elles ne sortaient pas, à vrai dire, de la classe des actions ordinaires, et ce qui se pratiquait pour les unes se pratiquait très-probablement aussi pour les autres.

Je répète, au surplus, que la manière de procéder que je viens d'indiquer n'était que facultative. Jusqu'à l'époque où elle fut rendue obligatoire, et l'on suppose que ce fut sous le règne de Marc-Aurèle, le demandeur pouvait toujours se contenter, s'il en avait le moyen, de citer verbalement son adversaire par ces simples mots, in jus te voco, et conservait, en tout état de cause, le droit de manus injectio pour le contraindre à comparaître.

III. Fadimonium.

Le défendeur avait un moyen de se soustraire à la manus injectio ou d'en arrêter les effets; c'était de fournir une caution sous la garantie de laquelle il prenait l'engagement de comparaître in jure à un jour déterminé. Quand il se trouvait en mesure de le faire au moment de la vocatio in jus,

le demandeur n'avait plus le droit de le saisir par le cou et de l'entraîner de force au prétoire.

Du reste, même alors qu'il comparaissait volontairement, il n'était pas moins tenu de donner cette caution, si l'affaire n'était pas du nombre de celles qui pouvaient se terminer immédiatement in jure, et s'il voulait obtenir un délai pour préparer sa défense.

Cette caution judiciaire, cautio judicio sistendi causa data, est désignée dans Plaute sous le nom de "as, dont le pluriel est vades. Il y est fait allusion dans cet extrait du Persa : << Puisses-tu, dit un esclave à un autre, auquel il souhaite et prédit malheur, puisses-tu ne pas trouver de garants, afin qu'on te jette en prison! »

... Utinam vades desint, in carcere ut sis!

(II, 4.) (1)

Cette même caution était aussi appelée vindex. C'est le nom que lui donnait la loi des Douze Tables dans le verset portant qu'à un homme riche il faut une caution riche : « Vindex assiduo assiduus esto. » Elle est spécifiée sous cette appellation dans les extraits suivants de Martial :

Judice non opus est nostris, nec vindice, libris.

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Mais sa dénomination la plus ordinaire était celle de vas, vades.

L'engagement pris dans les conditions ci-dessus spécifiées était le vadimonium. Comme il était la suite ordinaire de l'appel in jus, le verbe vadari, qui signifie proprement demander contre le défendeur caution de comparaître devant le préteur et de se représenter à un jour ultérieur, devint le synonyme de vocare ou citare, et le substantifvadimonium, celui de vocatio

(1) Ce fragment de Plaute paraît avoir particulièrement trait aux vades publici, c'est-à-dire aux cautions que devait fournir, pour se soustraire à la détention préventive, l'individu inculpé d'un fait passible d'une peine publique. Mais j'ai cru pouvoir le citer ici, parce que l'action criminelle se confondait souvent chez les Romains avec l'action purement civile.

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