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à condamner leur femme à mort lorsqu'elle s'était enivrée (1). Quant aux hommes, ils pouvaient s'enivrer impunément, et tout porte à croire qu'ils usaient largement de la permission. Nous allons voir, d'après Juvénal, ce qu'il en advenait à Rome pour les gens paisibles.

Dans sa 3o satire, ce poëte met en scène un personnage qui, fuyant Rome pour se retirer en province, lui rend compte des divers motifs de sa détermination, et qui parmi les inconvénients du séjour de la ville lui signale celui-ci : « On y rencontre, dit-il, pendant la nuit d'effrontés ivrognes, qui semblent en peine quand ils n'ont pas battu quelqu'un, et ne peuvent trouver le sommeil qu'après avoir suscité une rixe : Ebrius ac petulans, qui nullum forte cecidit,

Dat pœnas...

Ergo non aliter poterit dormire; quibusdam
Somnum rixa facit. . .

« Ces ivrognes, ajoute-t-il, n'ont garde de s'attaquer aux riches personnages qu'ils rencontrent sur leur chemin, parce qu'ils les voient accompagnés d'un long cortège de clients et précédés d'un grand nombre de porteurs de flambeaux Mais moi, pauvre diable, qui ne marche qu'au clair de la lune ou à la lueur d'une maigre lanterne, ils ne me respectent aucunement :>>

Me quem luna solet deducere, vel breve lumen
Candela, cujus dispenso et tempero filum,

Contemnit.

Puis il raconte qu'arrêté pour l'un de ces mauvais sujets, improbus annis, Atque mero fervens, il eut à subir une rixe avec lui, si tant est, dit-il, que l'on puisse appeler rixe une aventure de ce genre, dans laquelle l'un frappe et l'autre ne fait que recevoir les coups:

Si rixa est, ubi tu pulsas, ego vapulo tantum.

(1) Encore est-il plus que probable que cette disposition ne fut que bien rarement exécutée. Du moins paraît-il qu'au temps de Juvénal certaines dames romaines l'affrontaient sans crainte. On peut lire dans la 6° satire de ce poëte un passage dans lequel il montre l'une d'elles buvant du vin jusqu'à vomir, afin de surexciter son appétit. Suivant Pline l'ancien (XIV, 27), les hommes donnaient aux femmes l'exemple de cette crapuleuse pratique.

« Mais que faire contre un pareil adversaire lorsqu'il est à la fois et furieux et le plus fort?

Nam quid agas cum te furiosus cogat, et idem
Fortior?

L'ivrogne le moleste de toutes manières, le somme de décliner son nom, de dire d'où il vient, où il demeure, sous peine d'être foulé aux pieds:

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« Que l'on réponde ou qu'on se retire en silence, on n'en est pas moins battu. Et voilà, dit-il enfin, comment on traite le pauvre dans ce pays de liberté. Frappé, roué de coups, couvert de meurtrissures, il en est réduit à demander grâce à son agresseur, à le supplier de vouloir bien lui permettre de s'en retourner avec quelques dents :

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Libertas pauperis hæc est :

Pulsatus rogat, et pugnis concisus adorat

Ut liceat paucis cum dentibus inde reverti.

En faisant parler ainsi son personnage, le poëte en disait-il plus qu'il n'y en avait? Je ne le crois pas. Rappelons-nous à ce propos ce que rapporte Aulu-Gelle d'un autre citoyen, qui battait tous ceux qu'il rencontrait et qui, après s'être donné cette satisfaction, leur payait une indemnité pour les coups qu'ils avaient reçus de lui. Je m'imagine, comme l'Umbricius de Juvénal, qu'il ne devait pas faire bon vivre dans une ville où l'on avait à craindre de telles avanies.

Souvent ces ivrognes, qui sans doute étaient pour la plupart des fils de famille appartenant aux classes élevées de la société, avaient à rendre compte à la justice des voies de fait qu'ils avaient commises en état d'ivresse, comme celui dont parle Martial en cet extrait :

Pugnorum reus ebriæque noctis.

(X, 87.)

C'est pourquoi Ovide écrivait dans l'un de ses poëmes cette leçon de tempérance, que pouvaient s'appliquer, je pense, beaucoup de ses concitoyens :

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Et nimium faciles ad fera bella manus.

(Ars amat., I.)

C'est pourquoi aussi Martial, conviant ses amis à dîner et parlant des vins qu'il leur servirait, avait soin de leur garantir qu'ils ne leur échaufferaient point la tête et ne leur attireraient pas de méchantes affaires :

Nec facient quemquam pocula nostra reum.

(X, 48.)

Des voies de fait matérielles nous passons aux voies de fait morales, c'est-à-dire aux offenses par parole ou par écrit, lesquelles comprennent la diffamation, la calomnie et les injures, et divers autres délits de ce genre.

§ V.

Délits de la parole et des écrits.

Diffamation.
Injures.

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· Fausses nouvelles. Liberté de publication des écrits.

Tel coup de langue, dit un de nos proverbes, est pire qu'un coup de lance; c'est la traduction d'une sentence de Publius Syrus, ainsi conçue :

Injuriæ plus in maledicto quam in manu (1).

En effet, dit le même poëte, il n'est point de remède contre les morsures de la médisance :

Non est remedium adversus sycophantæ morsum (2).

Chez les anciens, qui n'avaient que des moyens fort restreints de publication par écrit (3), c'était principalement

(1) Maledicus a malefico non distat. (QUINTIL.)

(2)

Contre la médisance il n'est point de rempart.

(MOLIÈRE.)

« Hæret nonnunquam telum illud occultum, et hoc ipso quod non apparet eximi non potest. » (QUINTIL.)

(3) Malgré les difficultés de ce mode de publication, il paraît que vers le temps où vivaient Tacite et Juvénal il se publiait à Rome des journaux manuscrits, dont les exemplaires étaient assez nombreux pour que l'on pût en distribuer dans les provinces de l'empire et dans les garnisons militaires. Il en est fait mention dans les extraits qui suivent : « Diurna

par la langue que s'exerçaient la diffamation et la calomnie; ils disaient de ce petit organe, que si rien n'est meilleur quand il est bon, rien aussi n'est pire quand il est mauvais :

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Dans la peinture qu'il fait de l'envie, Ovide lui donne comme l'un de ses attributs les plus caractéristiques une langue imprégnée de venin :

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Celle de la calomnie n'est pas moins envenimée lorsque pour mettre en circulation ses propos diffamatoires elle les murmure d'oreille en oreille et les fait colporter dans le public par la bouche du public lui-même :

Linguæque venenum

Verba maligna novas semper mussantis ad aures.

(MANIL., IV.)

Crimina per populum populi fert ore maligno.

(Ibid.)

« Que n'oserais-tu pas, langue perfide? dit Martial; tu serais capable par tes imputations mensongères de brouiller Oreste avec Pylade: »

Quid non audebis, perfida lingua, loqui ?
Te fingente nefas, Pyladen odisset Orestes.

(VII, 24.)

Le propre de la médisance est de s'attaquer aux absents; elle les déchire à belles dents lorsqu'ils ne sont pas là pour se défendre. Ainsi faisait un personnage d'une comédie de Térence: « En votre absence, disait-on de lui, il n'a cessé de tenir sur votre compte de mauvais propos, aussi indignes de vous que dignes de lui : »

"

populi romani per provincias, per exercitus curatim leguntur. » (Tac., Annal., XVI, 22.)

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Ces journaux sont aussi mentionnés dans Suétone, sous le titre de Commentarii diurni. Il est probable qu'ils donnèrent fréquemment lieu à des poursuites pour attaques contre le gouvernement ou contre les particuliers.

Absenti tibi

Te indignas seque dignas contumelias
Nunquam cessavit dicere hodie. . . .

(Phormio, 11, 3.)

Même alors qu'elles ne sont émises que par pure légèreté, les allégations portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'autrui n'en produisent pas moins de mal :

Grave crimen, etiam quum leviter dictum est, nocet.

(PUBL. SYRUS.) (1)

Ne fit-elle que répéter ce que propagent des rumeurs malveillantes,

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la médisance n'en est que plus nuisible encore; car elle manque rarement d'empirer par ses commentaires le fait allégué :

Maledictum interpretando, facies acrius.

(PUBL. SYRUS.) (2)

Quel qu'en soit d'ailleurs le mobile, toute méchanceté de la langue est l'indice d'un mauvais cœur :

Lingua maliloquax indicium est malæ mentis.

(ID.) (3)

A bien plus forte raison, doit-on en dire autant de la calomnie, qui, suivant la définition très-juridique de Publius Syrus, est le mensonge inventé à dessein de nuire :

Falsum maledictum malevolum mendacium est.

Calomnies, diffamations, médisances, outrages de toutes sortes, les poëtes, comme de raison, réprouvaient tout cela.

(1) Le mal qu'on dit d'autrui ne produit que du mal.

(BOILEAU, Sat. 7.)

(2) « Obtrectatio et livor pronis auribus arripiuntur. » (TAC., Hist. I, 2.)

On envenime, on interprète

Souvent le bien en mal, jamais le mal en bien.

(IMBERT.);

(3) De là notre proverbe : « La bouche qui dit du mal décèle un mauvais

cœur. »>

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