Obrázky na stránke
PDF
ePub

§ VI.

Attentats contre la chose publique.

1. Crimes contre la sûreté intérieure de l'État.

Parmi les attentats contre la chose publique, ceux qui compromettent la sûreté intérieure de l'État par une insurrection contre le pouvoir établi ont particulièrement fixé l'attention des poëtes latins. Les séditions, si fréquentes dans l'antiquité, n'étaient nullement de leur goût; souvent ils en ont parlé, et toujours en mauvaise part. Le lecteur verra par les notes qui se rattachent à quelques-uns des textes que je releverai qu'ils en portaient le même jugement que Tacite, dont les réflexions sur ce sujet ont une grande analogie avec celles que plusieurs d'entre eux avaient faites avant lui.

Quelques séditions avaient pour cause l'abus du régime de la liberté. Phèdre en cite cet exemple dans l'une de ses fables :

Athenæ quum florerent æquis legibus,
Procax libertas civitatem miscuit,
Frenumque solvit pristinum licentia.
(1, 2.)

Mais la plupart étaient excitéés par quelque habile conspirateur, seditione potens (VIRG., Æneid. XI), auquel venaient se rallier les hommes perdus de mœurs, ceux pour qui les désordres publics étaient un refuge contre les poursuites judiciaires qu'ils avaient encourues ou une ressource contre le besoin; ceux qui avaient intérêt à la ruine universelle pour se sauver de leurs désastres particuliers, et qui souvent trouvaient une source de grandes richesses dans le sang même qu'ils répandaient à profusion en accumulant meurtre sur meurtre. Ainsi s'en expliquaient et Lucain et Lucrèce :

Quemque suæ rapiunt scelerata in prœlia causæ :

Hos polluta domus legesque in pace timendæ,

Hos ferro fugienda fames mundique ruinæ

Permiscenda fides.

(LUCAN., II.) (1)

(1) Tacite assigne de pareilles causes aux insurrections dont il rend compte

Sanguine civili rem conflant divitiasque

Conduplicant avidi, cædem cæde accumulantes.

(LUCRET., III.)

La populace manquait rarement de se mêler aux soulèvements ainsi organisés et mis en mouvement par les meneurs;

[ocr errors]

ainsi que le fait observer Manile, le tumulte et le désordre ont toujours pour elle de l'attrait :

[merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Elle se livre sans crainte à ses audacieuses entreprises, convaincue que, perdus dans la foule, les crimes individuels échappent aisément à la répression, comme de fait ils y échappaient le plus souvent, ainsi que le constatent les deux textes qui suivent :

Numquam facilius culpa quam in turba latet.

(PUB. SYRUS.) Ipsa metus exsolverat audax

Turba suos; quidquid multis peccatur inultum est.

(LUCAN., V.) (1)

On se rappelle ce passage de l'Enéide où Virgile dépeint les premiers excès d'une de ces émeutes populaires que souvent, dit-il, on voit se produire au sein d'une grande cité:

Magno in populo quum sæpe coorta

dans ses Annales : « Ii secretis colloquiis, ferocissimo quoque assumpto, aut « quibus ob egestatem ac metum ex flagitiis maxima peccandi necessitudo, a componunt... concire ». (Annal., III, 40.) Et Pline le jeune fait remarquer qu'en pareille circonstance les honnêtes gens sont toujours les plus faibles : << Minor vis bonis quain malis inest. » (Epist., IV, 7.)

(1) Nous trouvons dans l'histoire de Tacite des remarques exactement semblables à celles de Publius Syrus et de Lucain. « Inter multos societas culpæ « tutior. « (Hist., II, 52.) » Haud facile quis uni obsignaverit culpam, quæ << omnium fuit. » (Ibid., III, 78.)

Seditio est sævitque animis ignobile vulgus,

Jamque faces et saxa volant; furor arma ministrat.

Les pierres dont s'armaient alors les émeutiers, Juvénal les appelait domestica tela seditionis dans l'extrait suivant de sa quinzième satire, où il parle également d'un soulèvement de la plèbe :

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Lorsque ces débuts de la sédition n'étaient pas immédiatement réprimés, si elle avait pour but une révolution politique, ceux qui l'avaient soulevée et qui la dirigeaient commençaient d'ordinaire par prescrire l'abolition de tous les signes extérieurs du pouvoir qu'ils voulaient renverser. D'après leurs ordres, les statues, entraînées par la corde, descendaient de leur piédestal :

Abolire nefandi
Cuncta jubet monumenta viri. . . . .

(VIRG., Eneid, IV.) Descendunt statuæ restemque sequuntur.

(Juv., Sat. 10.) (1)

Après quoi, le peuple brisait ces monuments et en traînait les débris dans la fange, avec insultes pour celui dont ils étaient l'image :

Quæcunque claro marmore effigies stetit,
Aut ære fulgens.

(1) Ce fragment de Juvénal s'applique aux statues de Séjan, ministre et favori de Tibère, statues qui furent abattues et brisées par le peuple le jour où ce personnage encourut la disgrâce de son maître et fut condamné à mort par le sénat. Si je le cite ici, c'est qu'il est aussi parfaite. ment applicable aux révolutions politiques En voici la suite, dont on remarquera la concordance avec les textes suivants que j'ai extraits de l'Oċtavia de Sénèque et du poëme de Lucrèce :

Ipsas deinde rotas bigarum impacta securis
Cædit et immeritis franguntur crura caballis.
Jam strident ignes, jam follibus atque caminis
Ardel adoratum populo caput, et crepat ingens
Sejanus....

Afflicta vulgi manibus et sævo jacet
Eversa ferro; membra per partes trahunt
Diducta laqueis. Obruunt turpi diu

Calcata cœno. Verba conveniunt feris

Immista factis.

(SEN. TR., Octavia.)

Puis, s'animant par degrés, il s'attaquait à la personne même du souverain en assiégeant son palais :

Sepire flammis principis sedem parant.

(ID., Ibid.)

Armati circumsistunt ipsumque domumque.

(VIRG., Eneid.)

Et alors se produisait cet état d'anarchie si éloquemment décrit par Lucrèce dans ce passage de son poëme où il représente le peuple brisant le trône, le sceptre, et le diadème du prince qu'il vient d'immoler, foulant aux pieds ces insignes royaux sans respect pour leur ancienne majesté (car on écrase avec joie, dit le poëte, ce que l'on a longtemps adoré avec crainte), et faisant passer le pouvoir aux mains de la multitude :

Ergo, regibus occisis, subversa jacebat

Pristina majestas soliorum et sceptra superba, Et capitis summi præclarum insigne, cruentum Sub pedibus vulgi, magnum lugebat honorem ; Nam cupide conculcatur nimis ante metutum. Res itaque ad summam fæcem turbasque redibat. (Lib. V.) Les poëtes maudissaient principalement les révolution. naires, qui dans un intérêt tout personnel portaient le trouble dans leur patrie et s'efforçaient de détruire ses institutions à leur profit. Dans sa huitième satire, Juvénal montrait les deux fils du consul Brutus entreprenant avec d'autres conjurés de rouvrir les portes de Rome à Tarquin le Superbe, mais arrêtés dans leur tentative par la dénonciation d'un esclave, condamnés à mort et frappés de la hache par ordre de leur père, après avoir été battus de verges;

Occulta ad Patres produxit crimina servus
Matronis lugendus; at illos verbera justis
Afficiunt pœnis et legum prima securis.

« N'eussent-ils pas mieux fait, ajoutait le poëte, d'aider leurs concitoyens à corroborer la liberté naissante, et encore chancelante, de la république? >>

[ocr errors][merged small]

Magnum aliquid dubia pro libertate deceret.

S'adressant ensuite à Catilina et Cethegus, comme s'ils étaient présents : « Vous apparteniez l'un et l'autre, leur disait-il, aux plus hautes familles patriciennes de Rome, et cependant vous avez pris les armes contre votre patrie, avec le dessein de brûler pendant la nuit la ville et ses temples.... Mais vous avez misérablement échoué dans votre odieux complot. Le consul veillait; il sut saisir et abattre vos étendards déjà levés : »>

[ocr errors][merged small]

Sed vigilat consul vexillaque vestra coercet.

On voit par ce langage que Juvénal était peu sympathique aux grands entrepreneurs de révolutions politiques et qu'il applaudissait à leur échec comme au châtiment qu'ils avaient subi.

Même lorsqu'elles avaient pour mobile le désir de se délivrer d'une odieuse tyrannie, les poëtes désapprouvaient les tentatives insurrectionnelles opérées par la main de la populace. En effet l'expérience leur avait prouvé qu'elles n'aboutissaient le plus souvent qu'à empirer la situation politique à laquelle on voulait remédier, et que mieux valait encore supporter le gouvernement qu'on avait, si mauvais qu'il fût, que de courir le risque d'en avoir un plus intolérable encore.

On lit dans Sénèque le tragique ces deux vers, qui recommandent aux sujets de tenir pour justes même les injustices du souverain et de tout supporter de sa part, le mal comme le bien :

Indigna digna habenda sunt rex quæ facit;

Æquum atque iniquum regis imperium feras.

Cette maxime, qui témoigne d'un profond découragement causé par la fréquence des réactions révolutionnaires

« PredošláPokračovať »