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part au jugement de ces affaires, dont souvent il dirigeait personnellement l'instruction. C'étaient les consuls qui remplissaient devant cette haute juridiction l'office de préteur, et qui indiquaient aux accusateurs comme à l'accusé le jour de la comparution, « dicebant diem. »

Le sénat était aussi, dans certaines affaires, tribunal d'appel des juridictions inférieures. A ce titre, il avait à statuer sur un grand nombre de recours. Afin d'obvier à leur multiplicité toujours croissante, il fut disposé par un rescrit de Néron que ces recours entraîneraient, s'ils étaient jugés mal fondés, la même amende de fol appel que ceux qui étaient portés devant l'empereur : « Ut qui a pri« vatis judicibus provocassent, ejusdem pecuniæ pericu«<lum facerent, cujus ii qui imperatorem appellavere. »> (TAC., Annal., XIV, 18.) (1)

Ce dernier passage des Annales de Tacite nous indique qu'à cette époque l'empereur était aussi juge d'appel des jugements rendus par les juridictions criminelles. Mais il n'était pas seulement juge d'appel; il jugeait souvent au premier degré, et, nécessairement, en dernier ressort. Ce nouveau pouvoir judiciaire était venu s'ajouter dès le commencement de l'empire à ceux qui existaient précédemment.

On n'a pas oublié ce passage des Tristes que j'ai rapporté ci-dessus, et dans lequel Ovide s'adresse en ces termes à l'empereur Auguste :

Nec mea decreto damnasti facta senatus,

Nec mea selecto judice jussa fuga est.

Ultus es offensas, ut decet, ipse tuas.
(Trist., II.)

Il ressort de ce texte qu'on reconnaissait alors à Rome en dehors de la juridiction du sénat et de celle des judicia

(1) Dans les premiers siècles de la république romaine, la question d'appel en matière criminelle s'éleva à la hauteur d'une question de liberté publique. J'en toucherai quelques mots dans l'article relatif à l'exécution des jugements.

publica, un autre pouvoir également compétent, en vertu de sa suprême autorité, pour prononcer proprio motu une condamnation pareille à celle que subissait Ovide. Effectivement, à l'exemple d'Auguste, la plupart des empereurs s'attribuèrent le droit de juger par eux-mêmes les citoyens qu'ils voulaient punir, et de leur infliger directement, et sans l'intervention des tribunaux ordinaires, des châtiments qui allaient fréquemment jusqu'au dernier supplice. Le successeur d'Auguste, il est vrai, l'habile et rusé Tibère, dont la politique consistait à dissimuler le despotisme le plus absolu sous des semblants de liberté, n'entra pas ouvertement dans les voies que lui avait ouvertes son prédécesseur. Il n'usait que rarement de son droit de haut justicier; mais l'administration de la justice n'en était pas plus indépendante : car, non content de diriger la juridiction du sénat, dont il dictait tous les jugements, il pesait également sur celle que présidait le préteur. Il est rapporté dans les Annales de Tacite qu'il assistait aux audiences de ce magistrat; que, pour ne point le contraindre à lui céder son siége curule, il se tenait dans une tribune, ou place réservée, et que souvent, en sa présence et pour lui donner satisfaction, il fut fait justice des intrigues et des sollicitations de hauts personnages: « Nec Patrum cognitionibus satiatus, judiciis ad«sistebat in cornu tribunalis, ne prætorem curuli depel« leret, multaque, eo coram, adversus ambitum et poten« tium preces constituta. Sed dum veritati consulitur, ajoute « l'historien, libertas corrumpebatur.» (I, 75.)

Au début de son régne, Néron déclara qu'il s'abstiendrait de se constituer juge de toutes affaires, d'enfermer les accusateurs et les accusés dans le huis-clos d'un seul siége de justice, et de livrer ainsi les jugements à la merci de quelques hommes en crédit : « Non de omnium negotiorum ju<«<dicem fore, ut, clausis unam intra domum accusatoribus <«<et reis, paucorum potentia grassaretur. « (TAC., Annal., XIII, 4.) Mais on sait comment cet empereur tint parole.

Ses successeurs continuèrent comme lui de juger unam intra domum. Un passage de Juvénal me semble indiquer

que le conseil du prince existait aussi sous Domitien, et que les membres en étaient pris parmi les sénateurs. Il y est dit qu'un jour cet empereur convoqua d'urgence ce conseil à l'effet de délibérer avec lui sur le point de savoir dans quel vase il conviendrait de faire cuire un turbot d'une dimension extraordinaire; que le præco fit la convocation en criant Accourez au plus vite, le prince a déjà pris <«< séance »; que Pegasus, préfet de Rome, s'y rendit le premier en toute hâte, après avoir précipitamment endossé sa toge de sénateur, et qu'à la suite d'une sérieuse délibération sur la grave question à l'ordre du jour, la séance fut levée, à la grande satisfaction des conseillers, qui se croyaient menacés d'une tout autre motion:

Sed deerat pisci patinæ mensura : vocantur
Ergo in concilium proceres.

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Il y a lieu de supposer que ce conseil était celui que convoquait Domitien quand il jugeait à propos de le consulter sur quelques affaires contentieuses ou sur des condamnations à prononcer en vertu de son droit de haute justice.

Il était d'ailleurs si bien reconnu que le prince pouvait attirer à sa juridiction personnelle telles affaires qu'il lui plaisait, que Trajan lui-même usait de ce pouvoir. Ce fut ainsi qu'il statua, avec l'assistance de son conseil particulier, convoqué par lui dans son palais des cent chambres, ad centumcellas, sur une accusation d'adultère, portée par un militaire contre sa femme. Pline le jeune, qui faisait partie de ce conseil, rend compte du jugement dans l'une de ses lettres. Il fait observer, il est vrai, que Trajan ne se réserva la connaissance de cette affaire que parce qu'elle intéressait la discipline de l'armée; mais il eût été, je pense, plus exact de dire que Trajan se croyait en droit d'agir ainsi,

comme ayant l'omnipotence judiciaire autant que l'omnipotence gouvernementale.

Du reste, il est permis de croire qu'à cette époque de transition du régime républicain au régime impérial il se produisit quelque anarchie dans la compétence des divers pouvoirs judiciaires, et que certains magistrats en profitèrent pour étendre arbitrairement, à l'imitation du maître, celle qui précédemment était attachée à leurs fonctions. Il en fut particulièrement ainsi des édiles, qui déjà antérieurement faisaient concurrence à la juridiction des préteurs, et dont il est dit par Tacite que sous Néron le sénat dut restreindre et déterminer le maximum des peines qu'à l'avenir ils seraient autorisés à prononcer : « Cohibita arctius a et ædilium potestas, statutumque quantum curules plebei << pignoris caperent vel pœnæ irrogarent. » (Annal., XIII, 28.)

11 y avait à Rome sous les empereurs une police organisée en vue de prévenir les vols, les attaques nocturnes et surtout les incendies. On donnait aux agents de cette police le nom de vigiles, et à son chef celui de præfectus vigilum. Ce dernier avait aussi sur les délinquants pris en flagrant délit une certaine compétence répressive; mais je n'ai découvert dans les poésies aucun texte mentionnant cette juridiction spéciale; ce qui me donne lieu de penser que du vivant des poëtes de l'époque impériale son rôle n'était que très-secondaire et peu remarqué.

Dans la suite cette organisation de la justice criminelle à Rome se modifia considérablement par le déplacement des pouvoirs judiciaires, qui furent en grande partie accaparés par le consistorium du prince, par le præfectus prætorii et son vicarius, par le præfectus Urbi, etc. (1). Mais

(1) J'ai cité plus haut un texte extrait de la 13a satire de Juvénal, lequel est ainsi conçu :

Hæc quota pars scelerum quæ custos Gallicus Urbis
Usque a lucifero donec lux occidat audit.

Un annotateur de Juvenal pose en fait que ce Gallicus était un præfectus

ces changements ne se réalisèrent pour la plupart que postérieurement au temps où vivaient les moins anciens des écrivains, poëtes ou prosateurs, que j'ai consultés. Je constate aussi que mes documents sont complétement muets sur le système organique de cette même justice en Italie et dans les provinces, aux diverses époques du gouvernement romain. En conséquence, je borne à ce qui précède l'exposé, fort incomplet sans doute, que je me suis permis de faire sur ce sujet. Je n'ai d'ailleurs pas eu la prétention d'approfondir la matière et d'en éclaircir toutes les obscurités.

Parlons maintenant du mode suivant lequel les tribunaux criminels étaient mis en action et de la procédure qui se suivait devant eux.

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Ainsi que je l'ai précédemment montré, les magistrats chargés du service de la justice répressive devaient être plus ou moins fréquemment dans le cas d'agir d'office, et de se saisir de la connaissance des crimes qui leur étaient signalés soit par la rumeur publique, soit autrement, comme dans ces deux espèces indiquées par Ovide:

Fit murmur in urbe,

Spretarumque agitur legum reus.

Et peragor populi publicus ore reus.

(Metam., XV, 1.)

(Trist., I, 1.)

C'est, je pense, à ces accusés d'office que l'on donnait la

Urbis; d'où il résulterait, si ce fait est exact, que sous Domitien ou sous Trajan, le préfet de Rome faisait concurrence aux préteurs pour l'administration de la justice criminelle. Mais je crois que c'est là une erreur, et qu'au temps de Juvénal le præfectus Urbi n'était pas encore investi de l'autorité judiciaire en matière criminelle. Selon moi, le magistrat, auquel le poëte donne le nom de Gallicus, devait être l'un des préteurs.

MOEURS JURID. ET JUDIC.

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