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riable, et les bulletins de vote, boules ou tablettes, sur lesquels était écrite la lettre indicative de la sentence. Seulement dans le pays où se place la scène imaginée par Apulée, c'étaient les juges eux-mêmes qui écrivaient cette lettre, cunctorum stylis (1).

Durant le cours du scrutin, l'accusé, usant de ses dernières ressources, implorait quelquefois la miséricorde de ses juges. Ses amis et ses laudatores intercédaient pareillement en sa faveur. Il en fut ainsi, suivant Asconius (ad Cic. pro Scauro), lors du jugement de M. Scaurus. On vit même un jour, suivant Tacite (Annal., XI, 32), les vestales se charger de cet office de deprecatrices.

C'était le préteur ou le judex quæstionis qui faisait le dépouillement du scrutin.

Si la lettre A sortait en majorité de l'urne, la formule d'ab

(1) A la même époque, et conformément à une règle déjà ancienne, le sénat votait per discessionem sur les accusations criminelles dont il était saisi. La formule par laquelle on appelait les sénateurs à voter était celle-ci : « Qui hoc sentitis, in hanc partem; qui alia omnia, in illam partem ite « qua sentitis. » Mais ce mode de votation n'était pas sans inconvénient; il donna lieu du temps de Pline le jeune à des difficultés dont il est rendu compte par cet auteur dans l'une de ses épîtres (VIII, 24), où j'ai recueilli la formule qui précède.

Dans les jugements rendus par les comices, le vote avait lieu de la même manière que pour les lois. Le peuple était réparti en centuries ou en tribus, et chacun des individus qui les composaient passait par des ponts dans une enceinte entourée de palissades, et remettait la tablette, contenant l'expression de son suffrage, à un agent placé à l'entrée de ces ponts pour recueillir les bulletins de vote; d'où vint que l'on donna le nom d'ovilia, bergerie, à cette enceinte, septa, où les votants entraient un à un, comme des moutons. Lucain l'appelle ainsi dans ce fragment qui a trait aux massacres exécutés par ordre de Sylla dans le lieu où se réunissaient les comices :

miseræ maculavit ovilia Romæ.

(Phars., II.)

Ceux des votants qui condamnaient l'accusé, conformément aux réquisitions du magistrat du peuple, remettaient un bulletin sur lequel étaient écrites les initiales U. R. pour uti rogas; ceux qui l'absolvaient en remettaient une portant la lettre A, pour antiquo. On comptait ensuite les suffrages ainsi donnés dans les deux sens, et suivant la majorité qui résultait de cette énumération, il intervenait soit une condamnation, soit un acquittement.

solution était celle-ci : « Non videtur fecisse, ou jure videtur a fecisse.» En ce cas, l'accusé se retirait libre, s'il avait été détenu préventivement, et quittait son vêtement de deuil pour reprendre la toge blanche; il pouvait même se pourvoir en calomnie contre son accusateur.

Mais était-il irrévocablement purgé de l'inculpation dont il avait été l'objet? Ne pouvait-il jamais être remis en jugement pour les mêmes faits?

Les poëtes ne s'expliquent pas sur cette question. Qu'il me soit permis de citer, à leur défaut, un passage d'une lettre de Pline le jeune, duquel il me paraît résulter que même après avoir échoué, faute de preuves suffisantes, dans une première accusation, on pouvait être autorisé à la reprendre sur nouvelles charges.

Une femme s'était portée accusatrice; un jugement avait écarté sa plainte qui n'était pas prouvée. Elle s'adresse à l'Empereur, affirme que, depuis le jugement, elle a découvert des preuves positives à l'appui de son accusation, Sur ce, le prince ordonne que, pour le cas où il serait vrai que de nouvelles charges fussent produites, l'affaire, déjà jugée, soit révisée par le même juge : « Postea mater adiit princi« pem, affirmavit se novas probationes invenisse... Præcep« tum est Sentiano (judici dato), ut vacaret finitam causam « retractanti, si quid novi afferret... (Epist., VII, 6). » C'était là, sans nul doute, une dérogation au principe de l'autorité de la chose jugée. Une telle dérogation était-elle permise en pareil cas par la jurisprudence alors en vigueur, même pour des affaires jugées par des juridictions supérieures? Je m'en étonnerais peu; car les procédés d'instruction criminelle étaient tellement insuffisants, qu'on devait être souvent obligé de s'y reprendre à deux fois pour faire la preuve d'une accusation, et qu'un premier jugement d'acquittement pouvait n'être considéré que comme une décision de non-lieu à suivre quant à présent.

Aussi bien, nous savons que le doute ne suffisait pas à faire absoudre immédiatement un accusé. Dans le cas où le non liquet était déclaré par la majorité des suffrages et par un vote dont la formule était amplius cognoscendum, le débat re

commençait ultérieurement, et l'affaire se replaidait. Ce nouveau procès s'appelait ampliatio, ou, comme nous disons aujourd'hui, supplément d'information.

On pourrait supposer d'après cela que les accusations demeuraient indéfiniment suspendues sur la tête des accusés qu'elles avaient une première fois traduits sans succès devant la justice. Mais je crois qu'en général il n'en était pas ainsi, et que même sous le régime impérial une absolution prononcée, surtout par les grandes juridictions criminelles, était habituellement irrévocable.

Lorsque le résultat du vote était une déclaration affirmative de la culpabilité, cette déclaration s'exprimait en ces termes: « Videtur fecisse, ou non jure videtur fecisse (1), » et si la peine était déterminée par la loi, sic'était, par exemple, celle de l'exil, le préteur ajoutait : « Videri eum in exilio

(1) Il est remarquable que les Romains évitaient dans leurs décisions judiciaires des formules pareilles à celles que notre code d'instruction criminelle a consacrées. Leurs juges ne répondaient pas à une question de culpabilité: oui, l'accusé est coupable, ou, non, l'accusé n'est pas coupable. Ils se bornaient à dire il paraît que l'accusé a commis le fait, ou il ne paraît pas qu'il ait commis le fait. Pourquoi? Parce qu'il était admis par les philosophes de l'antiquité que dans les choses de ce monde il n'y avait pour l'homme aucune certitude absolue et infaillible. C'est par la même raison qu'on faisait prêter serment aux magistrats et aux juges de rendre la justice, non pas conformément au vrai et au bon droit, mais seulement ex animi sententia, et qu'on autorisait les témoins à ne répondre aux interrogations qui leur étaient adressées que par les mots arbitror, ou non arbitror. En considération de la faillibilité humaine, on s'abstenait, dans les formules de jugement, de serment, ou de témoignages, de toute affirmation positive et tranchante.

Voici comment Cicéron s'expliquait à ce sujet : « Quam rationem ma« jorum etiam comprobat diligentia, qui primum jurare ex sui animi sen« tentia quemque voluerunt; deinde ita teneri, si sciens falleret, quod « inscientia multa versaretur in vita; tum qui testimonium diceret, ut « arbitrari se dicere etiam quod ipse vidisset; quæque jurati judices co« gnovissent, ut ea non esse facta, sed ut videri esse facta pronuntiarent. » (Acadæm.quæst. Lucullus, XLVII, 146.) « Credo hæc eadem induciomarum « in testimonio timuisse aut cogitasse qui primum illud verbum considera<< tissimum nostræ consuetudinis, arbitror, quo nos etiam tunc utimur «< quum ea dicimus jurati quæ comperta habemus, quæ ipsi vidimus, ex toto « testimonio suo sustulit atque omnia se scire dixit. » (Pro Fonteio, IX.)

« esse, bonaque ejus venire, ipsi aqua et igni placere inter« dici. » (TIT.-LIV., XXV, 4.)

Martial appelait formula lethalis la formule de condamnation à mort; d'autres lui donnaient le nom de carmen cruciatus; Tite-Live celui de Lex horrendi carminis. C'est ainsi que cet historien qualifie la formule remise par Tullus Hostilius aux deux commissaires qu'il chargea d'instruire et de juger le procès de l'un des Horaces. Ainsi que je l'ai noté déjà, elle était conçue à peu près dans les termes de celles que plus tard les préteurs donnaient aux juges qu'ils déléguaient, et voici ce qu'elle ordonnait aux duumvirs de prononcer pour le cas où l'accusé serait par eux reconnu coupable: « I, lictor; colliga manus; caput obnubito; in« felici arbori suspendito; verberato vel intra pomærium, << vel extra pomærium » (I, 26). On peut croire que les préteurs de la république et de l'empire prononçaient quelquefois dans des termes analogues des condamnations au dernier supplice; et c'était dans ce cas sans doute qu'avant de faire entendre cette sorte de chant funèbre, ils se dépouillaient de leur prétexte, comme le dit Plutarque in Cicerone. Nous verrons cependant tout à l'heure que le plus souvent leurs carmina cruciatus se bornaient à une formule pareille à celle-ci :

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1. Les condamnations étaient-elles immédiatement exécutables? — Question de l'appel en matière criminelle.

Je citais tout à l'heure un passage des Métamorphoses d'Apulée dans lequel il est dit que, la culpabilité de l'accusé une fois déclarée par le résultat du scrutin, son sort est irrémissiblement fixé; que la sentence ne peut plus être ni rétractée ni modifiée, et que dès l'instant qu'une condamnation à mort a été prononcée la tête du condamné appartient au bourreau. Cela était en effet de règle dans l'antiquité

grecque, et c'est en Grèce qu'Apulée fait rendre le jugement fabuleux à propos duquel il constate ce qui précède. Il y eut même au temps de la guerre de Troie, selon les historiens des siècles héroïques, un législateur qui, voulant que la peine de mort fût exécutée aussitôt que prononcée, avait ordonné que l'exécuteur se tint debout, armé de sa hache, derrière le tribunal, afin de couper sur le champ la tête à quiconque serait condamné à la perdre. Ce législateur était Tenès, roi de Colones en Troade, qui donna son nom à l'île de Ténédos. Sous ce roi-là, les juges formulaient probablement leurs sentences de mort de même que celle qui est édictée comme il suit, dans les Métamorphoses d'Ovide:

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Chez les Romains, les condamnations criminelles, et particulièrement les condamnations capitales, étaient-elles aussi exécutables aussitôt après leur prononciation? Cette question m'amène à m'expliquer tout d'abord sur le droit d'appel en matière pénale. Il me faudra pour cela remonter un peu haut.

Lorsque Tullus Hostilius renvoya l'un des trois Horaces devant deux commissaires pour être jugé sur l'accusation du meurtre de sa sœur, il lui réserva le droit d'appel en ces termes : « Duumviri perduellionem judicent; si a duumviris provocarit, provocatione certato. (TIT.-LIV. I, 26.) Condamné par les duumvirs, Horace déclara immédiatement qu'il se portait appelant, et le débat s'engagea sur cet appel devant le peuple : « Tum Horatius, « provoco », inquit; «ita demum provocatione certatum ad populum est. » (ibid.) Ce fut là le premier exemple donné à Rome d'un appel en matière criminelle.

Au début de la république, cette faculté d'appel au peuple contre les condamnations prononcées par les consuls ou autres magistrats fut considérée par les plébéiens comme l'un des éléments les plus essentiels de leur liberté. Elle fut accordée.

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