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se passa le fait rapporté par l'historien, le droit de grâce s'exerçait quelquefois par voie de révision du jugement de condamnation.

Mais je crois exactes les autres conséquences qui se déduisent du récit de Valère Maxime. Il est certain, comme on l'a vu déjà par plusieurs autres de mes extraits, que c'était à l'un des triumviri capitales qu'était délégué le soin de faire mettre à mort ceux qui étaient condamnés à cette peine, et que lorsque le condamné était de condition libre, souvent, ou on l'étranglait dans sa prison, ou on l'y laissait mourir de faim (1). Quant à la faculté qu'aurait eue dans l'espèce le geôlier de la prison de substituer un genre de supplice à un autre, quoiqu'elle paraisse difficilement supposable d'après nos idées actuelles, elle peut s'expliquer par cette raison que chez les anciens le condamné à mort devenait en quelque sorte la propriété, le mancipium du bourreau, ainsi que l'expriment et ce texte d'Apulée, que j'ai relaté ci-dessus, « mancipaba« tur potestas capitis in manum carnificis, » et la qualification de vinctorum dominus, que Manile, dans un vers, dont

(1) Sous le gouvernement des rois, et au commencement de la république la peine capitale s'exécutait publiquement, même quand elle frappait des citoyens romains. La loi Porcia, « pro tergo civium lata, » défendit sous des peines sévères de les battre de verges et de les mettre à mort comme par le passé, « quod gravi pœna, si quis verberasset necassetve civem romanum,

sanxit.» (TIT. LIV.); mais cette loi n'empêcha pas que par la suite bien des citoyens romains fussent condamnés à perdre la vie. Seulement, par égard sans doute pour la loi Porcia, l'exécution cessa d'être publique à leur égard. On se contentait de les tuer dans la prison. C'est ainsi que furent exécutés, après leur condamnation par le sénat, les complices de Catilina. Le récit de Valère Maxime montre également qu'il était d'usage en pareil cas de procéder à des exécutions secrètes; car la condamnée dont il parle appartenait à la classe des citoyens, et c'est pour cette cause qu'il fut ordonné par ses juges qu'elle serait mise à mort dans la prison. Je crois pourtant que les cadavres des citoyens ainsi exécutés étaient traînés aux gémonies, comme ceux de tous autres criminels, la privation de sépulture étant la conséquence de toute exécution d'une condamnation à mort. On sait qu'il en fut ainsi du cadavre de Séjan.

Quant aux condamnés de basse condition, leur supplice, sans nul doute, avait lieu publiquement. Quand on les faisait périr sur la croix, ou par le feu, c'était évidemment dans un lieu public qu'on les crucifiait et qu'on les brûlait.

j'ai aussi fait mention précédemment, donne à l'agent chargé de la garde et, le cas échéant, de l'exécution des prisonniers. J'estime cependant qu'en pareil cas l'exécuteur n'agissait d'ordinaire qu'avec l'autorisation du triumvir.

On vient de voir, dans l'anecdote racontée par Valère Maxime, que c'était le geôlier de la prison dans laquelle était renfermé le coupable après sa condamnation, qui remplissait l'office d'exécuteur des hautes œuvres. Ceci me conduit à dire un mot de ce triste ministère, appelé par Quinte-Curce « detestabile carnificis ministerium. >>

A l'époque où les citoyens romains pouvaient être condamnés à subir la décapitation après avoir été battus de verges, l'un des licteurs du magistrat était chargé de l'exécution. On se rappelle la formule de la condamnation prononcée contre l'un des trois Horaces. Par cette formule, l'ordre était donné à un licteur de lier les mains au condamné, de lui voiler la tête, et de le pendre à la fourche patibulaire, après l'avoir flagellé. Tite-Live nous apprend aussi que les deux fils du consul Brutus et leurs complices furent battus de verges et décapités par les mêmes agents: « Consules in sedem proa cessere, missique lictores ad sumendum supplicium nu« datos virgis cædunt securique feriunt. » (II, 5.)

En était-il encore ainsi dans le siècle de Juvénal? On peut le supposer d'après un passage de la 8° satire de ce poëte, où il est énoncé que de son temps certaines gens se plaisaient à voir la hache des licteurs émoussée et les licteurs euxmêmes fatigués à force d'abattre des têtes :

Si te

Delectant hebetes lasso lictore secures.

On comprend d'ailleurs que si ces officiers de justice portaient la hache entourée d'un faisceau de verges, c'était pour en faire usage à l'occasion; et voilà sans doute pourquoi, selon Stace, leur apparition, lorsqu'ils précédaient le magistrat, inspirait au public un silencieux effroi :

Bis senos hæc prima dedit præcedere fasces,

Et junxit totidem tacito terrore secures.

Mais je crois que dans les derniers siècles de la républi

que et sous le régime impérial les licteurs n'étaient plus que très-rarement employés à faire l'office d'exécuteurs (1); il ne faut pas d'ailleurs les confondre avec les agents, appelés tortores ou carnifices, qui étaient en même temps geôliers de la prison, comme l'attestent les textes qui précèdent et le vers suivant de Manile :

Carceris et duri custos pœnæque minister.

Ces bourreaux, qui probablement étaient d'une classe inférieure à celle des licteurs, ont quelquefois attiré l'attention des poëtes. Il est à peine besoin de dire qu'ils n'en parlaient pas en bonne part.

« Il me fait peine, dit un personnage des Captifs de Plaute, de voir ce brave homme réduit à faire le métier de geôlier de prison. Cependant, s'il ne peut arriver par un autre moyen au but qu'il se propose, je souffrirai qu'il en passe par cette extrémité, dût-il même faire l'office de bourreau : »

Ægre'st mihi hunc facere quæstum carcerarium.

Sed si ullo pacto ille huc conciliari potest,

Vel carnificinam hunc facere possum perpeti.
(I, 2.)

Cette forme de langage signifie visiblement qu'on ne voyait pas de pire condition que celle de carnifex. D'autres poëtes font mention du tortor, et les épithètes par lesquelles ils qualifient son caractère prouvent qu'il leur inspirait une sorte d'horreur :

Hinc etiam immitis tortor.

(MANIL.)

(1) Il paraitrait, d'après Juvénal, que les licteurs attachés à la personne des préteurs étaient employés par ces magistrats à des services très-extrajudiciaires; car on lit dans sa troisième satire que deux préteurs se trouvant en concurrence comme captateurs de la succession de vieilles femmes, riches et sans enfants, l'un d'eux envoyait chez elles son licteur pour les saluer de sa part à leur lever, en lui recommandant de faire toute diligence de peur d'être devancé par l'autre préteur, son rival :

•.. Quum prætor lictorem impellat et ire Præcipitem jubeat dudum vigilantibus orbis, Ne prior Albinam aut Modiam collega salutet.

C'est encore là un trait de captation testamentaire que j'ai omis de relever parmi ceux que m'a fournis Juvénal, et qui méritait d'y trouver place.

Barbarus forum per omne tortor exercet manus.

(PRUDENT.)

Du reste, ce sentiment de répulsion pour le métier de carnifex était partagé par tout le public romain, et même par les magistrats; car il était défendu à ces exécuteurs par les règlements des censeurs d'avoir leur domicile à Rome. Leur résidence dans le sein même de la ville eût été considérée comme une souillure de la couronne et de la liberté du peuple. Ainsi s'en expliquait Cicéron: «Non modo foro, sed << etiam cœlo hoc ac spiritu censoriæ leges, ac Urbis domi« cilio carnifices carere voluerunt; putabant enim populi ro<< mani coronam et liberam civitatem pollui præsentia et « contagione carnificis. >>

Qu'on ne croie pas pourtant que, malgré leur antipathie bien naturelle pour les exécuteurs des supplices, les poëtes, et ceux-là même qui abhorraient les tortores et les carnifices, désapprouvassent les grandes expiations pénales, quand elles leur paraissaient méritées. Bien loin de là: dans un intérêt de salutaire intimidation, ils s'appliquèrent plus d'une fois à montrer ce qu'il y a de lugubre et d'horrible dans les derniers moments des condamnés, justement sacrifiés à la vindicte publique.

On ne trouvera pas déplacé, je pense, que je relève ici quelques traits où sont dépeints ces instants suprêmes, durant lesquels les coupables, voués à la mort par la justice humaine,

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attendent au fond d'un cachot l'inévitable exécution de la sentence qui les a frappés :

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Ce n'est pas vivre, dit Publius Syrus, c'est mourir à petit feu, que de savoir l'heure à laquelle il faut périr:

Pereundi scire tempus, assidue est mori.

Telle est la position du condamné sur la tête duquel est suspendu le glaive qui doit trancher ses jours,

Districtus ensis cui super impia

Cervice pendet.

(HOR., Od., 1, 3.)

Tour à tour redoutant et souhaitant le terme de ses tourments, il tremble au moindre bruit qui retentit à ses oreilles, compte les heures et mesure ce qui lui reste à vivre par la distance qui le sépare de l'échafaud. Il ne goûte plus aucun repos, torturé qu'il est à l'avance par la perspective de son prochain supplice. La seule terreur du châtiment est déjà pour lui une cruelle expiation :

.. Omnemque tremiscens
Ad strepitum, mortemque timens cupidusque moriri.
(Ov., Métam., IV,

.. Numeratque dies, spatioque viarum
Metitur vitam; torquetur peste futura.
Nec recipit somnos, et sæpe cubilibus amens
Excutitur pænamque luit formidine pœnæ.

5.)

(CLAUD., In Ruffin, II.) (1)

Tout son être est en quelque façon paralysé. La parole n'est pas éteinte en lui, mais elle expire sur ses lèvres. Insensible à tout ce qui peut flatter le goût, il ne trouve plus aucune saveur aux mets les plus délicats. Ni le chant des oiseaux, ni les sons de la lyre ne sauraient lui rendre un instant de doux sommeil :

Damnati lingua vocem habet, vim non habet.

(PUBL. SYRUS.)

Non Siculæ dapes

Dulcem elaborabunt saporem ;

Non avium cytharæque cantus

Somnum reducent. . .

(HOR., Od.) (2)

(1) Le rhéteur Calpharius Flaccus dépeignait en termes non moins saisissants ce supplice anticipé du condamné : « Quoties jacentem in carcere a ferrati postis stridor excitat, exanimatur, et alienum supplicium aspec«tando, suum discit. »

(2) Nos parlements, dit Montaigne, renvoyent souvent exécuter les criminels au lieu où le crime est commis. Durant le chemin, promenez-les par de belles maisons, faictes-leur tant de bonnes chères qu'il vous plaira; pensez

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