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Il n'en était pas ainsi de celle qu'avait le créancier sur les biens meubles et immeubles de la partie condamnée à son profit.

Le jugement de condamnation l'envoyait en possession non-seulement de la personne du débiteur qui ne s'était point libéré dans le délai de grâce, mais aussi de tout ce que possédait ce dernier.

Le personnage de Pœnulus de Plaute, dont je citais tout à l'heure le conseil sur la marche à suivre contre le leno, en faisait très-juridiquement l'observation. Le plan de procédure qu'il avait lui-même dressé consistait à mettre ce leno dans le cas d'encourir une condamnation pécuniaire qu'il serait hors d'état d'acquitter, de façon que, satisfaction n'étant pas donnée par celui-ci, le préteur adjugeât sa maison tout entière, c'est-à-dire tout son avoir, à son créancier : Dupli tibi auri et hominis fur leno fiet.

Neque id unde efficiat habet. Ubi in jus venerit,
Addicet prætor familiam totam tibi.

(I, 1.)

L'actif du débiteur, s'il en avait, devenait ainsi la propriété du créancier, qui pouvait le garder en nature, chasser le débiteur de sa maison, exædificare, et s'y mettre en sa place, comme il est dit dans ce passage de Tinummus, où un personnage déclare que sans le secours d'un ami il eût subi ce triste sort:

Nam exædificavisset me ex his ædibus, absque te foret.

Mais le plus ordinairement le créancier faisait vendre le bien de son débiteur par adjudication publique, afin de se payer sur le prix. Cette vente s'appelait auctio bonorum.

C'est de la mise en vente forcée d'un immeuble que parle l'extrait suivant d'Ovide. Voici l'espèce les maîtresses à Rome coûtaient fort cher. Elles s'entendaient à merveille à dépouiller leurs amants, et poussaient même l'avidité jusqu'à demander des engagements par écrit à ceux d'entre eux qui prétextaient n'avoir plus d'argent à leur disposition; Si non esse domi quod des causabere nummos,

Littera poscetur.

(Ars amat., 1.)

L'une d'elles, nantie sans doute d'un pareil engagement, en poursuivit l'exécution par la mise en vente de la maison de son amant, qu'elle ne se contentait pas d'avoir dépouillé de tout le reste. C'est du moins ce que suppose Ovide dans le texte suivant, où l'on voit que les affiches étaient d'usage dans les poursuites de saisie immobilière :

Illud et illud habet; nec ea contenta rapina,

Sub titulum nostros misit avara lares.
(Remedia amoris.)

La vente forcée de biens meubles était naturellement la plus ordinaire. Il en est parlé dans la satire VI de Juvénal. « Quelle honte pour vous, dit le poëte à un mari, si l'on venait à mettre publiquement en vente le baudrier de votre femme, ses gantelets, son casque empanaché, son cuissard de la jambe gauche...!»

Quale decus rerum, si conjugis auctio fiat

Balteus, et manicæ, crista, crurisque sinistri
Dimidium tegmen (1)!...

Martial parle également, et tout à fait en langage du métier, d'une vente mobilière de cette sorte :

Quum fieret tristis solvendis auctio nummis,

Hæc quadragintis millibus empta fuit.

(De securicula, XIV, 35.)

Il la spécifie encore dans cette autre épigramme, où, par une licence poétique assez peu respectueuse pour les divinités de l'époque, il suppose qu'il se fait dans l'Olympe une vente forcée de tout ce qui leur appartient :

Grandis in æthereo licet auctio fiat Olympo,

Cogunturque dei vendere quidquid habent.
(IX, 4.)

On reconnaît parfaitement à tous ces traits la vente sur saisie mobilière.

C'était, je l'ai dit, le préteur qui statuait extra ordinem sur les difficultés relatives à l'exécution des sentences ren

(1) Il paraît, d'après ce passage de Juvénal, que de son temps certaines dames romaines faisaient usage de ces pièces d'armure, pour se livrer soit à des luttes, soit à des exercices gymnastiques.

MOEURS JURID. ET JUDIC.

T. 11.

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dues par les juges délégués. Lui seul en effet avait l'imperium, lui seul pouvait ordonner à l'occasion l'exécution manu militari, quand il y avait résistance de la part du justiciable condamné. L'usage de ce dernier mode d'exécution devait être assez rare; du moins n'ai-je trouvé aucun texte poétique qui en fasse mention.

Je n'ai plus, pour compléter cette section, qu'à produire ceux de mes documents qui s'expliquent sur quelques-uns des usages qui se pratiquaient dans les tribunaux de l'an

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Pour le jugement des causes, les Romains avaient des jours fastes et des jours néfastes.

Les jours fastes étaient ceux durant lesquels pouvaient se tenir les audiences et les plaids.

Pendant les jours néfastes, le prétoire était fermé; il n'était pas permis d'y prononcer les trois mots sacramentels: Do, Dico, Addico (1).

Les jours néfastes ne l'étaient souvent que pendant un certain nombre d'heures de la journée, comme, par exemple, pendant le temps que duraient les sacrifices, à la suite desquels la parole était rendue au prétoire.

Cet usage est constaté par le passage suivant d'Ovide :

Ille nefastus erit per quem tria verba silentur ;

Fastus erit per quem lege licebit agi.

Neu toto perstare die sua jura putaris :

Qui jam fastus erit, mane nefastus erat;

Nam simul exta deo data sunt, licet omnia fari,

Verbaque honoratus libera prætor habet.

(1) Do (judicia). — Dico (jus).

(Fast., 1.) (2)

Addico (bona).

"

(2) On trouve dans les Saturnales de Macrobe (I, 16) des explications trèsprécises sur la distinction des jours, en jours feriés, festi; ouvrables, profesti; mixtes, intercisi: et sur celle des jours fasti, nefasti, comitiales, comperendini et stati. Les comitiales étaient ceux pendant lesquels on pouvait proposer les lois; les comperendini, ceux où il était permis de citer en justice; les stati, ceux qui étaient spécialement réservés au jugement des procès entre citoyens et pérégrins. On appelait dies intercisi, ou

Plaute parle aussi de ces époques de chômage des débats judiciaires, à propos des hommes de chicane, qui, disait-il, ne connaissaient pas de jours où la justice fût suspendue : Nam istorum nullus nefastu' st; comitiales sunt meri.

(Pœnulus, III, 2.)

Pendant les jours fastes, les tribunaux siégeaient à des heures déterminées. Une épigramme de Martial nous fait connaître que leurs audiences commençaient à la troisième heure, c'est-à-dire à neuf heures du matin, les deux premières heures étant employées par les avocats et les jurisconsultes à recevoir leurs clients :

Prima salutantes, atque altera conterit hora;

Exercet raucos tertia causidicos.
(IV, 7.)

J'ai dit déjà que le règlement des vadimonia occupait la troisième heure du jour, c'est-à-dire la première de l'audience du préteur. C'était donc à la quatrième que commençaient à se plaider les causes dans les tribunaux. Cela durait jusqu'au coucher du soleil, suivant la règle posée par la loi des Douze Tables: « Solis occasus suprema tempestas esto. »> A quoi fait allusion ce mot d'un personnage de Plaute, qui, dans une discussion devant arbitre, se plaint de ce que son adversaire ne cesse de se répéter en plaidant sa cause, afin de prolonger sa plaidoirie jusqu'au soir et de lui enlever ainsi le moyen de faire entendre la sienne :

Omnia iterum vis memorari, scelus, ut defiat dies.

(Rudens, IV, 4.)

Il paraît que les préteurs spécialement préposés au service criminel observaient scrupuleusement la règle précitée, et

mixtes, ceux où le cours de la justice n'était interrompu que pendant l'immolation des victimes et l'offrande. Du reste, les détails donnés par Macrobe sur ce sujet sont en parfaite harmonie avec ceux que contient le passage cité des fastes d'Ovide, et dont je trouve l'imitation dans les fragments suivants, empruntés à des poésies latines du quinzième siècle :

Lis vesana tacet; juris tria verba silentur.

(PAMPHILUS.)

Jura fori clamosa tacent. . .

(MANTUANUS.)

Sacra damus festis; fora judicialia ponunt.

(ID.)

tenaient leur prétoire ouvert depuis le lever jusqu'au coucher du soleil. C'est du moins ce que disait Juvénal de l'un d'eux: Usque a Lucifero donec lux occidat, audit.

(Sat. 13.)

Mais je suppose que d'aussi longues séances n'étaient pas le lot d'un seul magistrat, et qu'elles se partageaient entre plusieurs, qui se relevaient à tour de rôle.

Indépendamment des causes préfixes d'interruption temporaire du cours de la justice, telles que celles provenant du retour périodique de certaines solennités religieuses, il y en avait d'accidentelles, qui étaient occasionnées soit par des fêtes et des réjouissances civiques, soit par un deuil public ou par quelque sinistre événement.

Ainsi, un empereur rentrait-il à Rome après une absence plus ou moins longue, les tribunaux vaquaient et cédaient le Forum aux jeux et spectacles qui se célébraient en son honneur. Horace et Ovide en citent plusieurs cas dans les passages que voici :

Concines lætosque dies et Urbis
Publicum ludum super impetrato
Fortis Augusti reditu, forumque

Litibus orbum.

(HOR., Od., IV, 2.)

Otia nunc istic, junctisque ex ordine ludis,

Cedunt verbosi garrula verba fori.

(Ov., Trist., III, 12.)

Scena sonat ludique vocant. Spectate, Quirites;

Et fora marte suo litigiosa vacent.

(ID., Fast., 4.)

Scena viget, studiisque favor distantibus ardet,

Proque tribus resonant terna theatra foris.

(ID., Trist., III, 12.) (1)

Un personnage princier venait-il à décéder, les tribunaux

(1) J'ai indiqué plus haut ce que je pense des tria fora mentionnés dans ce passage d'Ovide.

Sous les empereurs Valentinien Ier et Gratien, on comptait encore trois lieux particuliers affectés aux discussions et aux délibérations, savoir: pour celles de la compétence des comices, le Champ de Mars; pour celles de la

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