Obrázky na stránke
PDF
ePub

ce sens, mais n'avait pu réussir. En 1555, Cardan avait observé l'augmentation de poids que reçoit le plomb en s'oxydant; mais ce n'est qu'en 1633, que Jean Rey, après une expérience semblable, osera dire : « Je réponds et soutiens glo>> rieusement que ce surcroît de poids vient de » l'air qui, dans le vase, a été espessi (1). » La chimie, avant 1619, n'était donc pas encore une science, et son influence sur la philosophie de Descartes fut nulle. Il n'en a pas été de même des sciences physiologiques qui avaient fait des progrès admirables avant l'année où Descartes fixa sa méthode et détermina le cours de ses idées.

La Renaissance fut une époque de progrès pour les sciences naturelles, par le grand nombre d'êtres organisés nouveaux que les voyageurs firent connaître (2). Ce ne furent pas seulement l'Afrique, l'Amérique et l'Inde qui fournirent une matière nouvelle à la science, mais la Grèce, l'Asie-Mineure, l'Arabie, l'Egypte. Le voyage hardi de Belon, dont le résultat fut publié en 1553, et

(1) V. Cosmos; et Dehérain, deux chimistes oubliés. Rev. nat., 25 juin 1861.

(2) Gervais, Zoologie, introduction.

celui de Rondelet, qui est de la même époque, confirmèrent les assertions et les descriptions d'Aristote et de ses disciples, particulièrement de Théophraste, et débarrassèrent la science des erreurs introduites par Pline et quelques autres. On doit à Rondelet ainsi qu'à Salviani (1553) une histoire naturelle des poissons; à Belon, une histoire naturelle des oiseaux, admirable pour l'époque, et à laquelle Buffon a fait plus d'un emprunt. A cette même époque, le grand ouvrage de Gesner, sur l'histoire des animaux, est en cours de publication (1). C'est aussi pendant l'année 1553 que le bruxellois Vésale publia son ouvrage : De corporis humani fabricâ. « Vésale, dit de Blain» ville (2), a véritablement créé la science de >> l'anatomie humaine, mais sans vues générales » et sans physiologie. La science lui doit en outre >> l'Iconographie anatomique explicative, et sur>> tout une impulsion donnée qui n'a plus cessé

depuis. Les dissections d'animaux comparées >> aux dissections de l'homme, le conduisirent » à démontrer que Galien n'avait fait son anato» mie que sur des animaux. >>

(1) V. de Blainville, Hist. des sc. de l'org., II, p. 265 sqq. (2) II, 216 et 217.

Servet, peu de temps avant, découvrait la circulation pulmonaire et devinait la circulation totale (1).

L'Averroïste Cesalpini eut aussi l'idée de la circulation du sang, mais ne put la démontrer. C'est en 1619, pour la première fois, que Harvey fit cette démonstration. L'ouvrage où il annonce au public sa découverte est de 1628. Dans l'intervalle, en 1622, Aselli avait découvert les vaisseaux chilifères.

Les travaux de ces grands physiologistes français et italiens, allemands et espagnols, ont fait faire des progrès, non-seulement aux connaissances, mais, ce qui est bien plus important, à la méthode elle-même.

Nous dirons peu de chose du vaste ensemble des travaux philologiques et historiques dont le foyer était le collége de France. Descartes se tint systématiquement en dehors du grand courant des études historiques. Ce fut un tort, et c'est jusqu'à lui qu'il faut faire remonter la responsabilité de ce dédain pour les études philologiques, qui enleva à la France la gloire de marcher à la tête des autres nations dans le champ de l'exégèse et de

(1) Cf. un article de M. Flourens, Journal des savants, 1854.

la linguistique. Mais l'erreur, comme le dit Hégel, en tant qu'absorbée, est un moment de la vérité; et il était sans doute nécessaire, pour le progrès des sciences physiques et mathématiques, et pour celui de la philosophie naturelle, que Descartes dédaignât les sciences historiques, comme il fallut au XVIIIe siècle, pour le progrès des institutions sociales et politiques, que Voltaire et son école ne vissent, dans l'histoire du moyen-âge, que celle des tigres et des loups. Nous laisserons donc de côté les érudits dans les ouvrages desquels, à travers bien des rêves et bien des erreurs, brillent des vérités qu'une histoire complète des sciences aurait à recueillir (1).

Les sciences morales et politiques, à l'exception de la morale générale, dont il ne parle même que dans ses lettres, furent aussi laissées de côté par Descartes. Il ne voulait pas compromettre le succès de sa réforme philosophique en se brouillant avec l'Eglise et l'Etat. Il se contenta de poser des principes et de jeter en avant quelques idées dont on devait plus tard tirer les conséquences. Le temps, du reste, n'était pas favorable aux questions de

(1) V. Max Muller, lectures on the science of language, series I, 4 et 5, series II, 2.

l'ordre social et politique (1), et ces questions elles-mêmes n'étaient pas mûres. Il y a là cependant encore une lacune importante dans l'œuvres de Descartes, et qui choque surtout, quand on songe aux graves problèmes soulevés par la réforme et par Machiavel (2). Descartes, génie hardi dans le domaine des idées pures, était craintif et timide sur le terrain de la pratique et de l'application.

Nous avons passé en revue les progrès accomplis par les sciences particulières qui ont eu une influence sur la direction de la pensée de Descartes il nous reste à parler de la 'philosophie elle-même.

Que faisait la philosophie pendant que les sciences mathématiques, physiques et naturelles « dé» chiraient à grands coups les voiles de la na» ture (3)? »

M. Bouillier (4), dans un chapitre substantiel de son excellente Histoire de la philosophie cartésienne, a condensé tout ce que l'histoire de la philosophie séparée peut nous apprendre sur les

(1) V. Labruyère.

(2) V. Janet, Hist. de la phil. morale et politiq.

(5) Bordas-Demoulin.

(4) V. Hist. de la phil. cart., chap. I.

« PredošláPokračovať »