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Nous pouvons maintenant suivre les applica-
tions de la Méthode dans les autres sciences.
Parmi les idées à priori qui sont en quelque sorte
les patrons des autres (1), nous en distinguons de
deux espèces; les unes sont relatives à l'étendue,
à la forme, au nombre, à la durée, au mouve-
ment, en un mot à la quantité continue ou dis-
continue, finie ou infinie; les autres sont rela-
tives à la pensée et aux inclinations de la volonté,
en un mot à la perfection finie ou infinie des
êtres. Les unes ne me donnent que des détermi-
nations ou conditions extérieures, les autres m'ou-
vrent le for intérieur de l'être. De là des attributs
d'étendue ou de quantité, et des attributs de pen-
sée ou de perfection. De là aussi d'abord deux
ordres de sciences, celles de la matière et celles
de l'esprit, et ensuite un troisième ordre, celui des
sciences qui cherchent les rapports de la matière
et de l'esprit. La Physique de Descartes les com-
prend tous trois; mais elle a ses divisions, et on
y étudie successivement la matière, l'esprit et
leurs relations, en descendant des hauteurs de la
Métaphysique.

La Physique est, en effet, comme un écoule-

(1) V. OEuvr., IX, 130 sqq.

ment de la Métaphysique; c'est à la lumière des idées que nous parvenons à la connaissance du monde, et, en premier lieu, du monde matériel. Pour cela nous commençons par développer les conceptions à priori qui ont particulièrement trait à la matière, c'est-à-dire les conceptions mathématiques sans lesquelles on ne peut ni concevoir les corps, ni déterminer leurs propriétés, ni les connaître en aucune façon. Les Mathématiques sont déjà une sorte de Physique abstraite et l'introduction nécessaire à la Physique concrète. Les faits et les êtres matériels ne sont même autre chose que des composés de lois et de propriétés mathématiques. Nous pouvons donc déterminer à priori tous les faits, toutes les lois et tous les êtres de l'univers. Notre raison contient en puissance toute la physique, et nous pouvons l'en faire sortir par le seul travail de la pensée. Descartes ramène donc la pensée à elle-même pour connaître les choses extérieures. C'est en contemplant et en combinant les idées à priori que l'esprit pénètre dans la connaissance de la nature. S'il s'égare, c'est qu'il consulte mal cette lumière intérieure qui est en lui. Sans doute, l'expérience a son utilité, mais uniquement parce qu'elle sert

à nous montrer quelles sont les synthèses vraies qui ont été réalisées, et parce qu'elle peut être un secours utile de l'analyse à priori, en nous aidant à découvrir, parmi plusieurs explications également rationnelles du même fait, quelle est celle qui est la vraie. Ce n'est pas elle qui nous donne la connaissance des choses, car d'abord toute connaissance est un fait de la raison, et, ensuite, l'expérience repose elle-même sur des combinaisons à priori sans lesquelles elle ne serait pas. La méthode expérimentale, en effet, envisagée en elle-même, n'est autre chose qu'un ensemble de raisonnements ou de combinaisons rationnelles. Sans l'à priori non-seulement on ne connaît rien, mais on ne cherche rien. L'esprit n'est pas quelque chose de passif; c'est lui qui fait ses idées et qui crée la science au lieu de la recevoir toute faite du dehors. Descartes part donc de soi pour rendre raison des choses, et c'est ce qui explique les progrès que la science a faits entre ses mains et dans son école, comme autrefois sous l'impulsion et dans les écoles de Pythagore et de Platon. « S'il est l'auteur de la plus fé» conde rénovation philosophique qui ait en» core travaillé l'esprit humain, c'est que jamais

>> la raison n'a été ramenée aussi vigoureusement » à elle-même (1). » C'est ainsi qu'en Mathématiques d'abord il crée ces méthodes générales qui dominent et embrassent toutes les parties de la science. « En même temps que Descartes, Fermat » découvre l'application de l'Algèbre à la Géo» métrie, mais si informe que, pour exister réel»lement, elle demanderait un second inven>>teur (Bordas). » C'est ainsi ensuite qu'en Physique, il trouve la loi d'inertie, la loi du mouvement en ligne droite, la loi du mouvement en ligne courbe par l'action de deux forces, la permanence de la même quantité de mouvement dans le monde, plusieurs lois du choc, la loi de réfraction (2) et tant d'autres idées justes et fécondes que nous avons fait connaître dans les chapitres qui précèdent (5).

Quand on ne se paie pas de mots, qu'on veut des raisons solides, évidentes, il faut avoir des idées claires et distinctes de tout. Nous avons, il est vrai, une idée claire de l'activité, mais non de

(1) Bordas-Demoulin. V. son Hist. du Cartés., chap. III, vol. II. Nous faisons ici plusieurs emprunts à ce beau chapitre.

(2) Il ramène la lumière tantôt à un mouvement, tantôt à une pression. C'est de cette dernière idée que sortira la théorie des ondes. (3) V. notamment chap. VII, VIII et X.

la manière dont l'activité produit la pesanteur, la cohésion, la vie, etc. Au contraire, quoi de plus net que l'idée de l'étendue, de ses parties, de leur grosseur, de leur figure? Quoi aussi de plus net que l'idée de mouvement? Réduits à ces deux éléments constitutifs, les corps, qu'ils soient bruts ou organisés, n'offrent rien d'obscur ni de confus dans leur nature, ni à plus forte raison, dans leurs rapports, qui sont des rapports de grandeur, de figure, de disposition et de mouvement. Le mouvement donné, les tourbillons naissent d'euxmêmes, et avec eux l'attraction et la répulsion ; la vie elle-même est un tourbillon multiple. Nous savons ce que cette théorie a, non pas de faux, mais d'incomplet. Et, cependant, sans une pareille élimination de l'activité, était-il possible d'extirper ces forces animales qui entraînaient les planètes autour du soleil, ces restes des intelligences qui mouvaient les êtres, ces appétits et ces horreurs qui expliquaient les mouvements des corps terrestres. Avant lui, on employait des esprits pour conduire et pour soutenir le monde physique; Descartes s'élève à l'idée qu'il se forme, qu'il marche et se maintient par des lois mathématiques. L'activité, sans doute, ne peut être enlevée à la matière, mais l'idée profonde de Des

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