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telligence des grands mystères contenus dans les Ecritures de l'un et l'autre Testament. Enfin le dessein du sixième, qui a pour titre Cur Deus natus et passus est, est de prouver la nécessité de l'incarnation et de la mort du Fils de Dieu. Le principal raisonnement dont l'auteur se sert pour cela, est que si Dieu avait sauvé, comme il le pouvait, l'homme pécheur par sa seule volonté et sans le sacrifice de son Fils, il aurait à la véritè manifesté sa puissance, qui est sans bornes, mais il n'aurait pas satisfait à sa souveraine justice, qui demandait d'une part que le pécheur ne demeurât pas impuni, et de l'autre, que le Jiable ne fût pas privé des droits qu'il avait acquis sur l'homme, par la victoire qu'il avait remportée sur lui, sans avoir merité d'en être dépouillé. Yves développe et étend ce raisonnement, et ajoute plusieurs choses qui font voir qu'il était aussi habile dans les matières théologiques que versé dans celles du droit. Yves paraît avoir composé ce sixième discours, qui est beaucoup plus court que les précédents, et qui n'a aucun air de sermon, sur le modèle du célèbre traité de saint Anselme, Cur Deus homo? Nous pouvons ajouter que cet écrit de l'évêque de Chartres n'est qu'un précis et un abrégé de celui du saint archevêque de Cantorbéry.

On conserve dans la bibliothèque du roi d'Angleterre un manuscrit qui porte en tête Ivonis Carnot. episcopi, De sacramentis ecclesiasticis, libri quatuor (174-80). Ces quatre livres ne seraient-ils pas les quatre premiers sermons d'Yves dont nous venons de parler? Ce sont en effet comme quatre livres particuliers auxquels ce titre peu fort bien convenir, en entendant par les mots de sacrements de l'Eglise, non ce que nous appelons proprement les sept sacrements de l'Eglise, mais en général, comme fait notre auteur, tous les signes sacrés que l'Eglise emploie dans ses cérémonies, et dans tout le culte extérieur qu'elle rend à Dieu. Ce sont encore apparemment ces quatre premiers sermons qui sont aussi désignés sous le nom d'un livre des sacrements, dont il est fait mention dans plusieurs bibliographes (181), et dont Gui évêque du Mans, fit présent vers l'an 1130 à sa cathédrale (182), avec le décret de notre Yves de Chartres. Ecclesiæ nostræ, dit l'auteur de la vie de l'évêque Gui, decreta cum libro De sacramentis quæ Ivo, Carnotensis episcopus, abvreciavit, noscitur_contulisse. Peut-être néanmoins que ce livre des sacrements n'est autre chose que le premier sermon De sacramentis neophytorum. Après cette petite digression qui était nécessaire, revenons à notre sujet.

A l'égard des dix-huit autres sermons de notre prélat, il y en a quinze qui sont des instruuctions courtes, mais lumineuses et solides, sur les principales fêtes de l'année, savoir: l'Avent, la Nativité du Seigneur, la Circonsision, la Purification, la Septuagésime, le commencement du jeûne, ou le mercredi des Cendres, le Carême, l'Annonciation, le dimanche des Rameaux, la cène du Seigneur, ou le jeudi saint, Pâques, l'Ascension, la Pentecôte, et la Chaire de saint Pierre (183). Les trois derniers sont des instruclions sur l'Oraison dominicale, sur le Symbole des apôtres, et sur les habits adultérins ou mondains, tant des hommes que des femmes. On apprend de l'un de ces sermons que la loi de la continence pendant le carême, pour les personnes mariées, était encore alors en vigueur, au moins dans l'Eglise de France. Le commencement de celui de la cène du Seigneur a paru si important à MM. de P. R. qu'ils en ont fait la cinquième leçon de leur office quarante-troisième du Saint-Sacrement. Il est bon d'être averti que, dans un manuscrit du roi d'Angleterre, celui de l'Avent a pour titre De distinctione Adventus Domini, parce qu'en effet ce sermon traite du double avènement de Jésus-Christ dans l'humilité de sa chair mortelle dans la plénitude des temps, et dans toute la gloire de sa majesté divine à la fin des temps (184-85).

Le premier qui a entrepris de donner au public les sermons d'Yves est Melchior Hittorpius, qui fit entrer les vingt-un premiers dans son recueil d'anciens écrits sur la liturgie, imprimé à Cologne chez Gervin Calenius en 1568 in-fol. (186), et reimprimé à Rome en 1591, et à Paris en 1624, (187). Dans ce recueil ils ont pour titre : B. Ivonis Carnot. episcopi, De ecclesiastis sacramentis et officiis, De præcipuis per annum festis sermones nunc primum editi. Ce titre confirme la remarque que l'on a déjà faite, que le livre ou les quatre livres des sacrements qui, dans quelques manuscrits portent le nom d'Ives, ne sont que le premier ou les quatre premiers de ses sermons. Du recueil d'Hittorpius, les mêmes sermons sont passés dans l'édition générale des œuvres d'Yves, faites à Paris en 1647 par les soins du Père Fronteau (188); l'éditeur y a ajouté trois autres sermons, dont le premier, qui est sur les habits adultérins. avait déjà été publié par Juret, sur un manuscrit de saint Victor, à la suite des lettres de notre respecble prélat.

Les vingt-quatre sermons qui se trouvent dans l'édition du Père Fronteau ne sont pas les seuls qu'Yves ait composés.

Les derniers éditeurs de saint Augustin nous apprennent que le sermon pour un martyr, qui commence par ces mots Triumphalis B. martyris N. lui appartient (189). Ce sermon qui, dans le bréviaire Romain, porte le nom de saint Augustin, était ci-devant le quarante quatrième parmi ceux que ce saint docteur a composés pour les saints; il est maintenant le deux cent vingt-roisieme dans l'Appendice du troisième tome de ses œuvres. Les mêmes éditeurs nous avertissent qu'ils l'ont trouvé dans un ancien manuscrit de l'abbaye de Saint-Germain des Prés, où il tient le milieu entre les autres sermon d'Yves de Chartres.

Il est bon de remarquer que ce sermon n'est pas le seul entre ceux qui appa rtiennent certainement à notre bienheureux prélat, auquel on a fait l'honneur de le regarder comme une production de saint Augustin. Il y en a trois autres de lui dans le même Appendice; savoir, le soixante-quatrtème qui est son sermon vingt-deuxième sur l'Oraison dominicale; le soixante-quatorzième, qui est son sermon vingtquatrième sur les habits adultérins, et le deux cent quarante-septième, qui est son sermon sixième : Pourquoi Jésus-Crhist est né el a souffert? Les Bénédictins dans l'errata de lear onzième tome de saint Augustin, disent que ces trois sermons se trouvent dans l'édition du P. Fronteau, avec quelques fautes qui sont corrigées dans leur Appendice du cinquième tome de saint Augustin.

Outre le sermon d'un martyr, faussement atrribué à saint Augustin, Yves en a encore composé trois autres qui n'ont jamais vu le jour. Le premier est sur la croix, et se trouve dans deux manuscrits; l'un

(174-80) Bib. reg. Angt. p., p. 152; vi, 12.
(181) Sand., par. 1, p. 359; Montf., Bib.,p.1359. etc.
(182) Mab., Ann. t. III, p. 348.

(183) Ivo, Serm. p. 286, 304.

(184-85) Bib. reg. Angl., p. 152, vIII, 13.

PATROL. CLXI.

(186) Bib. Min. Cent.
(187) Bib. th.,
II, p.
702.
(188) Bib. S. Vinc. Cent.

(189) Aug., Serm. App.; p. 368. Patrologiæ tom. XXXIX, Opp. S. Augustini V, p. 11, col. 2158.

b

appartenant au roi d'Angleterre, et l'autre à Thomas Theyer à Londres (190); le second est sur la fête de saint Jean l'évangeliste, qui se trouve aussi dans deux manuscrits, l'un de l'Abbaye de Cambron, et l'autre de l'abbaye de Lobbes en Hainaut (191). Le troisième est sur les noces de Jésus-Christ, et se trouve dans un manuscrit indiqué par dom Montfaucon (192).

Si nous nous en rapportions au conjectures de Jean Prévots, chanoine de l'Eglise de Rouen, nous serions portés à croire qu'Yves de Chartres serait encore auteur des six antres sermons sur les devoirs des pasteurs (193), que le même Jean Prévost a publiés à Rouen en 1679, à la suite du traité des offices de 'Eglise de Jean, évêque d'Avranches, dans la suite archevêque de Rouen (191), dont on a parlé en son lieu. Ces sermons s'étant trouvés sans nom d'auteur, dans un manuscrit de la bibliothèque de MM. Bigot, ancien de cinq cents ans, Jean Prévots a conjecturé qu'ils pouvaient bien être d'Yves de Chartres (195): les raisons qu'il en allègue sont: 1° Que ce même manuscrit contient trois sermons du même prélat, qui ont déjà paru plusieurs fois sous son nom. 2° Que le style et la manière de penser de l'auteur de ces six sermons sont fort semblables au style et à la manière de penser d'Yves dans les sermons qui sont indu bitablement de lui, et surtout dans celui qu'il a fait sur la Chaire de saint Pierre. 3o Enfin qu'on ne peut nier qu'ils ne soient de quelque évêque, puisque l'auteur y parle à ses prêtres, comme étant leur supérieur, et chargé en cette qualité de répondre à Dieu de leur conduite: ce qui fait voir que ce sont des discours synodiques.

Mais à ces raisons qui paraissent avoir quelque vraisemblance, on en oppose d'autres qui n'ont pas moins de force pour la combattre. Car, dit-on 1 si ces six sermons étaient véritablement d'Yves de Chartres, est-il possible que dans cette multitude prodigieuse de manuscrits de ses ouvrages qui se conservent encore aujourd'hui dans les bibliothèques, il ne s'en trouvât pas au moins quelques-uns où ces sermons lai fussent expressément attribués? 2° On a vu ci-devant que les trois premiers de ces vingtquatre sermons imprimés sont des discours synodiques, dont le but est d'instruire à fond ses ecclésiastiques sur tout ce qui regarde leurs fonctions et leurs devoirs: cela étant,quelle apparence y a-t-il qu'il ait voulut composer six autres discours synodiques sur la même matière, ou il n'aurait presque fait que répéter ce qu'il aurait dit dans les précédents? 3o On sait qu'en fait d'instructions synodiques ce n'est pas la cou tume des évêques de les multiplier sur le même sujet sans nécessité. 4° Il faut bien remarquer que l'auteur de ces six sermons ne manque point, à la tête de chacun, de prendre un texte de l'Ecriture pour sujet de tout son discours; or, c'est ce que n'a jamais fait Yves de Chartres dans aucun des sermons qui sont certainement de lui. On voit par là que, si le style de l'auteur des six sermons en question, a quelque ressemblance avec celui de notre prélat, au moins il y une différence considérable dans la méthode de prêcher de l'un et de l'autre. Quant à ce que dit Jean Prévost, que la manière de penser de l'auteur de ces sermons est fort semblable à la manière de penser d'Yves, nous ne voyons pas qu'elle induction on peut tirer de là. Car l'évêque de Chartres n'avait pas une manière de penser qui lui fût propre et particulière. Dans ce temps-là il n'y avait presque qu'une manière de penser sur tous les points concernant la religion, cl ce n'a été que depuis Yves que l'Egliso a eu la douleur de se voir inondée d'une multitude d'opinions différentes, tant sur le dogme que sur la morale et la discipline.

Au reste, quel que soit l'auteur de ces six sermons, on voit que c'était un homme judicieux, trèsversé dans l'étude de l'Ecriture, des Pères et des conciles, qui avait de la piété, du discernement et une grande connaissance de toutes ses obligations; il écrivait assez bien pour le temps où il vivait, Tous ces caractères joints à d'autres circontances, nous font naître la pensée que ses sermons pouvaient bien être d'Hildebert évêque du Mans. C'est ce que nous pouvons examiner dans l'article du dernier.

5o Le dernier ouvrage qu'on nous a donné sous le nom d'Yves, dans l'édition de ses œuvres de l'an 1647, est une courte chronique des rois de France, qui commence à Pharamond et finit à Philippel(196). Il est surprenant que François Juret qui, le premier, a tiré cette chronique de la poussière des bibliothèques, ne se soit point aperçu qu'elle ne saurait être de notre prélat. La preuve en est certaine, puisqu'il est parlé de Henri I, roi d'Angleterre, comme d'un prince qui était alors dans la 30e année de son règne. Or, la 30° année du règne de ce prince, qui monta sur le trône l'an 1100, concourt avec l'an 1130 de Fère chrétiene. Comment donc Yves, qui est mort dès l'an 1116, pouvait-il être auteur d'une chronique qui n'a été écrite qu'environ 14 ans après qu'il n'était plus au monde.

Il est vrai que quelques-uns ont voulu dire que l'endroit de cette chronique qui regarde Henri I, roi d'Angleterre, est une addition faite par une main étrangère (197). Mais quelles preuves en donneront-ils? Cette prétendue addition ne se trouve-t-elle pas dans tous les manuscrits? D'ailleurs elle est une suite fort naturelle de ce qui précède; car l'auteur ayant parlé immédiatement auparavant de Guillaume le Conquérant et de Guillaume le Roux, prédesseurs de Henri I sur le trône d'Angleterre, il était naturel qu'il n'oubliât pas ce dernier prince, qui était très certainement régnant dans le temps qu'il écrivait. A quoi il faut ajouter qu'on ne connaît aucun bibliographe qui ait attribé cette chronique à l'évêque de Chartres. Nous parlerons de cette chronique dans l'article de Hugues de Sainte-Marie, moine de Fleury, qui en est le véritable auteur.

Au reste les savants conviennent aujourd'hui que cette chronique et très peu de chose et fort défectueuse (198). L'auteur y rapporte selon M. l'abbé le Gendre, bien des choses qui ne s'accordent point avec les historiens contemporains.

On a déjà remarqué que François Juret est le premier qui a fait paraître cette chronique, dans les deux éditions qu'il a données des lettres d'Yves de Chartres (199); la première à Paris en 1584 ou en 1585. in-4 la seconde aussi à Paris en 1670, in-8°. Marquard Frecher se donna la peine de la faire réimprimer en 1613 (200); dans la première partie de son recueil des historiens français. Des deux premières éditions de Juret, elle est encore passée dans celle des œuvres d'Yves, faite à Paris en 1647, in-fol. (201). Nous allons donner ici une notice de cette dernière édition, afin de n'y plus revenir. Quoiqu'on l'an

(190) Bibl. Reg. Angl., ib.; Cat. mss. Angl. par. IV, n. 662.

(191) Sand. ib, part. 1. p. 359, et par. 11, p. 359. (192) Montf. Bib. bib., p. 319, B.

(193) Joan. Abr., De off. eccl., p. 444-487. (194) Hist. litt, t.vm, p. 64, 74.

(195) Joan. Arb. ib., præf., p. 9, 10.

(196) Ivo, Chron., p. 308-307.

(197) Cave. p. 541, 2 ; Oud., t. II, p. 875.
(198) Le Long Bib. Fr., p. 341, 2.
(199) Bib. Caum., p. 44; Le Long, ibid.
(200) Le Long, ib.; Fab. Bib. Lat., 1.
VI, p. 559.
(201) Bib. S. Vin. Cen.

qu'une

nonce comme contenant tous les écrits d Yves de Chartres, il est certain qu'elle n'en contient partie, savoir le Décret, les Lettres, les Sermons et la petite Chronique dont on vient de parler. On y a joint les notes de François Juret et de Jean-Baptiste Souchet, sur les lettres, avec la Vie de l'auteur qui a été réimprimée dans les Bollandistes au vingtième de Mai. On trouve à la tête, dans l'exemplaire qui est à la bibliothèque de l'abbaye de Saint-Vincent du Mans, deux différentes épîtres dédicatoires, toutes les deux adressées à Jean Lescot, évêque de Chartres: la première est du P. Fronteau, chanoine régulier de Sainte-Geneviève de Paris, qui s'y donne pour l'auteur de l'édition, et qui la dédie à l'évêque de Chartres, tant en son nom qu'au nom de sa congrégation; la seconde est de Jean-Baptiste Souchet qui, se prétendant aussi auteur de la même edition, la revendique comme un bien qui lui est propre, et dont le P. Fronteau voulait vainement se faire honneur et à sa congrégation. Cela produisit entre ces deux savants un procès littéraire des plus vifs, dont nous n'entreprenons pas ici de faire l'histoire, nous dirons seulement que Cave (202) et Oudin (203) la donnnent à Souchet, parce qu'ils n'avaient vu apparemment que son epitre dédicaloire; et que MM. Dupui (204) et Dupin (205) la donnent au P. Fronteau. 6 Outre la petite chronique dont on vient de parler, on a encore attribué à Yves une autre chronique bien plus étendue, qui commence à Ninus, fondateur dt la monarchie des Assyriens, et qui est divisée en deux parties; dont la première finit à la dernière année de Charlemagne, et la seconde s'étend jusque vers l'an 1034, ou plutôt jusqu'au règne de Louis XI (206).

Gérard-Jean Vossius dit avoir vu cette chronique à Amsterdam, dans un manuscrit de Guillaume Domsius, où elle avait pour titre : Histoire abrégée des gestes de quelques rois Assyriens, des gestes de tous les empereurs romains, et enfin des gestes de Charlemagne et de tous ses successeurs, composée par le vénérable Yves, évêque de Chartres (207). Elle se trouve, avec le même titre, dons un manuscrit de M, Cotton, à Londres (208); c'est sur la foi d'un troisième manuscrit, que Marquard Frecher en a fait imprimer une partie, sous le nom de notre savant prélat, dans sa collection des historiens de France, publiée à Hanovre, en 1613 (209)

Il faut que l'attribution de cette chronique à Yves de Chartres soit bien ancienne, puisqu'elle est expressément citée comme étant de lui dans une lettre que Nicolas. moine de Saint-Alban, en Angleterre, écrivit, vers l'an 1176, à Pierre de Celle, abbé de Saint-Remi; Ivo venerabilis. est-il dit dans cette lettre, Carnotensium episcopus in Chronicis suis seripsit (210), eto.

Il est à croire que cette chronique n'est pas différente d'un livre qui, dans l'inventaire qui fut falt en 1458 des livres de Gauthier de Shiginpton, chanoine de Chartres, se trouve ainsi marqué; Ivo, Carnot. episcopus, De collectione historiarum ecclesiasticarum, mensæ frugalis (211), etc. Il est bon de remarquer à ce sujet que la même chronique est effectivement qualifiée d'histoire ecclésiastique dans quelques anciens manuscrits, camme dans celui de Saint-Denis, cité par dom Mabillon (212). Ne serait-ce pas encore la même chose qu'une histoire qui se trouve dans un des manuscrits de l'abbaye de Saint-Evroui, en Normandie (c'est le cinquante-quatrième in-4), avec ce titre Historia magistri Ivonis?

Mais quoique l'attribution de cette chronique à Yves de Chartres soit, comme on vient de voir, et fort ancienne et fort multipliée, il est cependant certain que cet ouvrage n'est pas de lui (213). Tous les savants conviennent aujourd'hui qu'il appartient à Hugues de Sainte-Marie, moine de Fleuri, ou de SaintBenoît sur Loire, qui en composa la première partie en 1110, à la prière d'Adèle, comtesse de Blois et de Chartres, et puis la seconde partie à la prière de la reine Mathilde, femme de Henri lor, roi d'Angleterre, comme on le verra dans l'article de cet écrivain.

Ce qui aura apparemment causé la méprise, c'est (214) une lettre du même Hugues de Sainte-Marie à notre prélat, par laquelle il lui adresse son ouvrage, en le priant de vouloir bien se donner la peine de le revoir et le corriger. Comme cette lettre se trouvait à la tête de la chronique, il sera arrivé que des lecteurs superficiels ou des copistes peu attentifs, sans examiner autrement la lettre, auront conclu en y voyant le nom d'Yves, qu'il était auteur de la chronique, Il leur aura été d'autant plus aisé de tomber dans cette méprise que le nom de l'auteur était peu connu, au lieu que celui d'Yves était célèbre partout. Ceux qui sont au fait des manuscrits savent que ces sortes de méprises n'ont été que trop comiqunes avant l'invention de l'imprimerie.

7. Si notre prélat ne peut pas être regardé comme auteur des deux chroniques précédentes, il n'en est pas apparemment de même d'une Vie de saint Augustin qui porte son nom. Cette Vie, qui a été inconnue jusqu'ici à tous les bibliographes, se trouve dans deux manuscrits: l'un de la bibliothèque de M. Cotton, à Londres, où elle a pour titre : Vita B. Augustini, Hippon. episcopi per Ivonem Carnot, episcopum (215); et l'autre de l'église de Saint-Pierre de Cambridge, où elle ainsi intitulée: Excerptiones venerabilis Ivonis, Carnot. episcopi, De confessionibus et Vita B. Augustini, Hippon, episcopi. On voit, par ce dernier titre, que cette Vie est composée des passages tirés des confessions de saint Augustin et de la vie de ce saint docteur, écrite par Possidius, évêque de Calame.

80 Dans l'énumération que l'anonymie de Molk, publiée par dom Pez, fait des ouvrages d'Yves de Chartres, il marque un Martyrologe des saints (216); mais ce Martyrologe pourrait bien être un ouvrage chimérique, puisqu'on n'en trouve absolument rien ailleurs.

9 Lorsque dans notre huitième volume nous avons parlé du Micrologue sur les rites ecclésiastiques, nous savions certainement que cet excellent écrit était l'ouvrage d'un évêque qui vivait avant la fin du XIe siècle (217); mais nous ne savions pas avec la même certitude que cet évêque fut Yves de Chartres. Nous

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t. II, 856, 860.

(207) Voss., Hist. Lat., 1. 11, e. 47.
(208) Bib, Cott., p. 97, n. vui, 22,
(209) Fab., Bibl. Lat., 1. vi, p. 559.
(210) Pet. Cell., 1. ix, ep. 9, p. 184.
(211) Monastic. Angl., t. III, p. 363, 1.
(212) Mab., Ann., 1. 74, n. 48.

(213) Lamb., ib.; Oud., ib.; Sand. in Voss., p. 42; Mab., ib.; Alex., Instr. ecclés., t. VI, p. 515, 2; Dupin, ib.; p. 83.

(214) On trouve cette lettre à la tête des témoignages des anciens touchant Yves de Chartres, qui sont recueillis au commencement de l'édition de ses œuvres de 1647. Il en est parlé dans dom Mabillon, Ann., 1. LXXIV, n, 48.

(215) Bib. Colt., p. 93, n. 13.

(216) Anonym. Mell., Script., c. 9, p. I 55. (217) Hist. litt., t. VIII, p. 320, 323.

sommes redevables à Henri Warton de nous avoir appris ce fait important, de manière à n'en pouvoir plus douter (218). Le même auteur nous apprend encore que cet écrit n'est qu'une partie détachée d'un ouvrage plus étendu, qu'Yves a composé sur les offices de l'église De officiis ecclesiasticis, dont il y a un très-beau manuscrit, presque aussi ancien que l'auteur, dans la bibliothèque de Lambeth, en Angleterre.

Cet ouvrage d'Yves sur les offices de l'Eglise, tel que nous le représente Warton, est composé de soixante-onze chapitres, dont les huit premiers traitent des matines, laudes, prime, tierce, sexte, nones, vêpres et complies. Les soixante-deux suivants composent le Micrologue; et le dernier, qui n'est pas dans le Micrologue, traite des auteurs de la messe, et de chacune de ses parties. On voit par là que c'est un des ouvrages, sur la liturgie, des plus considérables et des plus étendus qui aient été composés an

ciennement.

Ceux qui désireront en avoir une notion plus parfaite et plus détaillée peuvent se satisfaire, en lisant ce qu'on a dit dans le huitième volume de l'histoire littéraire du Micrologue, qui fait une partie considérable de l'ouvrage de notre prélat sur les offices de l'Eglise. Nous observerons ici seulement que cet écrit sur les offices de l'Eglise, dont Yves est l'auteur, et qui mériterait bien d'être imprimé en entier, n'est visiblement autre chose que l'écrit marqué par l'anonyme de Molk sous le nom de sentences sur les offices divins, et qu'il attribue expressément à notre saint prélat.

Outre le manuscrit de la bibliothèque de Lambeth, indiqué par Warton, il s'en trouve encore deux autres l'un dans la bibliothèque du collège de toutes les âmes, à Oxford, et l'autre dans celle du collége de Saint-Benoît, à Cambridge (219). A ces quatre manuscrits d'Angleterre, il en faut ajouter un que l'on conserve à Rome, dans la bibliothèque du Vatican, qui a appartenu à la reine de Suède (220).

10° Un des ouvrages qui, selon toutes les apparences ferait le plus d'honneur à Yves, s'il était imprimé, est son commentaire sur les Psaumes (221). Il se trouve dans deux manuscrits, l'un de la bibliothèque, de M. Colbert, coté 1473, en deux volumes in-fol.; et l'autre de la bibliothèque de Saint-Allire de Clermont, en Auvergne, en un vol. in-fol., et dans un troisième manuscrit des Pays-Bas, dont parle Sanderus (222).

11o On voit dans plusieurs manuscrits, tant de France que d'Angleterre, un livre sous le nom d'Yves de Chartres, qui a pour titre De multimoda distinctione Scripturarum (223). Il n'est pas facile de savoir ce que c'est que ce livre. Dans un des manuscrits appartenant à la bibliothèque publique de Cambridge, le titre en est expliqué, comme si ce livre n'était autre chose que le recueil même des lettres d'Yves (224).

Voici le titre Ivo Carnotensis episcopus, De multimoda distinctione Scripturarum, sub una castorum eloquiorum facie contentarum vel, ut ab alio notatur, epistolæ Ivonis. Au contraire, dans un autre manuscrit appartenant au chevalier Cotton (225), le titre en est exprimé comme si le livre n'était autre chose que la Pannormie de notre prélat: Liber Pannormix Ivonis Carnot. episcopi De multimoda distinctione Scripturarum, sub una castorum eloquiorum facie contentarum. Dans un troisième manuscrit de le cathédrale d'Herford, le même livre n'est désigné que sous le titre général de Distinctions d'Yves de Chartres (226). C'est à ceux qui entreprendront un jour de donner une nouvelle édition des œuvres de ce grand prélat, de déterrer cet écrit et de le faire connaître au public, Il est bon qu'ils soient avertis qu'il s'en trouve un exemplaire parmi les manuscrits in-4° de l'abbaye du Mont-Saint-Michel, numéro 165.

12. Possevin parle d'un écrit de notre prélat, intitulé Liber De determinandis Patrum decretis, qui se trouvait de son temps à Vienne en Autriche, avec les lettres de saint Yves parmi les manuscrits de Wolfgand Lazius (227). Cet écrit nous est encore moins connu que le précédent, à moins que ce ne soit, ou la Pannormie, ou le Décret, ou peut-être quelque fragment de l'un ou de l'autre.

13° Nous ignorons de même ce que c'est qu'un autre livre, intitulé Liber de Sacramentis devotionis, qu'on dit que quelques-uns attribuent à Yves, mais que le P. Combefis prétend, sur l'autorité du B. Pierre de Damien, être de saint Fulbert (228).

14° Enfin, nous ignorons encore ce que c'est qu'un Evangile de la Sainte-Vierge, qui se trouve, dit-on, manuscrit avec la soixantième lettre d'Yves à Hugues, archevêque de Lyon, dans la bibliothèque du collége de Caio-Gomvilen, Cambridge (229).

150 Il n'en est pas de même d'un discours ou traité De la matière, de l'ordre et de la vérité des sacrements de Jésus-Christ et de l'Eglise, qu'on nous annonce comme se trouvant à Londres dans un manuscrit de Thomas Bodley (230); car la place que ce discours tient dans le même manuscrit donne tout lieu de penser que ce n'est autre chose que le premier sermon de saint Yves, qui a pour titre : Des sacrements des néophytes. Pour ce qui est d'un autre discours contenu dans le même manuscrit, sous ce titre De clericatu et ejus officio, c'est visiblement le sermon de notre prélat, qui traite de l'excellence des ordres sacrés et des devoirs de ceux qui y sont élevés (231).

16° Sixte de Sienne parle d'un Umbert, évêoue de Chartres, qui, vers l'an 1100, écrivit un traité contre les Juifs, sur ces paroles du chapitre XLIX de la Genèse: Non auferetur sceptrum de Juda (232). etc. Comme notre Yves était certainement évêque de Chartres en 1100, quelqu'un s'imaginera peut-être que c'est lui qui est auteur de ce traité, d'autant plus qu'on ne trouve point d'évêque de Chartres du nom de Umbert. Mais il est certain que ce prétendu Umbert n'est autre que saint Fulbert, qui a effectivement écrit contre les Juifs le traité dont il est ici question (233). Voyez son article dans notre histoire littéraire.

17. Pour ne rien omettre de ce qui regarde les écrits d'Yves de Chartres, nous remarquerons qu'Antoine l'Oisel cite un manuscrit du livre des écrivains ecclésiestiques de Sigebert, dans lequel il dit qu'il

(218) Fab., Bib. Lal., 1. 1x, p. 607, 608.

(219) Cat. mss. Angl., part. 11, n. 1345, et part. III, n. 1444.

(220) Montf., Bib. bib., t. I, p. 48, n. 1522.
(221) Le Long, Bib. sac., t. VII, p. 810, 2.
(222) Sand., part. 11, p. 28.

(223) Montf., Bib. bib., p. 135, C.

(224) Cat. mss. Angl., part. 11, n. 2230. (225) Bib. Cott., ibid.

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y a des choses qui ne se trouvent point dans l'imprimé d'Aubert le Mire (234). Le même l'Oisel soupçonne que ce manuscrit a appartenu, ou même a été copié par Yves dans le temps qu'il n'était encore qu'abhé de Saint-Quentin de Beauvais : ce qui supposerait que notre savant prélat serait auteur des additions au livre de Sigebert qui se trouvent dans ce manuscrit. Mais pour s'assurer que ce soupçon ou cette conjecture d'Antoine Loisel n'a aucun fondement, il ne faut que faire attention que Sigebert n'a publié son livre des écrivains ecclésiastiques que sur la fin de sa vie, et qu'Yves de Chartres ne lui a guère survécu que quatre ans ce qui donne tout lieu de douter si ce dernier a jamais eu connaissance du livre du premier, ces deux savants n'étant guère à portée d'avoir une communication réciproque de leurs ouvrages.

Après l'énumération que nous venons de faire de toutes les productions de la plume de saint Yves, nous croyons pouvoir assurer qu'il n'y a point eu de savant dans les xie et XIe siècles qui ait plus écrit que lui, ni sur un plus grand nombre de matieres concernant la science ecclésiastique, quoiqu'il faille reconnaître que c'est principalement dans celles qui regardent la discipline et la liturgie que notre saint et savant prélat s'est distingué. Nous ajouterons qu'il n'y en a guère eu non plus qui ait traité chaque matière avec plus d'ordre, de netteté, de solidité et d'érudition que lui; en sorte qu'il a été, sans contredit, un des plus grands et des plus habiles hommes de son temps, presque en tout genre.

(234) L'Oisel, Hist. de Beauv., p. 133.

DISSERTATIO

DE DECRETO QUOD IVONI TRIBUITUR

ALIISQUE

ANTIQUIS CANONUM COLLECTIONIBUS GRATIANO ANTERIORIBUS.

(Augustini THEINERI Disquisitiones criticæ in præcipuas Canonum et Decretalium collectiones, seu Sylloges Gallandianæ Dissertationum de vetustis Canonum collectionibus continuatio. - Romæ, 1836, in-4o, pag. 139.

tuit ut Ivo ipse, cum maturius suorum temporum suæque conditionis rationem perspiceret, quamplurimum in opere quod, ipso Panormiæ nomine indicante, ecclesiastica monumenta omnia complecti debebat, desiderari cognosceret: quare iteratis curis illud in melius immutaret, atque in ampliorem formam elucubraret, Quod ab Ivone revera factum esse doctissimi fratres Ballerinii (235), jampridem multis iisque non spernendis rationibus indicaverant : nostris vero temporibus eruditissimus Savignius tam certum reddidisse videtur, ut omnem litem de hac re prorsus sustulisse dicendus sit. Savignius enim illi ipsi canonum collectioni, quam Ballerinii non satis æstimasse videbantur, innixus, et unde Decretum illud originem suam duxit, et modum etiam quo fuit elucubratum deprehendit et apertissime explicavit (236). Atqui ex hac eadem collectione quæ Decreti originem tam clare demonstrat, invictissime simul probari potest, quod mirum profecto cuiquam videri debet, Ivonem nullo modo posse ejusdem operis esse auctorem. Quod ut omni quo par est argumentorum genere ostendamus necesse est ut collectionem illam de qua diximus, quamque ob particularem ordinem in quem diversos fontes dispositos exhibet, deinceps Collectionem tripartitam appellabimus, propius inspiciamus, eamque pri

Inter quæstiones quæ in juris canonici historia A adduxisse dicenda est. Fieri quidem omnino poagitari solent, non postremum locum obtinet illa quæ Ivonis Decretum illiusque genuinitatem spectat. Cum enim non solum ipsa hujusce operis ratio singularis omnino et ab aliis ejusdem generis collectionibus plane diversa sit, atque insuper multiplex ipsum inter ac Panormiam,quam genuinum Ivonis opus esse constat, nexus intercedat, sed incerta etiam cum sint nec semper recte ea intelligantur, quæ ab historicis referuntur, factum est ut in hoc Decretum nullo non tempore dubia insurrexerint, quæ ipsi sapientes viri modo leviori, modo graviori argumentorum pondere aut propugnare aut impugnare contenderunt. Quod vero in aliis hujus generis quæstionibus tam sæpe occurrere solet, ut nempe ad tuendam unius operis genuitatem aliud,quod eidem auctori tribuitur, ipsi abjudicetur,hoc etiam in hac de hujus Decreti auctore concertatione evenit. Plerique enim, Decreti amplitudine decepti, quod facillime fieri potuit, Panormiam Ivonis opus esse denegarunt, illamque nihil aliud nisi ejusdem Decreti epitomen quamdam esse affirmarunt. Alii contra validioribus profecto argumentis ostendere conati sunt, utramque collectionem Ivoni tribuendam esse, quem ea maxime de causa ad edendum Decretum permotum fuisse dixerunt, quod qua: in Panormia breviter collegerat, novis adjectis monumentis augere, atque in ampliorem eamque perfectiorem formam redigere voluerit. Quæ opinio ea ipsa quam præferebat veri similitudine in errorem suos auctores

(235) De onliquis collectionibus et collectoribus canonum ad Gratianum usque tractatus, P. iv, c. 16, p. 661 666, in collectione præstantiorum ope

B

mo

cum cæteris quibusdam canonum collectionibus, dein cum Ivonis Panormia et Decreto ac denique cum Gratiani collectione conferamus.

rum jus canonicum illustrantium, t. XV, Mogontiaci 1790, in-4.

(236) Historia J. R. in med. ævo, t. II, p. 286 sq.

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