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y joignit ses bienfaits, voulant suppléer à la fortune médiocre d'un père, simple affranchi, qui l'avait noblement épuisée pour l'éducation de son fils; et il l'attacha même à ses grands travaux politiques. Préfet de Rome et de l'Italie, Mécène avait en outre dans ses attributions les rapports de l'empire avec tous les peuples qui touchaient ses vastes frontières. Ces relations étaient sans doute bien différentes de la diplomatie moderne, qui a des phares constamment allumés sur tous les points du globe; mais il n'en fallait que plus de vigilance pour prévenir des hostilités soudaines et voilées par l'éloignement des peuples. Ce qui étonne, pour le dire en passant, c'est que la politique si vantée du sénat n'ait pas jugé de loin l'immense danger qui couvait dans les régions reculées du Nord et de l'Orient. Comment Rome n'a-t-elle pas vu croître et s'apprêter contre elle ces populations qui devaient l'inonder? l'invasion de la barbarie et les siècles de ténèbres qu'elle a fait peser sur le monde étaient-ils donc nécessairement

dans ses destinées? Il semble qu'un regard attentif, jeté au-delà des limites de l'empire, aurait dû prévenir ce désastre universel. Mais la cité-reine se complaisait dans l'idée que le monde romain était le monde entier. Si le sommeil de l'orgueil était doux, son réveil fut terrible.

C'est un spectacle intéressant de voir notre poète marcher à la plus haute célébrité, et se livrer en même temps aux occupations obscures de sa place dans le secrétariat de Mécène. Mais ce contraste rappelle que, chez les Romains et dans tous les beaux âges, les lettres ont eu ce degré éminent de considération qui les faisait allier à l'administration publique, pour l'éclairer et l'ennoblir encore davantage. Un homme supérieur dans les travaux de la science et des lettres, doit l'être également dans les affaires de l'état, si un penchant éclairé par l'étude le porte à les manier. Le poète a les mêmes droits et peut y briller à son tour; car, ainsi que Voltaire l'a dit, ce n'est pas

l'imagination seule qui doit éclater en lui; il lui faut une raison profonde et un jugement exquis, pour ordonner son œuvre et guider son goût.

On ne sait point si Mécène a cultivé lui-même les lettres; il est permis de le penser, d'après cette ode dans laquelle Horace feint de ne pouvoir célé brer dignement l'héritier de César, et lui laisse le soin de décrire ses triomphes. Mais il est à croire que, s'il s'est placé parmi les écrivains, comme Richelieu, il n'a pas mérité le reproche de les protéger avec trop de hauteur. L'amitié véritable, la familiarité touchante que nous voyons régner entre lui et le chantre de Tibur, en donnent l'assurance. C'est à ce titre que le favori des Muses a pu accepter les bienfaits de l'homme puissant. Le plaisir qu'il éprouve à les rappeler ne laisse aucune amertume; notre délicatesse n'en est point blessée, malgré l'usage justement consacré qui n'accorde qu'à la munificence publique le droit des récompenses. La noble discrétion d'Horace

est d'ailleurs exempte de tout nuage, et il ne se montre pas moins empressé à refuser les nouveaux dons qui lui sont offerts, qu'à redire avec orgueil ceux qu'une amitié également délicate des deux cotés lui a fait accepter. Possédant la faveur d'Auguste, revêtu même du titre de secrétaire de ses commandements, il pouvait aspirer à l'opulence et aux dignités; mais, loin de se prévaloir des avantages de cette position et des droits du talent, il a voulu conserver sa modeste existence sociale. Il a donné ainsi le plus éclatant exemple de la sage conformité que doit garder un écrivain entre sa vie et les principes qu'il met au jour. C'est par-là que sa douce philosophie est plus pénétrante, et que la noblesse de son coeur relève encore la noblesse et le charme de sa poésie.

Les odes d'Horace forment trois classes que caractérise le sujet dont il est inspiré. Elles sont héroïques, philosophiques ou légères. Les premières sont adressées à Auguste, au peuple romain et à des personnages éminents. C'est là le poète

que

embrasse les sujets les plus élevés et soutient sa propre élévation à leur niveau. L'enthousiasme qui l'anime est digne de la grandeur de Rome. C'est dans ces chants que la gloire de la République et de l'empire étincelle tout entière, et que les vertus antiques reçoivent leur plus éclatant hommage. Mais c'est aussi sous les mêmes traits d'une poésie brûlante que sont signalées l'ambition des grands, la furie des factions patriciennes ou populaires, les calamités des guerres civiles et l'horreur des proscriptions. Le chantre est alors pour nous comme l'interprète des dieux; il déploie toute la puissance de la lyre, cette première institutrice des peuples; récompense ou condamne le monde qui l'écoute, et le ravit par ses leçons mélodieuses et sacrées. Nul autre n'a parlé aux hommes dans des circonstances aussi grandes, et n'a mieux montré la beauté de son art divin.

Il est facile de sentir combien Auguste, qui savait apprécier la sublimité de la poésie et compo

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