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je rendrai mes respects à Clémence Isaure *, que vous connoissez si bien. Si vous y gagnez le prix, mandez-le moi; je prendrai votre médaille en passant: aussi bien n'avez vous plus la ressource des intendans. Il vous faudroit un homme uniquement occupé à recueillir les médailles que vous remportez. Si vous voulez, je ferai aussi à Toulouse une visite de votre part à votre muse, madame de Montégut, pourvu que je ne sois pas obligé de lui parler, comme vous faites, en langage poétique.

Je vous dirai pour nouvelle, que les jurats comblent dans ce moment les excavations qu'ils avoient faites devant l'académie. Si les Hollandais avoient aussi bien défendu Berg-op-Zoom que M. notre intendant a défendu ses fossés, nous n'aurions pas aujourd'hui la paix. C'est une terrible chose que de plaider contre un intendant; mais c'est une chose bien douce que de gagner un procès contre un intendant.' Si vous avez quelque relation avec M. de Larrey à la Haye, parlezlui, je vous prie, de notre tendre amitié. Je

a Dame qui fonda le premier prix des jeux floraux dans le quatorzième siècle. On conserve sa statue avec honneur à l'hôtel-de-ville, et on la couronne de fleurs tous les ans.

b Femme d'un trésorier de France, qui cultivoit la poésie.

c M. de Tourni, intendant de Guienne, à qui Bordeaux doit les embellissemens de cette ville, pour suivre un plan des édifices qu'il entreprit, et faire un alignement, venoit de masquer le bel hôtel de l'académie; elle s'y opposa, et obtint de la cour gain de cause contre l'intendant.

suis bien aise d'apprendre son crédit à la cour du stadhouder; il mérite la confiance qu'on a en lui. Je vous embrasse, mon cher ami, de tout mon

coeur.

De Raimond en Gascogne, le 8 août 1752.

LETTRE XLVIII

A U MÊME.

VOTRE lettre, mon cher comte, m'apprend

que vous êtes à Paris; et je suis étonné moi-même de ce que je n'y suis point. Le voyage que j'ai été obligé de faire à l'abbaye de Nisor avec mon frère, qui a duré près d'un mois, a rompu toutes mes mesures, et je n'y serai qu'à la fin de ce mois, ou au commencement de l'autre ; car je veux absolument vous voir, et passer quelques semaines avec vous avant votre départ. Mais, mon cher abbé, vous êtes un innocent, puisque vous avez deviné que je n'arriverois point sitôt, de ne pas vous mettre dans mon appartement d'en bas; et je donne ordre à la demoiselle Betty de vous y recevoir, quoiqu'elle n'ait pas besoin d'ordre pour cela ainsi je vous prie de vous y camper. Vous allez à Vienne: je crois que j'y ai perdu, depuis vingt-deux ans, toutes mes connoissances. prince Eugène vivoit alors; et ce grand homme

Le

me fit passer des momens délicieux a MM. les comtes Kinsky, M. le prince de Lichtenstein, M. le marquis de Prié, M. le comte d'Harak, et toute sa famille, que j'eus l'honneur de voir à Naples, où il étoit vice-roi, m'ont honoré de leurs bontés: tout le reste est mort; et moi je mourrai bientôt: si vous pouvez me rappeler dans leur souvenir, vous me ferez beaucoup de plaisir. Vous allez paroître sur un nouveau théâtre, et je suis sûr que vous y figurerez aussi bien que vous avez fait ailleurs. Les Allemands sont bons, mais un peu soupçonneux. Prenez garde, ils se méfient des Italiens, comme trop fins pour eux; mais ils savent qu'ils ne leur sont point inutiles, et sont trop sages pour s'en passer..

Vous avez grand tort de n'avoir point passé par la Brède quand vous revîntes d'Italie.

Je puis dire que c'est à présent un des lieux aussi agréables qu'il y ait en France, au château près b, tant la

a L'auteur disoit qu'il n'avoit jamais ouï dire à ce prince que ce qu'il falloit dire sur le sujet dont on parloit, même lorsqu'en quittant de temps en temps sa partie, il se mêloit de la conversation. Dans un petit écrit que Montesquieu avoit fait sur la Considération, en parlant du prince Eugène, il avoit dit qu'on n'est pas plus jaloux des grandes richesses de ce prince qu'on ne l'est de celles qui brillent dans les temples des dieux. Le prince, flatté de ces expressions, fit un accueil très - diștingué à Montesquieu à son arrivée à Vienne, et l'admit dans sa société la plus intime.

b La singularité de ce château mérite une petite note. C'est un bâtiment hexagone, à pont-levis, entouré de doubles fossés d'eau vive, revêtu de pierres de taille. Il fut bâti sous Charles

nature s'y trouve dans sa robe de chambre et au lever de son lit. J'ai reçu d'Angleterre la réponse pour le vin que vous m'avez fait envoyer à mylord Eliban; il a été trouvé extrêmement bon. On me demande une commission pour quinze tonneaux; ce qui fera que je serai en état de finir ma maison rustique. Le succès que mon livre a eu dans ce pays - là contribue, à ce qu'il paroît, au succès de mon vin. Mon fils ne manquera pas d'exécuter votre commission. A l'égard de l'homme en question, il multiplie avec moi ses torts à mesure qu'il les reconnoît; il s'aigrit tous les jours, et moi je deviens sur son sujet plus tranquille: il est mort pour moi. M. le doyen, qui est dans ma chambre, vous fait mille complimens, et vous êtes un des chanoines du monde qu'il honore le plus lui, moi, ma femme et mes enfans, vous regardons et chérissons tous comme de notre famille. Je serai bien charmé de faire connoissance avec M. le comte de Sartiranne a quand je serai à Paris: c'est à vous à lui donner bonne opinion. de moi. Je vous prie de faire mes tendres complimens à tous ceux de mes amis que vous verrez; VII pour servir de château fort; et il appartenoit alors aux MM. de la Lande, dont la dernière héritière épousa un des ancêtres de Montesquieu. L'intérieur de ce château n'est effectivement pas fort agréable par la nature de sa construction; mais Montesquieu en a fort embelli les dehors par des plantations qu'il y a faites. Voyez, sur l'état de ce château en 1797, la lettre qui est dans le sixième volume, page 333.

a Ambassadeur de Sardaigne à Paris, homme de beaucoup d'esprit, et plus véridique qu'on ne souhaite dans les sociétés.

mais si vous allez à Montigny, c'est là qu'il faut une effusion de mon coeur. Vous autres Italiens êtes pathétiques: employez-y tous les dons que la nature vous a donnés; faites - en sur-tout usage auprès de la duchesse d'Aiguillon et de madame Dupré de Saint-Maur; dites sur-tout à celle-ci combien je lui a suis attaché. Je suis de l'avis de mylord Eliban sur la vérité du portrait ↳ que vous avez fait d'elle.

Il faut que je vous consulte sur une chose, car je me suis toujours bien trouvé de vous consulter. L'auteur des Nouvelles ecclésiastiques m'a attribué, dans une feuille du 4 juin, que je n'ai vue que fort tard, une brochure intitulée Suite de la Défense de l'Esprit des lois, faite par un protestant, écrivain habile, qui a infiniment d'esprit. L'ecclésiastique me l'attribue pour en prendre le sujet de me dire des injures atroces. Je n'ai pas jugé à propos de rien dire, 1°. par mépris; 2°. parce que ceux qui sont au fait de ces choses, savent

C

a Il disoit d'elle, qu'elle étoit également bonne à en faire sa maîtresse, sa femme, ou son amie.

b Cette dame étant un jour en habit d'amazone à la campagne à Montigny, il en avoit fait le portrait dans un sonnet. Ce sonnet ayant été lu à mylord Eliban, qui ne la connoissoit pas, il dit que ce ne pouvoit être qu'un portrait flatté; et ayant depuis fait connoissance avec elle, il reprochoit à l'auteur de n'en avoir pas assez dit.

c L'auteur de cet écrit in-12, Berlin, 1751, étoit la Beaumelle. On l'attribua faussement à Montesquieu. Il y a une lettre de lui qui dément cette fausse imputation. Voyez le re cueil B, P. 12222, à la Bibliothèque Mazarine.

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