Obrázky na stránke
PDF
ePub

1

INTRODUCTION.

On peut dire que les sciences, les lettres et les arts, ces bases solides de toute civilisation, viennent évidemment de deux sources principales la Grèce et l'Italie. Athènes et Rome, sont le berceau des connaissances humaines; c'est toujours à ces deux nations, puissantes dans la paix et la guerre, qu'il faut aller demander l'origine de ce qui constitue aujourd'hui la société avec ses perfectionnements les plus glorieux. Nous ne prétendons pas que les Grecs et les Romains soient les inventeurs de toutes choses, qu'ils aient créé, par la seule force de leur génie, les merveilles que nous admirons, et que ce germe divin, semé par eux, fournisse la moisson abondante que nous recueillons aujourd'hui ce serait méconnaître les leçons de l'histoire, et les hardis explorateurs du passé nous reprocheraient, à juste titre, de ne pas tenir compte des faits qu'une critique ingénieuse a signalés dans le développement de quelques civilisations antiques. Athènes s'est enrichie, sans nul doute, des fruits exquis de la sagesse orientale; ses plus illustres auteurs ont recueilli les traditions dont l'Égypte était dépositaire, mais cet héritage fut glorieusement vivifié par des esprits ardents. Sous la main intelligente des Grecs, l'or, débarrassé de son alliage, sortit brillant et pur d'une gangue informe; le métal précieux subit un travail qui rehaussa son prix; la pensée, obscurcie par des ténèbres épaisses, jaillit en éclairs du sein des nuages

a

qu'une caste jalouse amoncelait autour d'elle; en un mot, ce fut la nation grecque qui vulgarisa la science, qui la rendit populaire, et lui assura dans l'avenir un progrès auquel il n'est pas permis d'imposer des limites.

Faut-il s'étonner que le monde reconnaissant ait célébré la gloire du peuple ingénieux à qui nous devons un si splendide bienfait? Les Romains, qui, les premiers, en ont profité, n'acceptèrent pas sans murmure le patronage de l'Attique; leur grossièreté répugnait à ses élégances infinies. Prosateurs et poètes, hommes d'État surtout, se moquaient à l'envi des raffinements d'une société dont ils ne comprenaient pas le charme; mais bientôt il fallut céder à cette bénigne influence des lettres et des arts, la science. elle-même ne tarda pas à s'imposer aux vainqueurs, et le triomphe fut complet.

Plus tard, quand aux douces lueurs de la Renaissance le monde moderne secoua sa triste barbarie, ce fut à l'Italie, et par conséquent à la Grèce, que l'on demanda les germes précieux qui devaient refleurir parmi nous. On reprit avec ardeur des études si longtemps interrompues, le grec et le latin formèrent la base de toute instruction, la langue française sortit, radieuse chrysalide, des rudesses qui l'enveloppaient, et l'Europe entière sentit le contre-coup de cette résurrection. Partout on vit éclore des chefs-d'œuvre, le génie français déploya ses ailes; original même en imitant, il montra sa puissance, et le siècle de Louis XIV, effaçant ceux de Léon X et des Médicis, fut digne de succéder au siècle d'Auguste.

De ces hauteurs où l'esprit se plaît à contempler l'ensemble des connaissances humaines, nous pouvons facilement descendre à quelque point isolé, à la médecine, par exemple, et voir si, dans son développement progressif, elle a suivi la marche commune; si elle est arrivée jusqu'à nous par une transmission régulière à travers les âges et les peuples, comme toutes les sciences fondées sur l'observation et le raisonnement. Cette question, que se font vo

lontiers ceux qui ne sont pas les serviles adorateurs du fait, mais qui aiment à savoir d'où viennent les choses et comment elles sont parvenues jusqu'à nous, cette question nous nous la sommes adressée, et nous avons tenté de la résoudre. Nos origines médicales ont été l'objet de patientes recherches; des esprits exercés à tous les labeurs de l'érudition la plus savante et la plus sévère ont remonté bien haut dans la nuit des temps pour découvrir les rudiments de cette science, contemporaine du berceau des nations, et nous n'avons pas la prétention de leur enseigner de nouvelles routes pour arriver à la vérité. Mais à côté des travaux qui ont illustré plusieurs de nos maitres, il y a place pour des œuvres moins sérieuses, d'une moindre portée peut-être, et cependant dignes d'intérêt, car elles contribuent à jeter un peu de lumière sur des questions que les plus éminents critiques n'ont pu résoudre entièrement.

La médecine, telle qu'elle existe aujourd'hui, est évidemment grecque, elle a sa source dans la collection hippocratique, elle est et sera l'éternel honneur du vieillard de Cos, et les observateurs modernes les plus attachés à la constatation des faits matériels qui constituent pour eux la maladie, ne répudieront jamais, il faut l'espérer, ce noble héritage d'un passé que tant de siècles ont presque divinisé.

Mais avant les écrits d'Hippocrate il y avait, non-seulement dans la mémoire des peuples mais encore dans l'enseignement oral des philosophes, dans les récits des poètes, des historiens, une médecine vulgaire, fruit direct de l'observation, qui ne prit le caractère de science réglée que quand le génie des Asclepiades s'en fut emparé. Homère, Hésiode, Sapho, Ésope, Anacréon, Eschyle, Pindare, Sophocle, ces enfants de la muse primitive, ont parlé des maladies et de leurs remèdes; Solon, Thalès, Pythagore, Hérodote, Thucydide, historiens et législateurs, ont protégé la santé des peuples et raconté les épidémies meurtrières qui ravagèrent les nations; Socrate, qui s'occupait surtout des infirmités de l'âme, les comparait à celles du corps, et

enseignait le moyen de les guérir en usant de procédés presque médicaux. Tous ces hommes ont vécu avant le vieillard de Cos, tous ont connu cette science qu'Hippocrate désignait déjà de son temps sous le nom de prisca medicina, et bientôt, peut-être, nous sera-t-il permis de faire voir que les plus anciens monuments de la littérature grecque contiennent en foule des notions médicales trop négligées jusqu'ici.

Peut-on dire la même chose des ouvrages latins? Trouverons-nous dans les rares écrits antérieurs au siècle d'Auguste, la trace de cette médecine qui a précédé les traités didactiques des hommes de l'art? C'est ce que nous avons voulu vérifier nous avons essayé de recueillir les témoignages précieux de l'existence des idées médicales au milieu d'une nation qui se vantait presque de ne pas avoir de médecins, nous avons poursuivi cette recherche jusqu'à l'époque où la science régulière signala sa présence à Rome par des œuvres restées classiques, et où des hommes justement autorisés firent école en propageant ou en modifiant les doctrines hippocratiques. Il nous a semblé utile de voir ce qu'était cette médecine sans médecins; de constater l'importance du rôle qu'elle remplissait dans une société d'abord si dédaigneuse des lettres et des arts; de montrer comment la science s'est constituée peu à peu, à l'insu des hommes qui affectaient de la mépriser; d'indiquer ses progrès, sa diffusion, et enfin la place qu'elle tenait dans le langage de la foule, dans les drames qu'on représentait sur le théâtre, dans les poèmes qui racontaient les antiques traditions du Latium, en un mot, dans cette littérature populaire confiée à la mémoire de tous, que l'on récite, que l'on chante avant de l'écrire, et qui renferme les meilleurs documents de l'histoire primitive des peuples.

Lorsque, à propos d'une nouvelle traduction en vers de Juvénal, nous publiâmes dans la Gazette médicale de Paris une série d'articles destinés à montrer quelle place tenait la médecine dans les œuvres des poètes latins, nous cé

dions au plaisir de retrouver la trace de nos lectures de prédilection, de tirer parti de notes depuis longtemps oubliées, de réaliser enfin un programme qu'il nous paraissait important de remplir. Cette entreprise était-elle absolument neuve, personne jusqu'ici n'avait-il eu la pensée de demander à la pléiade poétique des enfants de la louve ce que leurs œuvres doivent à la médecine, ce qu'elles ont pu lui prêter, enfin, avait-on institué un commentaire médical des poètes latins? Il est difficile d'avoir une idée nouvelle en matière d'érudition; dans les deux cents ans qui ont suivi l'invention de l'imprimerie, la littérature romaine a été remuée de fond en comble; une foule de savants dont la patience et le zèle étaient à toute épreuve ont creusé cette mine inépuisable, et les trésors qu'on leur doit forment le glorieux patrimoine des lettres modernes. Mais enfin, si quelques dissertations spéciales sur des maladies indiquées par les anciens poètes ont amusé la curiosité de certains. amateurs, on peut affirmer qu'aucun travail d'ensemble n'a été entrepris sur le côté médical de ces sortes d'ouvrages, et nous espérons prouver qu'il y a eu quelque utilité à se charger de ce soin.

Un de nos savants confrères, le professeur Bouisson, de Montpellier, a publié en 1843 quelques articles pleins d'intérêt sur la médecine et les poètes latins. Ceux qui voudront étudier cet essai plein d'idées élevées, de vues ingénieuses et dont la forme élégante indique la source d'où elle émane, se convaincront sans peine que nos œuvres sont indépendantes l'une de l'autre, et que, à part quelques analogies toutes naturelles dans des travaux sur un sujet identique, chacun a suivi sa voie pour arriver à un but différent.

Il y a un grand plaisir à lire, à méditer les anciens livres, ceux-là surtout que l'admiration universelle des nations éclairées a placés dans toutes les bibliothèques, c'est-à-dire, dans les mains de tout le monde. Mais dans ce travail charmant, chacun apporte des goûts, des ins

« PredošláPokračovať »